· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

Le réseau ecclésial soutenu par 7 évêques pour promouvoir les femmes dans l’Eglise

Sœurs diocèses :
le grand défi

 Sorelle diocesi: la grande sfida  DCM-006
01 juin 2024

C’est un projet qui a commencé un peu en sourdine mais qui, mois après mois, grandit et se développe. Il a un beau titre, il s’appelle Sœurs diocèses, communautés ecclésiales en réseau et pour l’Italie c’est une demi-révolution : sept diocèses, et ils seront probablement plus nombreux, ont institué une sorte de sororité ecclésiale pour partager les bonnes pratiques sur le territoire, des idéaux et des perspectives sur la présence des femmes, pour promouvoir les ministères et la coresponsabilité des femmes dans la vie de l’église et de la société.

L’intention, lit-on sur le site internet créé à cet effet, est de :

• faire connaître et partager le patrimoine de contributions religieuses, culturelles et sociales des femmes au sein de chaque diocèse ;

• favoriser l’approfondissement du texte sacré selon une perspective offerte par les études sur les femmes et par l’exégèse féministe ;

• promouvoir la recherche et l’étude à travers des cours adéquats de formation de théologie des femmes ;

• renforcer les ministères et les services pastoraux confiés également officiellement aux femmes sur le territoire ;

• accroître le dialogue interreligieux dans un parcours qui jette des ponts sur les autres rives de la Méditerranée avec des femmes d’autres pays et cultures ;

• mettre en place des pratiques et multiplier les parcours de formation pour combattre la marginalisation des femmes, leur discrimination, les violences qu’elles subissent, la non-reconnaissance de leurs droits ;

• cultiver et vérifier à tous les niveaux de la formation une attitude sérieuse dans les ministères en vue de rapports transparents, égalitaires et de coopération avec les femmes dans le domaine ecclésial et civil.

Un beau défi, ambitieux et courageux. L’idée est partie de Naples, sous l’impulsion de l’archevêque Domenico Battaglia, à laquelle se sont ajoutées les Eglises locales de Cassano allo Ionio (province de Cosenza), Catane, Mantoue, Palerme, Reggio Calabria-Bova et Vérone. Elles sont gouvernées par des évêques qui reconnaissent « la contribution nécessaire et essentielle des femmes qui peuvent renouveler l’Eglise, dans une confrontation et un dialogue ouverts sur des domaines de pensée, de méthodes et de pratiques nouvelles qui restent à explorer et à approfondir », comme l’a déclaré Corrado Lorefice, archevêque de Palerme.

Tous ensemble – Domenico Battaglia pour Naples, Francesco Savino pour Cassano allo Jonio, Luigi Renna pour Catane, Domenico Pompili pour Vérone, Corrado Lorefice pour Palerme, Fortunato Morrone pour Reggio Calabria-Bova et Gianmarco Busca pour Mantoue – dans une lettre aux communautés ont communiqué « leur plein soutien et leur appréciation du réseau », également promu à travers les pages internet des différents diocèses.

Pour l’Eglise de Naples, cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un projet pastoral qui vise à reconnaître le rôle de premier plan des femmes et à fournir les instruments nécessaires à son exercice.

Un décret de l’archevêque Domenico Battaglia, entré en vigueur le 7 janvier, met en œuvre un document du synode diocésain, « Les femmes au service de l’Evangile », dans le but de « surmonter l’asymétrie de genre » et « d’assumer la différence entre les femmes et les hommes dans une égale dignité personnelle pour la pleine mise en œuvre des principes d’égalité et de communion qui trouvent leur origine dans le baptême ». Concrètement, il est établi qu’« une femme (ou une famille) pourra administrer des paroisses et des églises, être chargée de services de Curie habituellement réservés aux prêtres, animer les aumôneries d’hôpitaux ... une femme pourra présider la Lectio divina, la Liturgie des Heures, certaines parties du rite des Obsèques, les liturgies pénitentielles communautaires ». L’objectif est de promouvoir « les ministères institués du lectorat et de l’acolytat », « les cycles bibliques et les actions éducatives thématiques, l’attention à un langage inclusif, une présence coresponsable dans les organismes de participation diocésains ». Les théologiens sont invités à approfondir « la dimension théologique de la valorisation de la femme à travers des propositions de sensibilisation territoriale et de formation spirituelle dans les séminaires ».

Comme l’illustre le site internet « Femmes en dialogue dans l’Eglise de Naples », de multiples initiatives sont déjà en cours. Avec une série de parcours inclusifs, interreligieux et interculturels, qui racontent les synergies et les alliances entre une pluralité de réalités. Comme « Femmes et religions dans le dialogue de la solidarité », un observatoire permanent pour des rencontres de cultures, de droits et de solidarité, avec des représentants des communautés catholique, orthodoxe, vaudoise-méthodiste, luthérienne, de l’Armée du Salut, juive et musulmane.

