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Le cardinal Cantalamessa prononce la cinquième et dernière prédication de carême

Fidélité aux inspirations de l’Esprit pour tracer la route de l’Eglise

 Fidélité aux inspirations de l’Esprit  pour tracer la route de l’Eglise   FRA-013
28 mars 2024

Après avoir consacré les prédications précédentes à la réflexion sur le Christ «vie» et «vérité», le cardinal Cantalamessa — dans cette cinquième et dernière prédication de Carême prononcée dans la matinée du vendredi 22 mars dans la salle Paul vi en présence du Pape François — a rappelé la nécessité de «garder l'oreille tendue» vers les «inspirations» de l'Esprit Saint.

«Nous parlons naturellement des “inspirations de l’Esprit”, ce qu’on appelle aussi les “bonnes inspirations”. La fidélité aux inspirations est le chemin le plus court et le plus sûr vers la sainteté. Nous ne savons pas d’emblée quelle est la sainteté concrète que Dieu veut de chacun de nous; Dieu seul la connaît et nous la révèle au fur et à mesure que le chemin se déroule. Il ne suffit donc pas d’avoir un programme de perfection clair, à mettre en œuvre progressivement. Il n’existe pas de modèle de perfection identique pour tous. Dieu ne fabrique pas les saints en série, il n'aime pas le clonage. Chaque saint est une invention inédite de l’Esprit. Dieu peut demander à l’un l’opposé de ce qu’il demande à l’autre. Il s’ensuit que pour parvenir à la sainteté, l’homme ne peut se contenter de suivre des règles générales qui s’appliquent à tous. Il doit aussi comprendre ce que Dieu lui demande à lui, et rien qu’à lui».

Ainsi, ce que Dieu veut de différent et particulier, dit le prédicateur, «chacun le découvrira à travers les événements de la vie, la parole de l'Ecriture, la conduite de son directeur spirituel, mais le moyen principal et ordinaire, ce sont les inspirations de la grâce. Ce sont des sollicitations intérieures de l'Esprit au plus profond du cœur, à travers lesquelles Dieu non seulement fait connaître ce qu'il désire de nous, mais donne la force nécessaire, et souvent aussi la joie, pour l'accomplir, si la personne y consent».

Prenant l’exemple de Mère Teresa de Calcutta, qui s’était obstinée à observer les règles canoniques en vigueur dans les instituts religieux de son époque, il rappelle que «jusqu'à l'âge de 36 ans, elle était sœur dans une congrégation religieuse, certes fidèle à sa vocation et dévouée à son travail, mais rien qui puisse prédire quelque chose d'extraordinaire chez elle. C'est lors d'un voyage en train de Calcutta à Darjeeling pour sa retraite spirituelle annuelle que se produit l'événement qui a changé sa vie. L'Esprit Saint “murmure” à l'oreille de son cœur une invitation claire: quitte ton ordre, ta vie antérieure, et mets-toi à ma disposition pour une œuvre que je t'indiquerai. Chez les filles de Mère Teresa, ce jour — le 10 septembre 1946 — est commémoré sous le nom de “Journée de l'Inspiration”. Lorsqu'il s'agit de décisions importantes pour soi-même ou pour d’autres, l'inspiration doit être soumise et confirmée par l'autorité, ou par son père spirituel. En fait, c'est ce que fit Mère Teresa. On s’expose au danger si on compte uniquement sur son inspiration personnelle».

«Les bonnes inspirations ont quelque chose de commun avec l'inspiration biblique, à part bien sûr l'autorité et la portée qui sont essentiellement différentes... Toute fidélité à une inspiration est récompensée par des inspirations de plus en plus fréquentes et plus fortes. C'est comme si l'âme s'entraînait pour parvenir à une perception de plus en plus claire de la volonté de Dieu et à une plus grande facilité pour l'accomplir».

«Le problème le plus délicat en matière d'inspirations, rappelle le cardinal Cantalamessa, a toujours été celui de discerner celles qui viennent de l'Esprit de Dieu de celles qui viennent de l'esprit du monde, de ses propres passions ou de l'esprit du mal. Le thème du discernement des esprits a connu une évolution notable au fil des siècles... On sait que ce qui vient de l’Esprit de Dieu apporte joie, paix, tranquillité, douceur, simplicité, lumière. Ce qui vient de l’esprit du mal, à l’inverse, apporte avec lui trouble, agitation, inquiétude, confusion et ténèbres».

«Dans la pratique, les choses sont, il est vrai, plus complexes, souligne le prédicateur de la Maison pontificale. Une inspiration peut venir de Dieu et pourtant provoquer de grands troubles. Mais cela n’est pas dû à une inspiration douce et paisible comme tout ce qui vient de Dieu; cela naît plutôt de la résistance à l'inspiration ou du fait qu'il nous demande quelque chose que nous ne sommes pas prêts à lui donner. Si on accueille l’inspiration, le cœur se retrouve bientôt dans une paix profonde. Dieu récompense chaque petite victoire dans ce domaine, faisant sentir à l'âme son approbation, qui est la joie la plus pure qui existe au monde.

Un domaine dans lequel il est important de pratiquer le discernement — au-delà de celui des intentions et des décisions — est celui des sentiments. Rien n'est plus insidieux que l'amour. La nature est très habile à faire passer comme venant de l’esprit ce qui en réalité vient de la chair. Dans ce domaine, il est plus que jamais nécessaire de mettre en pratique le conseil que donnait le poète latin Ovide sur les maux de l'amour: “Principiis obsta”: “Oppose-toi au commencement”. “Sero medicina paratur”: “C’est trop tard pour le remède, quand les maux, à cause de trop de retards, ont gagné de force”».

En conclusion, le cardinal souligne que «si accueillir les inspirations est important pour tout chrétien, c’est vital pour ceux qui ont une charge de gouvernement dans l’Eglise. Ce n'est qu’ainsi que l'on permet à l’Esprit du Christ de guider lui-même son Eglise à travers ses représentants humains. Il n'est pas nécessaire que tous les passagers d'un navire aient l’oreille collée à la radio de bord pour recevoir des précisions sur la route, sur d’éventuels icebergs et sur les conditions météorologiques, mais il est essentiel que les responsables de bord l’aient. C’est d’une “inspiration divine”, courageusement accueillie par le Pape saint Jean xxiii , qu’est né le Concile Vatican ii . De la même manière sont nés après lui d’autres gestes prophétiques, dont ceux qui viendront après nous prendront conscience. Qu’en cette Pâque le Seigneur Ressuscité fasse lui-même résonner dans notre cœur l’un ou l’autre de ses divins “Je Suis” sur lesquels nous avons médité pendant ce carême. Surtout celui qui proclame sa victoire pascale: “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra: quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais”».