Jeudi 11 avril fut une journée bien triste pour l'Europe et ses institutions. Le fait que l'avortement, c'est-à-dire la mise à mort délibérée de l'être humain le plus vulnérable — s’il vous plaît, que personne ne l'appelle «appendice» ou «morceau de chair» — soit même transformé en droit fondamental en dit long sur la dérive éthique en cours. Pas plus tard que lundi 8 avril, une déclaration du dicastère pour la doctrine de la foi, approuvée par le Pape François, a été publiée concernant la «Dignitas infinita» de tout être humain, et une liste non exhaustive des violations auxquelles cette dignité est soumise aujourd'hui. Parmi ces violations figure l'avortement.
«Le courage de regarder la vérité en face — peut-on lire dans le document qui reprend des passages du récent Magistère — et d'appeler les choses par leur nom est plus que jamais nécessaire, sans céder à des compromis par facilité ou à la tentation de s'abuser soi-même... L'avortement provoqué est le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d'un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance. Les enfants à naître sont ainsi les plus sans défense et innocents de tous, auxquels on veut nier aujourd’hui la dignité humaine afin de pouvoir en faire ce que l’on veut, en leur retirant la vie et en promouvant des législations qui font que personne ne peut l’empêcher. Il faut donc affirmer avec force et clarté, y compris à notre époque, que cette défense de la vie à naître est intimement liée à la défense de tous les droits humains. Elle suppose la conviction qu’un être humain est toujours sacré et inviolable, dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement»
( di , L’avortement).
On sait que pour entrer en vigueur, la décision du Parlement nécessite la ratification unanime des 27 pays qui composent l'Union européenne, et l'unanimité dans ce domaine sera difficile à obtenir. Mais le signal demeure: une Europe silencieuse, fatiguée, incapable de réfléchir d'une seule voix à des initiatives diplomatiques pour enrayer la guerre en cours et l'abîme vers lequel le monde se dirige de plus en plus vite; une Europe incapable de prendre en charge communautairement la tragédie des migrants et la nécessité de leur venir en aide en évitant que la Méditerranée ne continue à être un cimetière, a montré avoir parmi ses priorités celle de consacrer comme un droit fondamental européen une possibilité que, par ailleurs, la plupart des Etats membres de l' ue autorisent déjà dans leur législation, à savoir l'assassinat de femmes et d'hommes dans la phase initiale de leur existence.
Précisément ce jeudi 11 avril, alors que le Parlement européen s'apprêtait à voter sur l'avortement, le Pape, dans son allocution à la session plénière de l'Académie pontificale des sciences sociales, parlait de la culture du déchet qui devient aujourd'hui une culture de la mort qui touche les plus faibles: «Tout être humain a le droit de vivre dans la dignité et de se développer pleinement... même s’il est né ou a grandi avec des limites. Car cela ne porte pas atteinte à son immense dignité de personne humaine qui ne repose pas sur les circonstances mais sur la valeur de son être. Lorsque ce principe élémentaire n’est pas préservé, il n’y a d’avenir ni pour la fraternité ni pour la survie de l’humanité (Fratelli tutti n. 107)».
Andrea Tornielli