C’est sur le thème de la redécouverte de la mémoire cachée que portent les rendez-vous autour de la Bible, interprétée par des spécialistes catholiques, protestants et juifs. « La parole aux femmes. Lectures et interprétations inclusives », est un cycle de 15 leçons qui compte « plus d’un millier d’inscrits en ligne, y compris de l’étranger, et plus d’une centaine de participants, âgés de 20 à 80 ans. Plus de deux mille personnes et des communautés entières de religieuses sont connectées », affirme l’historienne et théologienne Adriana Valerio, déléguée diocésaine pour les femmes à Naples. Dans ce sillage, l’Institut de sciences religieuses de Naples a proposé à tous les instituts du Sud d’instituer un cours de théologie et de culture du genre.

L’organisation de Sœurs diocèses est simple et fonctionnelle.

« Chaque diocèse a sa déléguée », explique Arianna Rotondo, professeure d’histoire du christianisme, choisie pour Catane. « Et chaque diocèse partage des initiatives avec les autres, à partir de sa propre situation », ajoute la psychologue Carla Bonifati, de Cassano allo Jonio. A Reggio Calabria-Bova, la référente est Annarita Ferrato, avocate à la Cour de cassation et au tribunal de la Rote, professeure de droit canonique et directrice de l’Institut de sciences religieuses ; à Mantoue, Antonella Madella, qui est membre de l’Ordre de la Sororité, une association privée de fidèles, de l’association de bénévolat dans le Jardin des Béguines et du conseil pastoral diocésain.

A Palerme, l’idée a été de faire « démarrer » en la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, un vocabulaire écrit, ou plutôt réécrit, précisément par les femmes. « Le présupposé de base », explique Anna Staropoli, sociologue de l’institut Pedro Arrupe, professeure à la faculté de théologie de Sicile et référente du projet dans le diocèse, « est que la violence coïncide souvent avec un manque de mots. Le travail que nous faisons consiste à redéfinir certains mots à partir de la sensibilité des femmes. Des mots comme âme, maternité, beauté, allaitement, et des mots plus "lourds" comme hiérarchie, pouvoir, argent, souffrance, blessure. Il ne peut y avoir de véritable démocratie sans justice de genre et sans justice sociale ».

L’objectif est de créer une sorte de parcours itinérant sur le territoire, « la révolution du bien et de la paix des Rosalie invisible de la Méditerranée : Sainte Rosalie, la patronne de Palerme, est une femme capable d’unir des peuples différents, elle a dû faire sur elle un travail de libération d’un destin préétabli, elle a dû conquérir sa propre autonomie et être responsable de ses choix, même dans la souffrance, dans la fragilité, dans la solitude de l’ermitage ». Le parcours itinérant du Vocabulaire des Femmes s’articule dans certains quartiers de Palerme, quatre étapes sont partagées avec l’archevêque Corrado Lorefice et le doyen de la faculté de théologie de Sicile, le père Vito Impellizzeri.

Enfin, à Vérone, où des pratiques féminines, tant laïques qu’ecclésiastiques, existent depuis des années, ce sont des associations féministes et culturelles qui se mettent en réseau, partageant leurs initiatives. « Aux activités déjà en cours se sont ajoutées quelques belles initiatives : une lecture en musique de Lucciola, une revue écrite entièrement à la main, de 1906 à 1926, par des jeunes filles qui faisaient une sorte de blog, en l’envoyant par les Postes royales dans toute l’Italie, de Caltanissetta à Aoste. Ce précieux manuscrit se trouve aujourd’hui à la Société littéraire. Des rencontres sur femmes et environnement, des approfondissements bibliques », rapporte la théologienne Cristina Simonelli.

Bien sûr, nous n’en sommes qu’aux débuts. Il ne suffit pas d’un espace sur le portail et d’une lettre de l’évêque pour faire de ce réseau un patrimoine commun et partagé. « Quoi qu’il en soit », ajoute Cristina Simonelli, « au-delà des initiatives, le réseau de confiance qui s’est créé me semble important. Et puis la ténacité fait partie de l’entreprise, du pari d’une Eglise, comme nous le disions dans notre synode il y maintenant plusieurs années, « disciple, synodale, compagne de route et solidaire ». Je suis convaincue de cet horizon, je sais que nous pouvons continuer à être des compagnons sur le même voyage ».

Vittoria Prisciandaro
Journaliste, «Credere» et «Jesus»  revues San Paolo