· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

Point Théologique
La résurrection de la fille de Jaïre, réflexions pour aujourd'hui

Et Jésus lui dit:
«Jeune fille, lève-toi!»

 E Gesù le disse: «Fanciulla, alzati!»  DCM-005
04 mai 2024

Dans les Evangiles, on parle très peu des enfants, et encore moins de petites filles. Jésus les désigne –  il est vrai –  comme la bonne «mesure» pour entrer dans le Royaume (Matthieu 18, 3), il les utilise comme métaphore de l'accueil ou du refus de la visite de Dieu par son peuple (11, 16-17), et la tradition, en particulier iconographique, a ensuite insisté sur le désir du Maître de les avoir auprès de lui (Luc 18, 16). On peut donc supposer que, dans tous ces cas, il n'a jamais eu l'intention d'exclure les petites filles. Les histoires de petits garçons ou de petites filles ne sont cependant pas présentes dans les Evangiles.

Dans la maison de Jaïre


Le seul récit mettant en scène une petite fille nous est transmis par l'évangéliste Marc. Il s'agit d'un récit de résurrection (5, 21-24.35-43). Ceux qui connaissaient l'Ancien Testament savaient bien que même de grands prophètes comme Elie et Elisée avaient accompli des miracles de résurrection, tout comme d'autres thaumaturges sur lesquels nous avons des informations dans la littérature extrabiblique. Et cela se passait toujours dans des maisons. Le ton de l'ensemble montre cependant que l'évangéliste tient à souligner que Jésus est bien plus qu'un prophète et un thaumaturge: comme dans le cas de Lazare (Jn 11, 17-46), dans celui de la fille de Jaïre, qui est l'un des chefs de la synagogue, le récit se réfère lui aussi à la résurrection des morts à la fin des temps, la résurrection définitive, celle qui ne dépend de l'action d'aucun thaumaturge, mais seulement de celle de Dieu.

Le fait que l'histoire de la résurrection de la petite fille soit mêlée avec celle de la guérison de la femme qui souffrait de pertes de sang depuis douze ans confère également une tension dramatique à la scène, peut-être parce qu'il s'agit dans les deux cas de femmes et que les quatre évangiles sont traversés par de nombreux épisodes avec des protagonistes féminins. D'un point de vue narratif, cependant, la rencontre avec la femme signifie que Jésus tarde à répondre à la demande insistante de Jaïre, qui le supplie de se rendre immédiatement chez lui pour imposer les mains à la petite fille mourante. Une foule nombreuse entrave les mouvements de Jésus, le déroulement de la scène se ralentit et augmente ainsi le pathos d'un récit désormais dominé par le scepticisme: le Maître se rend chez Jaïre alors qu'il n'y a plus rien à faire car, à ce moment-là, la petite fille est déjà morte.

L'intention de Jésus de reprendre ceux qui s'étaient précipités dans la maison pour faire, selon la coutume, la complainte funèbre a quelque chose de provocateur: pourquoi n'ont-ils pas eu confiance dans sa venue et dans le fait que, face à la puissance de Dieu, la mort n'est rien d'autre qu'un sommeil passager? Ses paroles prononcées avec autorité accompagnent le geste qui «réveille» la petite fille du sommeil de la mort: «Il prit la main de la petite fille et lui dit: "Talità kum", ce qui signifie: "Jeune fille, je te dis: lève-toi"». La recommandation de donner à manger à l'enfant termine l'épisode, confirmant qu'il ne s'agit pas d'une hallucination, mais que la petite fille a été pleinement ramenée à la vie. La sobriété des évangiles ne nous permet pas d'en dire plus. L'histoire se termine d'ailleurs par l'ordre de Jésus de ne rien dire à personne de ce qui s'est passé, ce qui exclut toute fin heureuse.

Les germes de l'avenir


Pourtant, l'évangéliste tient à souligner l'âge de cette petite fille –  douze ans – et ce détail donne à réfléchir. Non seulement parce que la mort d'une petite fille marque davantage que celle d'une personne âgée, mais aussi parce que l'émotion est grande devant le chagrin de deux parents qui ont perdu une fille. Le geste de Jésus redonnant vie à l'enfant a une portée plus large que celle, déjà importante, de la restitution d'un lien d'affection. Nous ne pouvons certainement pas savoir ce que cette enfant représentait pour sa famille, ce que la société attendait d'elle, fille d'un homme aussi important que le chef d'une synagogue. Il ne nous est pas permis de le savoir, et c'est tant mieux, car il ne s'agit pas de commérages fantaisistes.

Cela doit cependant nous faire réfléchir au fait que rendre une enfant à la vie, la sauver de la maladie ou de la famine, ne signifie pas seulement la rendre à l'affection familiale. Car les enfants n'appartiennent pas seulement à leur famille. Ne les considérer que dans le petit cercle de leurs liens d'affection, c'est ne pas savoir les regarder en perspective et leur enlever leur profondeur vitale. Les enfants appartiennent au monde qu'ils ont autour d'eux et qu'ils décideront d'avoir autour d'eux, et les rendre à la vie, c'est les confier à l'avenir. Nous ne savons pas quelles étaient les attentes concernant l'avenir de la fille de Jaïre. La précision de son âge –  douze ans –  suggère que, désormais devenue femme, elle était déjà prête pour le mariage, avec tout ce que cela impliquait pour la société israélite, le départ de la maison paternelle et de nombreuses grossesses. Il n'est cependant pas nécessaire de se livrer à des hypothèses fantaisistes. Il suffit de se rappeler qu'un enfant est plus que l'objet de l'affection de ceux qui l'ont mis au monde, et de respecter sa vie comme un germe d'avenir. Où et comment, c'est son histoire qui le dira. 

Marinella Perroni