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Entretien de François avec la radio américaine cbs

Une Eglise ouverte à tous

 Une Eglise  ouverte à tous  FRA-023
06 juin 2024

L'Eglise est ouverte à tous: «Tout le monde, tout le monde», répète le Saint-Père. Le Pape François revient sur le principe de l'accueil, pierre angulaire de son pontificat, dans l'interview accordée à Norah O'Donnell, directrice de cbs Evening News, enregistrée à Sainte-Marthe le 24 avril et dont une partie a été diffusée dimanche 19 mai dans la soirée dans l'émission 60 Minutes. «L'Evangile est pour tout le monde», a souligné le Pape, pour nous tous qui sommes des pécheurs: «Moi aussi, je suis pécheur». Et il ajoute: «Si l'Eglise met une -douane à sa porte, elle cesse d'être l'Eglise du Christ». François apporte ensuite une clarification sur la question de la bénédiction des unions de personnes de même sexe, dont parle le document doctrinal Fiducia Supplicans. «La bénédiction est pour tous», on peut bénir n'importe quelle personne, mais pas l'union homosexuelle; «ce que j'ai permis n'a pas été de bénir l'union», parce que cela va à l'encontre de «la loi de l'Eglise».

La gestation pour autrui
est un «business»

Toujours à propos de l'homosexualité, la journaliste rappelle que le Pape a déclaré que «l'homosexualité n'est pas un crime». Et François a répondu «Non, c'est un fait humain». Alors qu'il stigmatise, comme à d'autres occasions, la gestation pour autrui qui, dit-il, «est devenue un business, et c'est très mauvais. C'est très mauvais». Pour certaines femmes, comme celles qui sont malades, cependant, cela pourrait être leur seul espoir, observe-t-elle. «C'est possible. L'autre espoir, c'est l'adoption», rétorque le Pape, qui invite à ne pas contourner le principe moral.

Les critiques des «conservateurs»

Interrogé sur les critiques formulées à son encontre par certains évêques conservateurs aux Etats-Unis, François a répondu: «Le conservateur est celui qui s'accroche à quelque chose et ne veut pas voir au-delà. C'est une attitude suicidaire, car c'est une chose de tenir compte de la tradition, de considérer les situations du passé, c'en est une autre de s'enfermer dans une boîte dogmatique».

L'appel aux pays en guerre: «Arrêtez!»

Dans l'interview, réalisée en préparation à la Journée mondiale des enfants des 25 et 26 mai à Rome, le regard ne peut que se porter sur les plus petits, à commencer par ceux qui souffrent de la guerre: Gaza, Ukraine, avec des enfants qui «ont oublié de sourire», répète le Saint-Père. Et c'est justement en pensant à eux que l'Evêque de Rome lance un appel aux pays en guerre: «Tous, arrêtez. Arrêtez la guerre. Vous devez trouver un moyen de négocier la paix. Efforcez-vous d'obtenir la paix. Une paix négociée est toujours préférable à une guerre sans fin... Arrêtez. Négociez».

Les mauvaises idéologies

En mettant l'accent sur la guerre en Israël et à Gaza, puis sur les manifestations sur les campus universitaires et l'antisémitisme croissant, le Souverain Pontife réaffirme que «toute idéologie est mauvaise, et l'antisémitisme est une idéologie, et elle est mauvaise. Tout “anti” est toujours mauvais. On peut critiquer un gouvernement ou un autre, le gouvernement d'Israël, le gouvernement palestinien. On peut critiquer tout ce que l'on veut, mais ne pas être “anti” peuple. Ni anti-palestinien, ni antisémite».

Beaucoup de gens se «lavent les mains» au sujet des migrants

Le Pape François, parlant de la souffrance de tant de migrants, dénonce le fait que tant de gens «se lavent les mains»: «Il y a tant de Ponce Pilate en liberté... qui voient ce qui se passe, les guerres, les injustices, les crimes.... C'est de l'indifférence... S'il vous plaît, nous devons faire en sorte que nos cœurs écoutent à nouveau. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ces drames humains. La mondialisation de l'indifférence est une vilaine maladie».

