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Le Parlement européen approuve les nouvelles normes sur la migration et l’asile

Mais de quelle solidarité parle-t-on?

TOPSHOT - This handout picture taken and released on July 23, 2022 by the NGO Sea-Watch shows a ...
18 avril 2024

Neuf personnes mortes, dont une enfant, dans le naufrage, à 30 milles de Lampedusa, d’une embarcation de migrants partie de Tunisie; trois autres petites filles de 5, 7 et 10 ans, noyées au large de l’île grecque de Chios suite au naufrage d’une embarcation partie de Turquie. Ce sont les dernières terribles tragédies des migrations en Méditerranée, survenues le 10 avril, précisément le jour où le parlement européen discutait et approuvait à la majorité le pacte sur la migration et l’asile, après près d’une décennie d’impasse. Un vote sans enthousiasme parmi les partis et les gouvernements des pays-membres, bien que les plus hautes autorités institutionnelles européennes l’aient salué de façon emphatique comme historique.

Il s’agit d’une série de normes, fruit de compromis, qui répondent résolument à une approche sécuritaire, qui resserrent encore plus les mailles de l’accueil et qui ne résolvent pas entièrement la question liée aux pays de première entrée, auxquels est laissée de fait l’obligation d’identifier les migrants, d’évaluer les demandes d’asile et de gérer les rapatriements. Les autres pays n’auront pas l’obligation d’accepter la relocalisation, mais une obligation de solidarité flexible qui, face à un refus de relocaliser, prévoit une contribution à verser aux pays contraints d’accueillir.

Mais, au-delà de ce durcissement supplémentaire, qui redimensionne le droit d’asile — Mgr Gian Carlo Perego, président de la commission épiscopale italienne pour les migrations et de la fondation Migrantes, a parlé de «dérive de la politique européenne de l’asile et d’échec de la solidarité européenne» — ce qui frappe est l’absence de toute référence à une question tout autre que secondaire: le secours en mer. En Méditerranée, les moyens institutionnels ont largement disparu, parce que désormais, secourir les migrants n’est pas une priorité. Le groupe de contact pour les activités de recherche et de sauvetage (sar) apparaît comme une structure sans grand contenu. L’opération Frontex permet uniquement d’identifier les embarcations et de transmettre les informations relatives aux pays-membres, qui gèrent ensuite les opérations de recherche et de sauvetage. Mais entre renvois de responsabilité et de compétences sur les étendues de mer à couvrir, alarmes ignorées et sauvetages retardés, on continue de mourir dans cette mer. Les seuls à s’être engagés à rendre moins tragique un bilan toujours terrible et inacceptable, malgré des limites et des restrictions inexplicables, sont les navires des ong.

Depuis longtemps, la priorité — et ce nouveau pacte le confirme — a été de défendre les frontières. Même en les externalisant. Pour ce faire, des accords ont déjà été conclus avec des pays de transit des migrants, payés pour les empêcher de partir. On l’a fait aussi avec certains pays qui ne brillent pas par leur respect des droits, où les migrants risquent de se retrouver dans des prisons inhumaines, souvent torturés ou livrés aux mains d’exploiteurs et de trafiquants.

On continue d’affronter le phénomène de l’immigration comme une urgence et de le présenter en termes alarmants. Il faudrait en revanche prendre acte qu’il s’agit d’un phénomène que l’on ne peut pas arrêter et que la seule chose raisonnable à faire, au lieu de blinder les frontières, serait de réguler les flux et de saisir l’opportunité qui se présente à une Europe démographiquement toujours plus fatiguée et âgée.

Par ailleurs, l’ouverture de voies de migration sûres protègerait les migrants des trafiquants que l’on voudrait arrêter, mais que, de fait, les politiques restrictives encouragent. Des politiques qui ont progressivement vidé de leur sens des mots comme accueil, solidarité, intégration.

Ainsi, en Méditerranée, avec les embarcations des migrants, c’est aussi notre civilisation qui va à la dérive. Et qui est même en train de sombrer, comme le dit le Pape François. Parce que nous nous habituons aux tragédies. Comme s’il était normal que des dizaines, des centaines de personnes — hommes, femmes et enfants — meurent en mer à la recherche d’un avenir meilleur. Plus encore, nous sommes parfois presque agacés, parce que certaines nouvelles troublent notre tranquillité d’esprit

Certes, l’indignation réveille les consciences à chaque grande tragédie, comme celle de Lampedusa en 2013 ou celle de Cutro l’année dernière — car les plus «petites», comme celles du 10 avril, ne font presque plus la une des journaux — ou quand on tombe sur des images qui ne peuvent manquer de nous secouer, comme celle du corps sans vie du petit Aylan étendu, comme s’il dormait, sur le rivage d’une plage turque, ou celle, plus récente, d’une mère et de sa petite fille mortes de faim et de soif dans le désert du Sahara. Mais ce ne sont que des sursauts d’humanité dans un océan d’indifférence. Car ce sont des faits qui, au-delà des messages de deuil et des proclamations de circonstance, n’ébranlent guère les palais de la politique. Nous devrions véritablement nous demander: que sommes-nous en train de devenir? (gaetano vallini).

Gaetano Vallini