· Cité du Vatican ·

Le cardinal Semeraro a béatifié au Liban Etienne Douayhy

A l’image du Bon Pasteur

 A l’image du Bon Pasteur  FRA-033
08 août 2024

Un exemple de «charité pastorale», d’«amour pour l’Eglise» et de «sens de la fraternité catholique». C’est ainsi que le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les causes des saints, a défini Etienne Douayhy, patriarche d’Antioche des Maronites, au cours de la Messe de béatification qu’il a présidée dans la soirée du vendredi 2 août, représentant le Pape François. Treize mille fidèles ont participé à la célébration, qui s’est tenue au siège du patriarcat de Bkerke. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée à cette occasion par le cardinal Semeraro:

Souvent, en priant avec les Psaumes, il arrive de répéter le verset qui a été chanté avant la proclamation de l’Evangile: «Le juste fleurira comme le palmier et croîtra comme le cèdre du Liban» (Ps 92, 13). Le palmier a une caractéristique: son tronc est long et nu, mais il s’élève vers le ciel et, tout en haut, il offre ses fruits savoureux aux nomades qui marchent dans le désert. C’est ainsi que doit être l’homme juste: une source de paix et de vie pour ses frères lorsqu’ils marchent dans les déserts, c’est-à-dire dans les difficultés de la vie. Ensuite, il y a la deuxième comparaison, qui parle du «cèdre du Liban» et au moins pour moi, chers frères et sœurs, [pour moi] qui viens de Rome, cette image a un effet très particulier. Le cèdre brille par sa majesté, la splendeur ver-doyante de son feuillage et la qualité de son bois. Dans la réinterprétation chrétienne, il représente le croyant bien planté dans la maison de Dieu, qui est l’Eglise, se donnant vert pour soulager ses frères.

Lorsque Benoît xvi est venu au Liban, il a rappelé que le temple construit par Salomon était meublé à l’intérieur de bois de cèdre du Liban. Le Liban était présent dans le sanctuaire de Dieu, a-t-il dit. Il s’est souvenu, parce qu’il était présent, du patriarche Bechara Boutros Rai, que j’ai embrassé avec une affection fraternelle. Le Pape a ajouté des mots que nous entendons à nouveau aujourd’hui avec tant d’espoir: «Que le Liban d’aujourd’hui, ses habitants, continuent d’être présents dans le sanctuaire de Dieu! Que le Liban continue à être un espace où les hommes et les femmes vivent en harmonie et en paix les uns avec les autres pour offrir au monde non seulement le témoignage de l’existence de Dieu, mais aussi celui de la communion entre les hommes et les femmes, quelles que soient leurs sensibilités politiques, communautaires et religieuses» (Discours d’adieu, 16 septembre 2012).

C’est avec cette même espérance que nous regardons aujourd’hui la figure du nouveau bienheureux Etienne Douayhy. Il a été patriarche de l’Eglise maronite pendant plus de trente ans, à une époque très difficile en raison des persécutions extérieures et des dissensions internes. Pendant toutes ces années, on peut dire qu’il n’a pas connu un seul jour de paix et de sérénité. Il lui est même arrivé plusieurs fois de devoir quitter le siège patriarcal pour se réfugier dans des lieux certes plus sûrs, mais dans des conditions difficiles. Il vivait tout comme une vocation à partager les souffrances du Christ (cf. Col 1, 24). Dans son cœur, il n’y avait donc pas de ressentiment, mais il disait à ceux qui l’avaient maltraité et persécuté: «Je te pardonne ce que tu as fait avec moi et je suis prêt à souffrir davantage par amour pour le Seigneur qui a souffert et qui est mort pour moi».

Il imite ainsi la figure du bon berger de l’Evangile, qui prend Jésus comme modèle et référence. Nous venons d’entendre ses paroles: «Je suis le bon berger. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis» (Jn 10, 11). Cette figure, à y regarder de plus près, n’est que celle d’un berger, mais d’un «bon berger». Peut-être devrions-nous réfléchir un instant à cette affirmation. Que veut dire le Seigneur? Cet ajout était-il nécessaire? Je pen-se que oui, car le prophète Ezéchiel avait déjà parlé de bergers qui, au lieu de paître les brebis, se paissaient eux-mêmes. Aujourd’hui encore, malheureusement, de telles choses se produisent. Il y a des gens qui, au lieu de servir le bien commun, pensent à leur propre bien-être.

C’est pourquoi Jésus parle d’un «bon» berger. On est bon lors-qu’on nourrit dans son cœur l’intention de faire le bien et qu’on le fait ensuite par des choix et des comportements appropriés. Mais Jésus va beaucoup plus loin: est bon le berger qui donne sa vie pour ses brebis. Et c’est en cela que notre bienheureux l’a vraiment imité. Il a été un berger qui a souffert pour et avec son troupeau et qui a fait tout son possible pour le défendre, le protéger et le faire grandir.

Mais il était aussi prudent et même diplomate. L’une de ses lettres au roi de France Louis xiv est bien connue, dans laquelle il expose toutes les souffrances du peuple et lui demande de le prendre sous son aile protectrice. Il y a encore un autre aspect pour lequel le bienheureux Etienne mérite d’être rappelé, et c’est un aspect qui est d’une grande actualité dans l’Eglise aujourd’hui: l’aspect œcuménique. Le patriarche Etienne, en effet, a également exercé la charité œcuménique, toujours animé d’un sens aigu de la catholicité de l’Eglise vécue dans des contextes — comme nous l’avons déjà mentionné — souvent rendus difficiles par les relations avec les autres confessions chrétiennes et avec l’Islam.

Les exemples qui nous viennent de lui sont donc ceux de la charité pastorale, de l’amour de l’Eglise et du sens de la fraternité catholique. Demandons donc au Seigneur que nous sachions nous aussi exprimer ainsi, par l’intercession du bienheureux Etienne, notre être d’Eglise, notre être d’amis et de frères dans le Christ notre Seigneur.