Le Pape juge de «pure folie» la nouvelle, rappelée par la journaliste de cbs, selon laquelle l'Etat du Texas tente de fermer une association catholique à la frontière avec le Mexique qui offre une assistance humanitaire aux immigrés sans papiers. «Fermer la frontière et les laisser là, c'est de la folie», souligne l’Evêque de Rome. «Le migrant doit être accueilli. Ensuite, nous verrons comment le gérer. Peut-être faut-il le renvoyer, je ne sais pas, mais chaque cas doit être considéré de manière humaine».

Aucun abus ne peut être toléré

L'interview ne manque pas d'évoquer la question des abus dans l'Eglise, un crime qui, répète le Pape, «ne peut être toléré». En même temps, il reconnaît que nous devons continuer à «faire plus», car «malheureusement, la tragédie des abus est énorme» et nous devons veiller à ce qu'ils soient non seulement punis, mais qu'ils ne se reproduisent plus jamais.

Non aux femmes diacres

Sur le rôle des femmes dans l'Eglise, le Pape rappelle que ce sont elles qui apportent «toutes sortes de changements», car «elles sont plus courageuses que les hommes» et «savent mieux protéger la vie». Mais «faire de la place aux femmes dans l'Eglise ne signifie pas leur donner un ministère. L'Eglise est une mère et les femmes dans l'Eglise sont celles qui aident à promouvoir cette maternité», note le Pape, qui réitère néanmoins son non à la possibilité de l'ordination des femmes: «S'il s'agit de diacres avec les ordres sacrés, non. Mais les femmes ont toujours eu, je dirais, la fonction de diaconesses sans être diacres, n'est-ce pas? Les femmes sont d'un grand service en tant que femmes, pas en tant que ministres, en tant que ministres dans ce sens, dans le cadre des Ordres sacrés».

La crise climatique:
point de non retour

Le jugement du Pape sur la crise climatique de notre époque est sévère: «Malheureusement, nous avons atteint un point de non-retour», déclare-t-il dans la deuxième partie de l'interview. «Le réchauffement de la planète est un problème grave. Le changement climatique actuel est un chemin vers la mort». Pour le Pape, il s'agit de «quelque chose de provoqué». «Vous avez blâmé les pays riches...», suggère la journaliste. «Dans une large mesure, oui — répond François — car ce sont ceux dont l'économie et l'énergie sont basées sur les combustibles fossiles qui créent cette situation». Les pays eux-mêmes peuvent alors «faire la différence, compte tenu de leur industrie et de tout le reste», mais «il est très difficile de sensibiliser les gens à ce sujet. Ils organisent une conférence, tout le monde est d'accord, ils signent et puis c'est fini. Mais nous devons être très clairs: le réchauffement climatique est alarmant».

Santé et prochains voyages

Inévitablement, comme dans chaque interview, il est question de sa santé: «Ma santé? Elle va bien», explique le Pape François en souriant. Une fois de plus, il nie toute intention de renoncer au pontificat: «Cela ne m'est jamais venu à l'esprit. Peut-être qu'un jour viendra où ma santé ne sera plus bonne. Peut-être... car la seule infirmité que j'ai est mon genou, qui s'améliore beaucoup. Mais je n'y ai jamais pensé». En ce qui concerne les voyages prévus, outre ceux confirmés en Asie et en Océanie et celui en Belgique et au Luxembourg en septembre, le Souverain Pontife ajoute la possibilité d'une étape aux Etats-Unis pour le Sommet de l'avenir des Nations unies: «Ce n'est pas certain. C'est une possibilité... Si j'y vais, dit-il, ce sera pour parler de la paix. Si l'occasion se présentait, je serais prêt à y aller».