· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

Dans les Ecritures
Les femmes dont la Bible dit explicitement qu’elles prient

Anne, Esther, Judith et Sarra

  Anna, Ester, Giuditta e Sara  DCM-004
06 avril 2024

La prière revêt de nombreuses formes, de l’exultation, comme le chant de Déborah (Juges 5) et le Magnificat de Marie (Luc 1, 46-56), aux lamentations des « jeunes filles d’Israël », qui pleurent le sacrifice imminent de la fille de Jephté (Juges 11, 40), et des « filles de Jérusalem », qui pleurent la crucifixion imminente de Jésus (Luc 23, 28). Les personnes qui ont besoin de guérison et de secours prient, comme Agar, qui dit « Je ne veux pas voir mourir l’enfant » (Genèse 21, 16), et la Cananéenne qui, se prosternant devant Jésus, dit « Seigneur, viens à mon secours » (Matthieu 15, 25). Les Psaumes, qui sont des prières, vont de l’action de grâce et de la célébration à l’intercession, la demande et la contrition.

La Bible mentionne souvent que les hommes prient : Abraham (Genèse 20), Isaac (Genèse 25), Moïse (Exode 8, 10 ; Nombres 11, 21 ; Deutéronome 9), Samuel (1 Samuel 8), Elisée (2 Rois 4), David (2 Samuel 7, 15, 24), Elisée (2 Rois 6), le roi Ezéchias (2 Rois 19-20, 2 Chroniques 30), Isaïe (2 Chroniques 32), Jérémie (Jérémie 42), Néhémie (Néhémie 1-2), Daniel (Daniel 9), Jonas (Jonas 2, 4), Judas Maccabée (1 Maccabées 7, 40), Tobie (Tobie 3, 1), Job (Job 6, 42), Jésus (Matthieu 26 / Marc 14, etc. ), Corneille (Actes 10), Pierre (Actes 11), Paul (Actes 22, 26), etc. Luc 18, 1 nous dit que la parabole de la veuve et du juge a pour but de nous encourager à « prier sans cesse, et ne pas se décourager ». Lorsque le peuple d’Israël prie, ou lorsque les membres de l’Eglise prient, il y a des femmes parmi eux.

Mais les seules femmes dont la Bible dit explicitement qu’elles prient sont Anne, Esther, Judith et Sarra dans le livre de Tobie. Leurs prières sont aussi diverses que le sont les femmes dans la Bible, puisqu’il n’y a pas de manière particulière de prier pour les femmes. Anne apparaît dans 1 Samuel, un texte considéré comme canonique tant par les juifs que par les catholiques romains ; les trois autres femmes, qui apparaissent dans des textes écrits par des juifs avant la naissance de Jésus mais qui ne figurent pas dans les Ecritures hébraïques, montrent l’importance pour les juifs des prières des femmes.

Anne


Lorsque Elqana, époux d’Anne et de Peninna, offre le sacrifice annuel dans le sanctuaire de Silo, il donna à Peninna et à ses fils leur part, tandis qu’il donna à Anne une double part car « il préférât Anne, mais Yahvé l’avait rendue stérile » (1 Samuel 1, 5). Le texte affirme que la stérilité n’a rien à voir avec le péché ou la valeur. Profondément affligée par son incapacité à avoir un enfant, Anne « pria Yahvé » (1 Samuel 1, 10), dans la première référence explicite de la Bible à une femme en train de prier. Sa prière est un vœu : si Dieu lui accorde un fils, elle le consacrera à servir Dieu en tant que naziréen. Le prêtre de Silo, Eli, voyant les lèvres d’Anne remuer et n’entendant aucune parole, pense qu’elle est ivre et la réprimande. Anne explique : « j’épanche mon âme devant Yahvé » (1 Samuel 1, 15). Anne a inspiré la tradition juive qui consiste à remuer les lèvres dans la prière silencieuse. Cette pratique garantit que nous ne nous précipitons pas dans nos prières, que nous réfléchissons à chaque mot et que nous prions avec l’esprit et avec le corps.

Anne conçoit, donne naissance à un fils, l’appelle Samuel et, trois ans plus tard, après l’avoir sevré, le présente à Eli. Cette action constitue le modèle de la présentation de Marie au temple. Puis, anticipant le Magnificat de Marie, « Anne pria : Mon cœur exulte en Yahvé [...] [qui] retire de la poussière le faible [...], donne la force à son Roi, il exalte la vigueur de son Oint » (1 Samuel 2, 1-10).

Esther


La version hébraïque du livre d’Esther, qui est canonique pour les juifs, ne mentionne ni la prière ni Dieu. Les ajouts grecs, écrits par des juifs avant l’époque de Jésus et contenus dans le canon catholique romain, décrivent tant Esther que son tuteur Mardochée, en prière. L’histoire se déroule dans la Perse antique, où le roi, souvent ivre, permet à son premier ministre Aman d’ordonner le génocide des juifs. La reine Esther, qui avait caché son identité juive, « supplia le Seigneur et dit : “O mon Seigneur, notre Roi, tu es l’Unique! Viens à mon secours, car je suis seule et n’ai d’autre recours que toi, et je vais jouer ma vie. [...] O Dieu, dont la force l’emporte sur tous, écoute la voix des désespérés, tire-nous de la main des méchants et libère-moi de ma peur !” » (Ajout C).

