«Nous continuons à œuvrer en sensibilisant et en demandant à tous de bannir les mines de leurs cœur»: Denise Coghlan, religieuse australienne des Sœurs de la Miséricorde qui accompagne depuis plus de trente ans les victimes de la violence au Cambodge, en particulier celles touchées par les conséquences de la longue guerre que le pays a traversé, va au cœur du problème. La missionnaire a joué un rôle clé en tant que membre de la campagne internationale qui a conduit à l'adoption de la convention sur d'interdiction des mines antipersonnel en 1997. La même année, la religieuse et le Cambodgien Tun Channareth, un ancien soldat mutilé par une mine, ont reçu le prix Nobel de la paix pour leurs efforts inlassables dans cette campagne.
Avant le travail de déminage sur le terrain, qui se poursuit encore aujourd'hui, «il faut déminer les cœurs», note sœur Denise, en rappelant que tout part de la réconciliation et du fait «d'être des artisans de paix», une tâche qui «dans le monde semble incroyablement difficile et qui, d'autant plus, a besoin d'ouvriers et de partisans convaincus, à tous les niveaux». A ses côtés se trouve Tun Channareth, d'abord engagé dans le Service jésuite des réfugiés (jsr) il est aujourd'hui responsable du programme de sensibilisation de la mission jésuite au Cambodge. En tant que survivant, il a fait tous les efforts possibles afin d'assurer la subsistance, l'éducation et les soins de santé aux victimes. Puis il a commencé à fabriquer des fauteuils roulants pour des milliers de personnes qui ont pu recommencer à vivre grâce à cette aide. Aujourd'hui, dans la troisième phase de son engagement, il accompagne les amputés et les personnes handicapées victimes de mines antipersonnel dans leur parcours pour avoir une vie digne et des opportunités économiques par le biais d'initiatives de développement, qui génèrent des revenus. Ces fauteuils roulants, disent les bénéficiaires, ne sont pas de simples moyens de transport, mais sont devenus des véhicules qui promeuvent la vie, la dignité humaine, la paix et la réconciliation. «Travailler avec les victimes de mines, c'est leur donner un peu de lumière pour les encourager sur le chemin de l'espoir et de la guérison», explique-t-il.
En 1993, il y avait dix millions de mines antipersonnel sur le territoire cambodgien. Aujourd'hui, on estime qu'il en reste quatre millions, principalement dans les forêts situées le long de la frontière avec la Thaïlande et avec le Vietnam. Ces munitions datent de l'époque de la guerre du Vietnam ou ont été semées par les Khmers rouges, même après leur éviction en 1979. Ces pièges mortels ont tué plus de 60.000 personnes depuis 1970, laissant des milliers d'autres irrémédiablement marquées à vie; aujourd'hui, les mines antipersonnel dispersées par la guerre blessent ou tuent encore une cinquantaine de personnes par an, ce qui pose un problème préoccupant pour les agriculteurs et les habitants des zones rurales dans les provinces occidentales du pays.
Depuis 1994, le jrs du Cambodge figure parmi les organisations les plus présentes et les plus actives dans la campagne de sensibilisation à l'interdiction des mines antipersonnel et des bombes à sous-munitions intitulée, sans surprise, «Désarmons les cœurs». Parallèlement à l'activité de plaidoyer, le jrs a accompagné le mouvement des survivants pour qu'ils racontent leur histoire et qu'ils fassent part de leur expérience dans les forums internationaux. Avec le projet Survivor Network, l'organisation a également créé un lien entre les survivants dans tout le pays, en mesurant leur qualité de vie et en sensibilisant les dirigeants des villages aux besoins et aux droits des personnes handicapées, dans le but de promouvoir leur inclusion socio-économique et leur réhabilitation complète.
Pour ce faire, le père Enrique Figaredo Alvargonzalez, jésuite espagnol et préfet apostolique de Battambang, a fondé en 1991 Banteay Prieb («La maison de la colombe»), un institut où les enfants mutilés par les mines étaient accompagnés dans leur développement, dans un environnement qui leur garantissait une éducation, des soins et de l'affection. Dès lors, des milliers de jeunes Cambodgiens handicapés ont grandi et retrouvé le sourire à Banteay Prieb, transformé en 2020 en centre public de réhabilitation géré par le gouvernement cambodgien. A Battambang, où il dirige une communauté d'environ 5000 catholiques, le père Figaredo Alvargonzalez a mis en place des projets sociaux tels que des écoles pour enfants handicapés, des cliniques et des centres de formation professionnelle pour rendre leur dignité aux enfants mutilés, afin qu'ils puissent continuer de vivre avec le sourire. Le préfet apostolique raconte: «“A l'avenir, je veux être heureux. Le secret du bonheur, c'est prendre soin les uns des autres, dans la famille, dans la communauté du village” m'a dit l'un d'entre eux. L'amour fraternel est la clé du bonheur. C'est le témoignage de foi que je reçois des petits et des pauvres qui nous évangélisent chaque jour».
Pour parler d'une mission qui l'engage depuis toujours, il porte une croix pectorale un peu différente des autres: un crucifix représentant un Jésus mutilé. «C'est un Christ à qui il manque une jambe, explique-t-il, et qui souffre comme tous ceux qui ont été touchés par des mines antipersonnel. C'est un Christ qui s'identifie aux souffrances des handicapés, pendant que leurs souffrances s'unissent à la sienne pour sauver le monde». De plus, conclut le jésuite, elle nous informe que le corps mystique du Seigneur est incomplet: il lui manque quelque chose, il lui manque une jambe, à cause de la méconnaissance de l'amour de Dieu. Notre mission est de compléter ce Christ mutilé».
Paolo Affatato