· Cité du Vatican ·

A dix ans de la canonisation des deux Papes

Angelo Roncalli et Karol Wojtyła pasteurs au milieu du peuple

 Angelo Roncalli et Karol Wojtyła  pasteurs au milieu du peuple  FRA-018
02 mai 2024

Qui sont les saints? Avant tout, ce ne sont pas des surhommes, comme François nous l'a répété de nombreuses fois. Et pourtant, dans l'imaginaire collectif, également celui des athées, sainteté est synonyme d'exception. Si votre nom figure sur le calendrier — on pourrait le dire en plaisantant — c'est certainement parce qu'une vie a été vécue de manière extraordinaire. Cependant, le Pape, précisément à ce sujet, a voulu souligner — et il l'a fait dans une exhortation apostolique qui mériterait d'être davantage approfondie — que tous les baptisés sont appelés à la sainteté, à être des «saints de la porte d'à côté», qui sont bien plus nombreux que ceux qui figurent sur le calendrier. La sainteté, a écrit le Souverain Pontife dans Gaudete et exsultate, se voit «dans le patient peuple de Dieu: chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire».

Jean xxiii et Jean-Paul ii ont cru avec conviction en cette sainteté du Peuple de Dieu, peuple patient qui sait se confier au Père et qui se laisse guider par Lui, lorsqu'ils ont été proclamés saints le 27 avril 2014 place Saint-Pierre, bondée de fidèles. Angelo Roncalli et Karol Wojtyła — à Venise et Cracovie, bien avant leur ministère pétrinien — ont été «pasteurs avec l'odeur des brebis» comme le dirait aujourd'hui Jorge Mario Bergoglio. Ils ont vécu comme des pasteurs parmi le peuple, sans craindre de toucher les plaies du Christ, ces blessures visibles dans les souffrances des frères et sœurs qui forment ce Corps qui est l'Eglise. Une image que le Concile Vatican ii — entrepris par le cœur docile et courageux de Jean xxiii et dont le jeune évêque Wojtyła fut l'un des plus fervents partisans — a remis au centre de la vie ecclésiale collective en la reliant à l'expérience qui fut la source de la première communauté chrétienne dont nous parlent les Actes des apôtres.

Nous vivons une époque de grands bouleversements: ces der-nières années, la pandémie, puis la guerre en Ukraine et enfin le nouveau conflit au Moyen-Orient se sont entremêlés, semant la douleur, la peur et un sentiment de perturbation qui, avec la mondialisation, semble désormais être une dimension constitutive de l'ensemble de l'humanité. Pourtant, l'époque à laquelle Angelo Roncalli et Karol Wojtyła ont vécu n'était pas moins complexe, ni moins marquée par la peur de l'anéantissement de l'humanité. Jean xxiii, âgé et malade, a été confronté à la crise des missiles de Cuba lorsque le Concile a débuté. Jean-Paul ii , qui, en tant que prêtre, avait connu l'horreur nazie dans sa Pologne natale et, en tant qu'évêque, la dictature communiste étouffante, avait affronté en tant que Pape, animé d'une ténacité prophétique, l'opposition entre les deux blocs de la guerre froide jusqu'à la dramatique dissolution de l'Union soviétique et l'illusion de la «fin de l'histoire» qui en a découlé.

Ces deux Papes du xxe siècle n'ont pas réagi aux tragédies de leur époque par la résignation et le pessimisme. Ils ne se sont pas joints à la litanie des «prophètes de malheur» qui, à l'époque comme aujourd'hui, semblent préférer se plaindre de ce qui ne va pas plutôt que de se retrousser les manches pour aider à améliorer les choses. Comme l'a souligné François dans son homélie au cours de la Messe de canonisation, en
Jean xxiii et Jean-Paul ii «plus forte était la foi en Jésus Christ rédempteur de l’homme et Seigneur de l’histoire», une foi qui s'est manifestée par la joie et l'espérance dont seuls ceux qui ont rencontré le Christ dans leur vie peuvent témoigner. «Ce sont — a-t-il observé plus loin dans l'homélie — l’espérance et la joie que les deux saints Papes ont reçues en don du Seigneur ressuscité, qui à leur tour les ont données au peuple de Dieu, recevant en retour une éternelle reconnaissance». Une gratitude envers les deux saints qui ne s'atténue pas avec les années, mais qui grandit dans la conviction que, du Ciel, ils peuvent désormais intercéder pour l'Eglise, pour le Peuple de Dieu, qu'ils ont servi avec amour et abnégation dans leur vie terrestre.

Alessandro Gisotti