A travers une combinaison de courage et de connivence, Esther sauve son peuple. Non seulement elle vainc, mais Mardochée et elle promulguent également des décrets stipulant que les juifs dans toute la Perse doivent célébrer les deux jours au cours desquels le génocide déjoué avait été planifié, faisant de « ces journées des jours de festins et de liesse, à y échanger mutuellement des portions et à y faire des largesses aux pauvres » (Esther 9, 22). Cette fête, appelée « Pourim » (nom dérivé des « destins » par lesquels Aman avait déterminé les dates de la destruction des juifs), est célébrée aujourd’hui encore par les juifs.

Judith


Datant probablement du 1er siècle avant J.-C., le livre de Judith est un texte manifestement fantastique, visant à instruire, encourager et divertir ses lecteurs juifs. L’héroïne allie le courage et l’habileté de Siméon, ancêtre de Judith, du juge Débora, de Jaël la Kénite, chantée par Débora (Juges 4-5), et de Judas Maccabée, qui vainquit le roi syro-grec Antiochos IV Epiphane et reconsacra le temple de Jérusalem que le roi avait profané.

Judith est une veuve belle, pieuse et riche qui, lorsque le général ennemi Holopherne menace sa ville et que les anciens veulent capituler, prie d’abord et agit ensuite. Sa prière, qui occupe tout le chapitre 9, commence ainsi : « Judith [...] cria vers le Seigneur [à] l’heure où, à Jérusalem, au Temple de Dieu, on offrait l’encens du soir : [...]  exauce la pauvre veuve que je suis, [...] ; Donne-moi un langage séducteur, pour blesser et pour meurtrir ceux qui ont formé de si noirs desseins contre ton alliance et ta sainte demeure et la montagne de Sion ».

Certaine que sa prière sera exaucée, Judith quitte sa ville et pénètre dans le camp ennemi. Mentant à Holopherne en feignant d’éprouver de l’admiration pour lui, elle l’incite à boire et, lorsqu’il perd connaissance, elle le décapite avec sa propre épée. Le récit répète que la victoire a été obtenue « par la main d’une femme » (8, 33 ; 9, 9-10 ; 12, 4 ; 13, 4 ; 14-15 ; 15, 10 ; 16, 5). Judith conduit son peuple dans un défilé de victoire à Jérusalem, entonne un chant d’action de grâces (qui va de 15, 5 à 16, 17) et retourne chez elle. Les soldats ennemis, en parlant des juifs, demandent à juste titre : « Qui donc pourrait encore mépriser un peuple qui a des femmes pareilles ? »  (Judith 10, 19).

Sarra


Le livre de Tobie, une comédie fantastique qui se déroule pendant l’exil babylonien du Royaume du Nord d’Israël (722 av. J.-C.) mais qui a probablement été écrite au début du IIe siècle av. J.-C., met en scène un héros qui manifeste sa sainteté en enterrant des cadavres abandonnés (jusqu’à ce qu’il soit rendu aveugle par un oiseau qui lui défèque dans les yeux), un ange incognito, un poisson magique et un démon qui avait tué les sept maris de la belle Sarra. Découragée par la mort des hommes qu’elle pouvait encore épouser, craignant d’être une déception pour ses parents, humiliée par les moqueries des esclaves de sa maison, Sarra « étendit les bras du côté de la fenêtre, et pria ainsi : " Tu es béni, Dieu de miséricorde ! " [...] Et maintenant, je lève mon visage et je tourne les yeux vers toi. Que ta parole me délivre de la terre [...].  S’il te déplaît de me faire mourir, regarde-moi avec pitié, je ne veux plus m’entendre outrager ! » (Tobie 3, 11-15).

Grâce aux machinations de l’ange Raphaël, Sarra épouse Tobie, le fils de Tobit. Lors de la nuit de noces, Tobie exhorte sa fiancée : « Debout, ma sœur ! Il faut prier tous deux, et recourir à notre Seigneur, pour obtenir sa grâce et sa protection » (Tobie 8, 4). Raphaël explique que lorsque tous deux priaient, il présentait l’attestation de leur prière « devant la gloire du Seigneur » (Tobie 12, 12). Le démon est exorcisé, le mariage est consommé et tous vécurent heureux.

Ces quatre femmes bibliques offrent des modèles de prière : pour des raisons personnelles et politiques, pour la guérison et la force, dans l’angoisse et le désespoir, dans la peur et dans la confiance. Elles reconnaissent ce dont elles ont besoin, elles expriment leurs préoccupations à Dieu avec franchise et leurs prières sont suivies d’actions. Elles et leurs prières sont des modèles non seulement pour les autres femmes, mais aussi pour quiconque veut parler à Dieu.