«Je me souviendrai toujours de la végétation luxuriante de l’oasis, autour de la ville, lieu de consolation au milieu du désert»: c’est avec un brin de nostalgie que le père Pierre Téqui, pendant trois ans prêtre fidei donum en Algérie, évoque sa vie à El-Meniaa, la ville du Sahara où est enterré saint Charles de Foucauld, au cœur du diocèse de Laghouat, de loin le plus étendu du pays, avec ses deux millions de kilomètres carrés de désert. C’est là que le prêtre français a récemment conclu sa mission, après avoir séjourné en Algérie pour se former et apprendre l’arabe, puis à Batna, ville du diocèse de Constantine.
Tout juste rentré en France, où il prendra la tête d’une paroisse de montagne du diocèse de Perpigan-Elne, dans les Pyrénées, Pierre Téqui, 46 ans, raconte l’Eglise en Algérie, humble et discrète, dans un Etat majoritairement musulman. «Là, pour nous chrétiens, être compte plus que faire — explique-t-il à notre journal — et cette dimension m’a beaucoup plu, à la différence de la France où l’on court toujours d’une activité à l’autre». L’Algérie «est cinq fois plus grande que la France, avec une grande diversité culturelle et linguistique, j’ai donc dû adapter mon apostolat aux diverses situations et contextes dans lesquels je vivais. Tout d’abord, je suis arrivé à Alger au début de l’année scolaire 2021: j’y ai passé une année d’initiation au centre d’étude des Glycines, où j’ai pu faire la connaissance de l’Algérie, de sa langue et de son Eglise. J’ai ensuite été envoyé à Batna, à une centaine de kilomètres au sud de Constantine, où je m’occupais de nombreux étudiants provenant d’Afrique subsaharienne, qui avaient besoin d’être soutenus, entourés, en somme, d’une famille. Je visitais également les prisons de la région. Puis, j’ai poursuivi mon chemin qui m’a conduit au Sahara, dans la paroisse d’El-Meniaa».
Tous les lieux «où je suis allé — souligne le père Pierre — avaient en commun un lien fraternel que j’ai pu tisser avec les musulmans. Il est fondamental que les musulmans et les chrétiens se connaissent afin de dépasser les préjugés. Il faut préciser que le dialogue a été beaucoup facilité par l’héritage laissé par les pères blancs, bien avant l’indépendance: de nombreuses familles gardent un souvenir lié à l’un d’entre eux. La maîtrise de la langue arabe et l’aide désintéressée ont été deux éléments appréciés par une partie de la population locale».
Même au milieu du désert, le travail ne manquait pas à El-Maniaa: «J’accueillais les visiteurs à l’église Saint-Joseph, dont j’étais le curé, et à la tombe de Charles de Foucauld. Je les hébergeais parfois dans l’une des cinq chambres que nous avons à disposition. J’étais également aumônier des sœurs de Notre-Dame de la Salette, venues de Madagascar, qui formaient avec moi la communauté catholique locale. Et je m’occupais des quatre-vingt chrétiens environ détenus dans la prison d’El-Meniaa et ce ministère a été pour moi une révélation, qui m’a véritablement fasciné». Enfin, vivre en fraternité avec les Algériens au hasard des rencontres, dans la vie quotidienne. «Tandis que les villes du nord de l’Algérie rappellent d’une certaine manière, en particulier sur le plan architectural, les villes européennes, dans le Sahara, la vie est complètement différente par rapport à ce que j’ai connu en France. J’étais le seul prêtre de la région».
A El-Meniaa, Pierre Téqui a été particulièrement impressionné par la foi des détenus chrétiens, pour la plupart migrants, qui traversent le Sahara depuis le sud à la recherche de meilleures conditions de vie: «Prier à leurs côtés a été une expérience incroyable. Ils sont confrontés à une épreuve qui les ébranle, mais une fois la stupeur passée, ils arrivent à accomplir un acte de foi, à donner un sens à leur existence, arrivant jusqu’à dire qu’ils ont de la chance». Cette foi en un Dieu qui sauve, nourrie par une lecture constante des Ecritures saintes, «m’a ému», révèle le père Pierre: «J’ai compris que “l’Esprit souffle où il veut”, et peut-être particulièrement sur les pauvres. En prison j’ai rencontré des gens pauvres mais confiants, totalement livrés au souffle de l’Esprit Saint».
Le prêtre espère que sa mission fidei donum en Algérie pourra inspirer d’autres prêtres français, italiens ou d’autres pays occidentaux. «Ce type d’expérience — explique-t-il — représente un service pour l’Eglise d’accueil, qui a besoin d’autres prêtres; pour l’Eglise d’origine, parce qu’on y retourne avec un élan renouvelé, et pour soi-même, parce qu’il s’agit d’un mode de vie différent de celui “occidental”». Et il conclut: «Avoir vécu aux côtés d’une population presque entièrement musulmane, très fervente mais aussi désireuse de comprendre la foi des autres, me donne de l’énergie pour vivre ma nouvelle mission en France».
Charles de Pechpeyrou