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François lave les pieds de douze détenues

 François lave les pieds de douze détenues  FRA-014
04 avril 2024

Sous le chapiteau de la prison pour femmes de Rebibbia, à la périphérie de Rome, où le -Pape a choisi de célébrer cette année la Messe in cena Domini du Jeudi sain, les détenues qui font partie du chœur tiennent à être à la hauteur pour François. Ce sont elles, avec les gardes, les bénévoles et les religieuses franciscaines dominicaines, de -l’Ordo Virginum qui accomplissent leur apostolat dans ce lieu, qui distribuent les livrets, arrangent les chaises et le panier à donner au Pape contenant des fenouils, des oignons, des artichauts et d’autres légumes cultivés par les détenues dans la serre de la prison. Plus de 200 chaises ont été installées sur le terrain de football où joue l’équipe de la prison et où se déroulent les cours pour devenir entraîneuses. Le chapiteau blanc, où le -Pape a accompli le geste toujours émouvant du lavement des pieds — celui par lequel «Jésus nous enseigne la voie du service» comme il le dira dans l’homélie — à 12 femmes de diverses nationalités, âge et religion, est en revanche le lieu où se déroulent les manifestations culturelles, les cérémonies et les prix.

Une humanité diversifiée

Les détenues de la prison pour femmes de Rebibbia, environ 200 sur les 300 qui purgent des peines définitives (certaines, âgées ou malades, ne peuvent pas participer), dont une jeune mère avec son bébé de 3 ans, Jairo (elle est à Rebibbia depuis 9 mois), arrivent une par une, en file indienne. Certaines pleurent déjà, certaines fument, certaines se tiennent à un bâton ou marchent au bras d’une compagne de cellule. Elles sont nigériennes, péruviennes, philippines, sri-lankaises, éthiopiennes, bulgares, ukrainiennes, italiennes, quelques-unes russes et une chinoise. La plupart sont d’ethnie rom. «Camerotti!», «Cellulari!», crient les gardes. Ce sont les noms des sections dans lesquelles elles sont réparties: moyenne sécurité, pour des délits tels que vols, braquage ou trafic de drogue; haute sécurité, où se trouvent les chefs d'associations mafieuses, dont certaines membres d'un clan romain bien connu; puis la «z», avec des membres de famille de collaborateurs de justice. Et enfin l’infirmerie, avec les détenues atteintes de maladies psychiatriques. Autant de visages différents: jeunes, âgés, creusés et émaciés, très maquillés ou tatoués, avec des entailles évidentes ou des piercing aux lèvres. Elles mâchent un chewing-gum, portent des jogging colorés, des sneakers ou même des pantoufles. Certaines parmi les plus jeunes ont tressé leurs cheveux pour l’occasion, d’autres portent un tee-shirt blanc avec le visage du Pape, presque toutes portent autour du cou un chapelet en plastique.

Elles chantent avec le chœur en attendant le Pape, puis explosent en un applaudissement et un cri: «Liberté, liberté» — répété aussi au terme de la Messe — quand François fait son entrée, peu avant 16h00, par la petite porte de fer bleu, accueilli par la directrice. «Vive le Pape, vive le Pape!» hurlent les détenues de Rebibbia et avec elles les religieuses. Avant de passer parmi les rangées de chaises, Jorge Mario Bergoglio ouvre les bras pour saluer. A nouveau des cris, des bousculades, et l’une d’entre elles se jette sur lui pour lui baiser la main. Puis, ayant fait son entrée sous le chapiteau et ayant revêtu les parements, il commence la célébration en mémoire de la Cène du Seigneur. Une Messe brève, sobre, émouvante.

Le lavement de pieds à 12 femmes de différentes nationalités et religions

L’homélie est suivie par le rite du lavement de pieds. Douze femmes — parmi lesquelles des bulgares, des italiennes, des Rom, des nigériennes, des péruviennes, des croates, des bosniaques, âgées de 40 à 50 ans, également d’autres confessions. La plus âgée pose la main sur sa poitrine et respire profondément tandis que le Pape, en fauteuil roulant, commence à laver et à embrasser les pieds de ses compagnes. Elle semble submergée par l’émotion. Une jeune femme, le visage enfoui dans un mouchoir, portant une polaire blanche, éclate en pleurs ininterrompus. Une autre envoie un baiser à François. Elles se penchent à la fin pour lui dire «merci» dans diverses langues. A la fin de la Messe, le petit Jairo s’approche avec sa mère du Pape qui lui offre un œuf en chocolat. Le Pape remet un autre cadeau pour toute la prison: le tableau d’une Vierge à l’enfant. Une pensée pour toutes les femmes qui souffrent de l’éloignement de leurs enfants. L’une d’elle, albanaise, trouve le temps de la confier au Pape, en lui demandant des prières. Le Pape lui offre un chapelet et fait de même avec toutes les autres détenues qu’il rencontre en sortant.

Le Pape console une femme en larmes

Avant d’entrer à l’infirmerie, un imprévu a lieu: une femme, d’origine africaine, soutenue par deux assistantes, hurle et éclate en un pleurs incontrôlé. Pendant la Messe, elle avait déjà manifesté son malaise. «Je souffre trop, je n’en peux plus, je souffre trop», dit-elle entre deux sanglots au Pape qui la caresse, tente de la tranquilliser, puis pose une main sur son front et l’assure de ses prières, l’invitant elle aussi à prier.

D’autres salutations ont lieu dans l’infirmerie: en demi-cercle, gardiennes, bénévoles, détenues, attendent leur tour pour serrer la main de l’Evêque de Rome. Là aussi, un cadeau: un œuf géant en chocolat avec l’inscription «Joyeuses Pâques». Dans une petite salle, enfin, le salut à la directrice, Nadia Fontana qui, peu avant, à la fin de la Messe, avait dit au Souverain Pontife: «Votre présence ici aujourd'hui est pour chacun d’eux un rayon de soleil qui réchauffe le cœur et ravive l’espoir de pouvoir recommencer, même quand on doit repartir de zéro».

Salvatore Cernuzio