Pourquoi pleurons-nous? Les raisons peuvent être nombreuses: la colère, la joie, l'émotion. Ce qui est sûr, c'est que si les larmes sortent des yeux, c'est du cœur qu'elles viennent. Et c'est pourquoi les larmes ne laissent jamais indifférent, elles touchent le cœur de ceux qui les voient. C'est ce qui s'est passé hier, lorsque le -Pape François a lavé les pieds de douze détenues au cours de la Messe in cena Domini célébrée dans la prison romaine pour femmes de Rebibbia. Certaines d'entre elles ont fondu en larmes devant le Pape âgé qui se déplaçait en fauteuil roulant, leur lavait les pieds et les embrassait. Un sanglot ému, qui semblait libérateur, dans un lieu qui, par définition, restreint la liberté. Il s'agit certainement de pleurs qui venaient du cœur.
Nous ne saurons jamais quelles pensées ont traversé leur esprit à ce moment-là, quelles émotions, quelles images d'une vie difficile, alourdie par tant de chutes. Le Pape ne le savait pas non plus à ce moment-là. Les larmes sont un don, nous a-t-il répété de nombreuses fois au cours des onze premières années de son pontificat. Les larmes sont également un mystère. Dans ces gouttes minuscules, qui ont un goût salé mais qui laissent un goût amer dans la bouche, se trouve au fond le condensé d'une vie. Les larmes de Jésus sont un mystère dans le Mystère. Ne nous sommes-nous pas demandé au moins une fois, en lisant les Evangiles, pourquoi le Seigneur a pleuré devant la tombe de son ami Lazare, en sachant qu'il le ramènerait bientôt à la vie? N'avons-nous pas été profondément émus et émerveillés par Ses larmes alors qu'il regardait Jérusalem et par celles qu'il a versées pendant la nuit dramatique de Gethsémani alors qu'il transpirait du sang?
Ces larmes sont un véritable mystère que nous ne pouvons effleurer qu'avec le sens de la foi. Pourtant, c'est précisément cet acte si humain qui rend Jésus si proche de ceux qui souffrent à notre époque et à toutes les époques. Chaque mère qui pleure un fils envoyé à la guerre par des hommes désormais incapables de pleurer peut se sentir comprise par Celui qui a versé des larmes pour ceux qu'il aimait. Chaque père qui travaille dur chaque jour pour ramener du pain à ses enfants, et qui pleure peut-être en cachette pour ne pas être vu, peut reconnaître que le Fils de Dieu a versé des larmes comme lui. Et peut donc le comprendre.
L'Evêque de Rome a adressé un sourire plein de tendresse aux larmes des femmes qu'il a rencontrées à Rebibbia. C'est le sourire du pasteur qui aime ses brebis et surtout celles qu'il croyait perdues. C'est le sourire du père qui embrasse le fils prodigue patiemment attendu, comme de nombreux pères qui, aujourd'hui encore, ne se lassent pas d'attendre le retour de leurs enfants perdus dans les labyrinthes de notre société. Mais ce sourire du Pape François — dans un monde blessé par tant de peur et par une violence que nous espérions reléguée à l'histoire — s'adresse à nous tous. C'est un sourire qui donne de l'espoir et qui témoigne de l'amour de Dieu. Un amour plein de miséricorde, d'un Père qui «ne se lasse pas de pardonner». Et dont nous avons besoin aujourd'hui plus que jamais, car comme nous l'enseigne le Vendredi saint: c'est seulement en pardonnant et en acceptant le pardon des autres que nous pourrons vraiment croire que la mort n'a pas le dernier mot. (alessandro gisotti)
Alessandro Gisotti