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Des religieuses soignent les blessures de la population au Soudan du Sud

La paix pas à pas

 La paix pas à pas   FRA-011
14 mars 2024

Le Soudan du Sud est un pays très jeune: il a été créé après des décennies de guerre civile. Au moment où le traité de paix a été signé en janvier 2005, la guerre avait fait environ 5 millions de déplacés internes et 2.5 millions de morts, avec un héritage de profonde méfiance entre les groupes ethniques rivaux. En janvier 2011, le référendum historique sur l’indépendance du Sud a eu lieu malgré des difficultés croissantes. Mais lorsque la République du Soudan du Sud est née, le 9 juillet, au milieu des cris de joie, les blessures de la méfiance et de la peur étaient loin d’être cicatrisées.

Les religieuses travaillant dans le nouveau pays étaient -conscientes que cela pouvait constituer un revers et ont joué un rôle déterminant dans la promotion des initiatives de paix. Depuis 2010, l’Institut catholique de formation en santé (chti) de Wau favorise le dialogue interculturel et aide les étudiants — hommes et femmes — à surmonter des préjugés profondément enracinés.

Cet institut a été lancé par Solidarity with South Sudan, un programme de collaboration entre religieux et religieuses qui a développé une formation dispensée sur place pour enseignants et infirmiers, accordant une attention particulière à la sécurité alimentaire, à la formation pastorale et au traitement des traumatismes. La première cérémonie de remise des diplômes a eu lieu en 2013, et en 2022, 181 infirmières et 87 sages-femmes se sont diplômées à l’Institut.

Sœur Brygida Maniurka, une franciscaine missionnaire de Marie originaire de Pologne, travaille au chti depuis février 2022. «Nos étudiants viennent de différentes tribus, Etats et religions et parlent différentes langues. Le chti met constamment l’accent sur le respect de toutes les cultures et sur la tolérance des différences. Grâce à plusieurs types d’activités et d’exercices, nous créons des liens d’amitié et promouvons la paix et l’unité. Outre les soins infirmiers et obstétricaux, nos étudiants apprennent l’art de nouer des relations et de travailler ensemble», explique-t-elle.

Elle ajoute qu’accompagner les étudiants sur leur chemin de croissance nécessite, il est vrai, de nombreuses heures de dialogue, «mais quelle joie quand, au bout de trois ans, on voit à quel point ils ont changé!». «Et notre joie est encore plus grande lorsque nous recevons les compliments des communautés d’origine de ces jeunes et des institutions dans lesquelles ils travaillent», dit sœur Brygida.

A Yambio, capitale de l’Etat de l'Equatoria-Occidental, une autre initiative accorde une attention particulière aux femmes ayant vécu des traumatismes. Sœur Filomena Francis — que les gens ici appellent sœur Bakhita — est originaire de Nzara, une petite ville de l’Etat; auparavant, elle vivait à Khartoum, où se trouvaient environ 5 millions de Soudanais du Sud déplacés, dans l’attente de rejoindre l’Egypte et les sœurs missionnaires franciscaines de l’Immaculée Conception de Marie (mfic).

Avant de partir pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1995, sœur Filomena avait réussi à rendre visite à sa famille dans l’actuel Soudan du Sud. A cette époque, la zone avait été conquise par l’Armée populaire de libération du Soudan (spla) et sœur Filomena avait retrouvé sa famille et ses sœurs qui vivaient dans de bonnes conditions. Cependant, en 1999, les violences sexuelles et les abus perpétrés par les soldats avaient rendu leur vie misérable.

Le drame vécu par la famille de sœur Filomena l’a incitée à lancer un programme de relation d’aide et de traitement des traumatismes qui s’est concrétisé en 2006 avec l’Organisation de groupe de soutien pour les femmes (asgo), lancée avec deux autres femmes.

En 2013, une communauté des mfic a ouvert ses portes dans le diocèse catholique de Tambura Yambio et sœur Filomena a commencé à former des femmes et des hommes locaux pour qu’ils participent activement au programme de prise en charge. «Mon propre traumatisme, celui qui m’a marquée enfant, m’a amenée à me lancer dans ce projet. La douleur et les pertes que ma famille et moi endurons encore me donnent la force de m’investir dans ce programme», déclare sœur Filomena. «Je suis convaincue qu’une approche holistique du traitement des traumatismes au Soudan du Sud peut conduire à une paix durable et sauver la vie de nombreuses femmes, filles et même jeunes hommes qui ont été violés pour les punir de leur appartenance ethnique» conclut-elle.

#sistersproject

Paola Moggi