Le dialogue entre bouddhistes et chrétiens
Le dialogue entre les chrétiens et les bouddhistes du Cambodge suit les voies spirituelles de karuna et d'agàpe, qui reflètent respectivement le concept bouddhiste de «compassion» et le concept chrétien d'«amour inconditionnel». Dans cette optique, un terrain d'entente, qui n'est jamais une fin en soi mais qui vise des objectifs et des actions communes pour «guérir l'humanité meurtrie par la terre bafouée», est recherché entre le christianisme et le bouddhisme. Le dialogue est un des domaines qui, depuis le début des années 90, a vu les jésuites présents et actifs au Cambodge. Pour les disciples de saint Ignace, le Cambodge, pays à majorité bouddhiste avec 17 millions d'habitants et une petite communauté de 25.000 fidèles catholiques, offre un environnement idéal pour vivre et s'engager dans le dialogue interreligieux. «Au-delà des simples paroles, nous collaborons activement pour servir le bien commun, promouvant le respect réciproque. Dans ce contexte, le Cambodge devient une école de tolérance, de solidarité et d'expériences de prière partagée qui rapprochent les bouddhistes et les chrétiens», affirment-ils.
La pratique de l'échange théologique est cultivée pour explorer la richesse des traditions religieuses respectives et favoriser parmi les gens une véritable appréciation du sacré, qui implique l'intégralité de l'être humain. En ce sens, il devient un «dialogue d'expérience spirituelle» qui vise à créer un lien unique entre les croyants chrétiens et bouddhistes: les membres de la communauté exaltent le pouvoir unificateur de la prière silencieuse et partagent les enseignements tirés de la pratique de la méditation. L'étape suivante est le «dialogue de la vie quotidienne», dans lequel des relations de respect mutuel, d'amitié et de fraternité sont forgées pour créer des relations humaines durables et pas seulement épisodiques. Cela conduit à une action commune: les communautés religieuses œuvrent ensemble pour lutter contre les injustices sociales et les crises environnementales. C'est ainsi qu'est née la gestion partagée des cliniques et des écoles, le soutien à la «justice écologique» et une série d'actions visant à mettre en évidence les respon-sabilités communes que toutes les religions partagent pour construire le bien commun.
Ce chemin d'unité s'exprime au Cambodge par un événement annuel qui constitue un puissant témoignage public: la marche pour la paix Dhammayetra, un pèlerinage annuel qui vise à promouvoir la réconciliation et à reconstruire un tissu social déchiré dans un pays qui a été dévasté par la guerre. Initiée par un moine bouddhiste en 1992, la marche est encore aujourd'hui un point de référence de la voie du dialogue interreligieux et voit évêques, moines, prêtres, religieux et simples citoyens défiler ensemble, côte à côte, «représentant un signe visible d'idéaux partagés, d'action sociale, d'échange spirituel, en une seule expérience transformatrice», déclarent les religieux du Cambodge. «Le dialogue promet d'être une occasion de vision partagée et de coopération pour le bien-être de nos communautés», explique Mgr Olivier Michel Marie Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom-Penh, l'un des chefs religieux qui participent régulièrement au colloque christiano-bouddhiste, une initiative promue par le dicastère pour le dialogue interreligieux, la Conférence épiscopale thaïlandaise et l'Université bouddhiste Maha Chulalongkorn Raja Vidhyalaya, qui réunit des responsables religieux bouddhistes et chrétiens, des théologiens et des universitaires de différents pays d'Asie et dont la huitième édition, prévue pour 2025, se tiendra à Phnom-Penh, au Cambodge. Mgr Schmitthaeusler parle des raisons profondes du dialogue interreligieux dans le pays: «Notre mission aujourd'hui au Cambodge, en Asie et dans le monde, est de créer une grande famille qui s'aime, s'écoute et se pardonne. Nous repartons de l'harmonie, de la paix, du partage des valeurs spirituelles avec notre prochain, sur lesquelles fonder des sociétés justes et fraternelles. Nous poursuivrons nos efforts pour donner un sens de transcendance aux nouvelles générations».
Le dialogue a pour but d'approfondir des sujets qui favorisent la compréhension mutuelle, en explorant des champs et des domaines de collaboration, en recherchant des voies communes pour aider à guérir l'humanité et la terre. L'humanité et la terre sont liées, «toutes deux souffrent, blessées par la destruction, le climat, la pauvreté, la guerre», déclarent les dirigeants bouddhistes, «Karuna est le plus nécessaire pour soulager la souffrance de la terre». Karuna, qui se traduit par compassion, désigne dans le bouddhisme la conscience de l'interconnexion de tous les êtres vivants. Lorsque d'autres personnes souffrent, karuna pousse le cœur des gens à soulager la souffrance de ces êtres en détresse, sans aucune discrimination». Le karuna est inséparable de metta, qui signifie «amour bienveillant», qui se caractérise par la promotion du bien des autres êtres vivants. Les chrétiens observent que metta et karuna forment ensemble une paire de vertus qui semblent résumer le concept chrétien d'agàpe, l'amour inconditionnel, celui de Jésus, qui unit et guérit.
Paolo Affatato