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Le patriarche d’Antioche des Maronites élevé aux honneurs des autels

Un pont entre Orient
et Occident

 Un pont entre Orient et Occident  FRA-033
08 août 2024

La sobriété et la capacité d’être un «pont» entre l’Eglise d’Orient et l’Eglise d’Occident ont caractérisé la vie de l’antique patriarche d’Antioche des maronites Etienne Douayhy (1630-1704) qui a été élevé aux honneurs des autels au Liban dans la soirée du vendredi 2 août.

La célébration de béatification — près de quatre cents ans après la naissance du vénérable serviteur de Dieu, précisément le 2 août — s’est déroulée au siège patriarcal de Bkerke et a été présidée par le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les causes des saints, représentant le Pape François.

Né à Ehden, au nord du «pays des cèdres», Etienne grandit en acquérant dès son plus jeune âge des notions d’arabe et de syriaque, ainsi qu’une solide formation chrétienne, morale et liturgique. Génie précoce, il est envoyé à onze ans seulement, en 1641, au collège maronite de Rome où, selon son biographe et contemporain, le patriarche Semaan, Etienne «brille parmi les étudiants, comme le soleil parmi les planètes». Son parcours d’études est marqué par un épisode particulier: après avoir appris le latin et les sciences logiques et mathématiques, il est atteint d’une maladie des yeux. Mais grâce à sa foi et à ses prières, et par l’intercession de la Vierge Marie à laquelle il s’adresse, il recouvre la vue. En 1650, il obtient un doctorat en philosophie, qui lui sert de base solide pour ses études de théologie où il excelle, alliant le goût mystique à l’activité intellectuelle. De retour au Liban, le 3 avril 1655, il commence à enseigner aux enfants, en particulier aux pauvres et aux orphelins, et fonde une école où il enseigne pendant cinq ans. Ordonné prêtre le 25 mars 1656 au couvent de Mar Sarkis-Ehden, il se rend à Alep, en Syrie, l’année suivante. Il inaugure ainsi ce que l’on pourrait appeler «le rôle des maronites» dans la reconfirmation de l’union des Eglises d’Orient avec l’Eglise catholique, tout en accordant aux autres communautés orientales l’attention qui leur revient.

Entre 1658 et 1662, Etienne Douayhy prête service dans de nombreuses paroisses. Il accomplit également un pèlerinage aux lieux saints, au retour duquel, le 8 mai 1668, il est élevé à l’épiscopat sur la chaire du diocèse maronite de Chypre. Il y reste jusqu’en 1670, accomplissant sa mission en bon pasteur et étudiant les livres et les documents relatifs aux Maronites. Le 20 mai de la même année, à l’âge de 40 ans, il est élu au siège d’Antioche en tant que patriarche et confirmé par le Pape Clément x le 8 août 1672.

Suivent des années difficiles, dues à la domination des Ottomans. Etienne Douayhy lui-même évoque ces vexations dans une lettre de félicitations adressée au Pape Innocent xi à l’occasion de son élection le 8 septembre 1679: «De nombreux villages ont été vidés — écrit-il — des monastères incendiés, des églises abandonnées, un grand nombre de personnes tuées et le reste dispersé parmi les nations étrangères à cause du changement des gouverneurs et de leur tyrannie. Mais les desseins du Créateur sont insaisissables, et quoi qu’il nous arrive, nous l’accepterons avec plaisir».

Le 3 mai 1704, le patriarche Etienne Douayhy meurt à Kanoubin. Sa figure est rappelée en particulier en raison de son comportement exemplaire et de son humilité. Il a certainement excellé dans les «disputes» académiques, mais cela ne l’a pas empêché de respecter les autres et de les écouter avec attention. Il ne sollicitait pas d’honneurs ni de louanges, mais adoptait volontairement l’isolement monastique, se consacrant à l’enseignement des enfants. Son humilité, qui se manifestait également sur la chaire patriarcale, ne découle pas chez lui d’une faiblesse; au contraire, il était fort et courageux lorsqu’il s’agissait de défendre les droits de la communauté. Dès l’enfance, il pratique les exercices de pénitence et, tout au long de sa vie, il ne mange pas de viande et ne goûte pas aux fruits nouveaux, se levant de table avant même de se sentir rassasié: «N’est-il pas bon de mortifier un peu le corps pour gagner quelque chose d’utile pour nos âmes?», affirme-t-il.

A travers un style de vie sobre marqué par la pauvreté, il témoigne d’une vertu qui a profondément marqué les Maronites: l’ascèse, le détachement des richesses vaines et illusoires pour rechercher la richesse véritable, authentique et profonde. Il renonce à tout, sauf à Dieu et aux droits de la communauté.

Erudit, historien, théologien et liturgiste, il accomplit des recherches systématiques de documents et de manuscrits dans les bibliothèques, pratique l’enseignement comme une mission et se consacre à l’Ordre libanais maronite (fondé en 1695) pour fournir à la communauté des guides spirituels exemplaires par leur témoignage.

Auteur prolifique, il révise et corrige la plupart des livres liturgiques maronites, en prenant soin d’examiner leur authenticité et d’assurer leur fidélité au patrimoine maronite et à la vérité catholique. Il rédige une impressionnante Histoire maronite, ainsi que de nombreux manuscrits du livre de l’Ordo, supervisant la correction du rite de consécration des églises et rassemblant un ouvrage intitulé Livre des prières. Parmi ses grandes réalisations liturgiques et théologiques, citons le livre des Dix candélabres ou Candélabres des sanctuaires, où l’histoire se mêle à la théologie et à la liturgie, comparant les patrimoines des diverses communautés en Orient et en Occident.

Paolo Azzi
Postulateur