· Cité du Vatican ·

Paroles à un groupe de dirigeants de grandes entreprises et banques

Un monde où les rejetés sont protagonistes du changement

 Un monde où les rejetés  sont protagonistes du changement  FRA-026
27 juin 2024

«Je rêve d'un monde où les laissés-pour-compte peuvent devenir des protagonistes du changement»: c'est ce qu'a confié le Pape François en saluant un groupe de présidents-directeurs généraux de grandes entreprises et de banques reçus en audience dans la matinée du samedi 15 juin dans la salle des Papes. Ils sont réunis au sein de la Sustainable Markets Initiative (Smi), un réseau d'entreprises et de sociétés du monde entier qui cherchent à vivre les principes de l'encyclique «Laudato si'». Voici les paroles du Souverain Pontife:

J'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue,
présidents-directeurs généraux
et collaborateurs de grandes
banques et entreprises.

Les fonctions que vous êtes amenés à exercer sont de plus en plus déterminantes dans la vie économique, mais aussi sociale et politique. Les grandes entreprises sont des acteurs ayant une incidence sur les dynamiques des relations internationales. Vous vous retrouvez donc à prendre des décisions qui ont un impact sur des milliers et des milliers de travailleurs et d'investisseurs, et de plus en plus à l'échelle mondiale. Le pouvoir économique est imbriqué dans le pouvoir politique. En effet, les grandes entreprises, au-delà des choix de consommation, d'épargne et de production, conditionnent également le destin des gouvernements, les politiques publiques nationales et internationales et la durabilité du développement. Vous vivez cette réalité, car «vous êtes dedans», c'est votre monde. Mais cela ne suffit pas: vous devez en prendre conscience et porter sur elle un regard critique, avec discernement, afin d'exercer pleinement la responsabilité des effets, directs et indirects, de vos choix. Car aujourd'hui, plus que jamais, l'économie dépasse l'économie. A cet égard, je voudrais m'arrêter brièvement sur trois enjeux, à savoir le soin de l'environnement, le soin des pauvres et le soin des jeunes.

Tout d'abord, je vous invite à placer l'environnement et la planète au centre de votre attention et de votre responsabilité. Nous vivons une période de crise environnementale grave, qui dépend de nombreux acteurs et facteurs, dont les choix économiques et commerciaux d'hier et d'aujourd'hui. Il ne suffit plus de respecter les lois des Etats, qui avancent trop lentement: il faut innover en anticipant l'avenir, avec des choix courageux et clairvoyants qui peuvent être imités. L'innovation de l'entrepreneur d'aujourd'hui doit être avant tout une innovation dans le soin de la maison commune.

Deuxièmement, n'oublions pas les plus pauvres et les laissés-pour-compte. L'«économie circulaire» est devenue un mot-clé, qui appelle à réutiliser et recycler les déchets. Mais si nous recyclons les matières et les matériaux des déchets, nous n'avons pas encore appris — permettez-moi l'expression — à «recycler» et à ne pas jeter les personnes, les travailleurs, notamment les plus fragiles, pour lesquels la culture du rebut prévaut souvent. Méfiez-vous d'une certaine «méritocratie» qui sert à légitimer l'exclusion des pauvres, jugés non méritants, jusqu'à considérer la pauvreté elle-même comme une faute. Et ne vous contentez pas d'un peu de philanthropie, c'est trop peu: l'enjeu est d'inclure les pauvres dans les entreprises, de faire en sorte qu'ils deviennent des ressources au service de l'intérêt commun. C'est possible. Je rêve d'un monde où les laissés-pour-compte peuvent devenir des protagonistes du changement — mais je pense qu'un certain Jésus y est déjà parvenu, n'est-ce-pas?

Troisièmement: les jeunes. Les jeunes font souvent partie des pauvres de notre époque: pauvres en ressources, en opportunités et en avenir. Et ce, paradoxalement, aussi bien là où ils sont nombreux, mais où les moyens manquent, que là où ils sont de moins en moins nombreux, comme en Italie, parce qu'il n'y a pas de naissance ici — et où il y aurait les moyens. Aucun métier ne s'apprend sans l'«hospitalité d'entreprise», c'est-à-dire en accueillant généreusement les jeunes même s'ils n'ont pas l'expérience et les compétences requises, car tout métier ne s'apprend qu'en travaillant. Je vous encourage à être généreux, à accueillir les jeunes dans vos entreprises, en leur donnant un avant-goût de l'avenir afin que toute une génération ne perde pas espoir.

Chers amis, vous avez une grande et belle responsabilité. Que le Seigneur vous aide à l'utiliser et à faire des choix courageux, au bénéfice de l'environnement, des pauvres et des jeunes. Ce sera l'investissement le plus fructueux, notamment sur le plan économique. Je vous remercie pour ce que vous faites déjà: vous êtes des pionniers, ne vous découragez pas, continuez à être des pionniers. Et s'il vous plaît, priez pour moi. Et je vous bénis tous, je vous bénis, vos entreprises, vos espoirs, votre travail. Je vous bénis tous. Je vous bénis tous. Merci.