· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

Ma Marie
Une pièce du livre de Tóibín
Et maintenant Jeanne d’Arc

Pleine de colère humaine

 Piena di umana rabbia  DCM-007
06 juillet 2024

« Je mettrai en scène Jeanne d'Arc. Dans peu de temps je mettrai en scène une pièce inspirée du livre Il processo di condanna di Giovanna d'Arco de Teresa Cremisi (ed. Marsilio) : il contient les documents du tribunal d'où émerge une image différente de celle véhiculée par les nombreux films dans lesquels la Pucelle d'Orléans, toujours racontée à travers des yeux masculins, apparaît comme une possédée. Au contraire, la Jeanne qui ressort des documents judiciaires est une femme extrêmement moderne qui ne demande à personne la permission de mener son combat pour la liberté ou de limiter ses choix. Un excellent exemple pour les jeunes filles d'aujourd'hui. Et une invitation pour nous, femmes du spectacle, à avoir toujours plus le courage d'imposer nos vues ».

Des femmes fortes, pugnaces, hors des sentiers battus, parfois extrêmes, souvent destinées à faire parler d'elles : un fil rouge relie les personnages interprétés au théâtre, au cinéma et à la télévision par Michela Cescon, l’une des actrices, réalisatrices et productrices les plus polyvalentes et les plus courageuses du spectacle italien. Mais les trente ans de carrière de Michela Cescon, originaire de Trévise, mère de trois enfants et croyante, ont également été traversés par un sens tangible de spiritualité : celui dont est imprégnée l'adaptation théâtrale du roman de Colm Tóibín Il testamento di Maria (Le testament de Marie, Pavillons, ed. Robert Laffont), qu'elle a interprétée en 2015 sous la direction de Marco Tullio Giordana. Et le corps féminin a souvent été le protagoniste de son travail : dans Primo amore, le film réalisé il y a 20 ans par Matteo Garrone, l'actrice est une jeune fille qui accepte de perdre du poids à l'extrême pour plaire à son amant psychopathe ; dans L'attesa, le texte de Remo Binosi mis en scène par Michela Cescon en 2022, deux femmes enceintes issues de classes sociales différentes s'affrontent, tandis que dans Svelarsi, la pièce de théâtre bouleversante produite par l'actrice et réservée exclusivement à un public de spectatrices, les interprètes nues sur scène dialoguent avec le public.

Dans Le Testament de Marie, avez-vous hésité à interpréter une Madone si éloignée de la tradition religieuse au point de ne pas accepter le sort de son fils ?

Non. J'ai aimé le texte puissant de Tóibín parce qu'il se concentre sur la douleur de Marie et sur sa colère très humaine que, en tant que mère, je peux comprendre. J'ai essayé de l'exprimer en pensant aux héroïnes de la tragédie grecque ou à la Madone souffrante de Pasolini. Chacun de nous vit dans la peur qu'il arrive malheur à ses enfants ou que le monde puisse rejeter leur diversité, et ma Marie ne fait pas exception : elle voit tous les dangers de la mission de Jésus et ne se résigne pas, et encore moins à sa crucifixion. Si, comme je l'espère, nous ramenons la pièce au théâtre, nous changerons le titre en Marie pleine de colère.

Qu'est-ce qui vous a poussé en revanche à interpréter la protagoniste anorexique et bouleversante du film Primo amore, pour lequel vous avez accepté de perdre 20 kilos ?

La passion pour les personnages riches en contradictions. «Ma» Sonia est un mélange de fragilité, de soumission, d'amour, de force et contient en elle l'énergie qui me caractérise dans la vie. Apparemment victime d'un bourreau qui lui impose de modifier son corps jusqu'à le rendre squelettique, elle mène en réalité le jeu en choisissant de maigrir. Le film de Garrone raconte, sous une forme extrême, la lutte de pouvoir qui sous-tend de nombreuses relations. Et l'esprit de sacrifice qui a toujours fait partie de la culture féminine.

Qu'avez-vous trouvé d'intéressant dans le texte L’attesa ?

Le thème de la maternité qui est toujours stimulant. Mais cette fois, il est décrit avec ses ombres et ses lumières : mettre un enfant au monde est un acte d'amour mais s'accompagne souvent de peurs, de rejets, de contradictions.

Et pourquoi avez-vous décidé de produire Svelarsi ?

J'avais vu le spectacle de l'artiste Silvia Gallerano et j'avais été émue aux larmes. Tandis que l'auteure, nue sur scène, raconte des anecdotes, parle de la condition féminine et de la sororité, les spectatrices interviennent, parfois montent sur scène, certaines se déshabillent, crient leur joie d'être femmes. J'ai pensé que c'était le moment historique juste pour proposer cette expérience qui nous offre à toutes le plaisir d'être ensemble, et surtout, je voulais la proposer dans un lieu d'excellence comme le théâtre. (Gloria Satta )

Entretien avec Michela Cescon