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Les affrontements armés dans les régions anglophones se sont accentués fin 2023

Foyers de violence dans l’ouest du Cameroun

 Foyers de violence dans l’ouest du Cameroun  FRA-008
22 février 2024

Un conflit sanguinaire «oublié» tourmente les régions occidentales du Cameroun depuis 2016, à la frontière nigériane. Une crise très violente, bien qu’elle ne fasse pas la une de l'actualité, dont les origines remontent aux divisions de l’époque coloniale. Ancienne colonie allemande jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, le Cameroun est divisé entre la France et le Royaume-Uni jusqu’à son indépendance en 1960: la première a occupé la majeure partie du territoire tandis que le deuxième a obtenu le contrôle de la partie occidentale.

L’actuel conflit concerne les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, qui accueillent environ 20% des 30 millions d’habitants du Cameroun. Depuis environ 7 ans, les rebelles anglophones ont choisi la violence armée, après que le gouvernement central associé à la majorité francophone a sapé les requêtes initiales en matière fédérale. Le conflit, comme le rappelle la revue Nigrizia, découle de la répression initiale exercée par le gouvernement et la majorité francophone envers les revendications des enseignants, avocats et activistes anglophones souhaitant une plus grande autonomie.

Les rebelles ont choisi de recourir aux armes en 2017 lorsque l’Ambazonie, pseudo-état situé dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Est, a été auto-proclamé. Son nom dérive d’Ambozes, nom local de la baie d’Ambas, créée dans les années 80 dans le cadre d’une campagne de valorisation de la culture anglophone et d’autonomie de la région.

Une véritable guerre s’en est suivie entre les groupes armés exigeant l’indépendance et les forces de sécurité constamment déployées par le gouvernement de Yaoundé. On compte environ 650.000 déplacés, 1,8 millions de personnes nécessitant une aide humanitaire, plus de 6.000 victimes et plus de 2.200 écoles fermées. Ces dernières sont prises pour cible dans le cadre d’une campagne contre l’enseignement de la langue française. L’ong Human Rights Watch dénonce l’augmentation des violences dans les régions anglophones avec des civils «gravement touchés» et des cas de «meurtres illégaux, enlèvements et incursions dans les villages au cours des six derniers mois de 2023. Depuis septembre dernier, la campagne d’attaques armées semble s’être intensifiée, en particulier après le meurtre d’un des dirigeants séparatistes anglophones par l’armée. Fin septembre, un prêtre et quatre enseignants ont été blessés lors de l’attaque de l’école primaire catholique Saint Martin de Tour de Kembong, dans le Nord-Ouest.

D’autre part, Paul Biya, le président, assure que la menace des séparatistes a fortement baissé à l’heure actuelle. Le président, au pouvoir sans interruption depuis 1982, est l’homme fort du Cameroun: âgé de 91 ans, dont 40 ans passés au pouvoir, on ne peut exclure un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle de 2025. Même si la future stabilité du pays est incertaine, surtout dans un contexte régional marqué par des coups d’état au Sahel et au Gabon voisin.

Déjà en 2019, le gouvernement guidé par Paul Biya, poussé par les pressions de la communauté internationale, avait entamé un dialogue national pour trouver une solution. Mais le projet a été qualifié de peu crédible au vu des nombreux dirigeants séparatistes emprisonnés. Selon un rapport de l’International Crisis Group, dans ce contexte l’Eglise catholique — qui représente environ 40% de la population camerounaise — est l’unique institution capable de servir d’intermédiaire entre les parties du conflit. «L’Eglise n’a pas pris le parti ni des séparatistes ni du gouvernement, précisément pour pouvoir offrir ses propres services de médiation», a expliqué Andew Nkea Fuanya, président de la Conférence épiscopale camerounaise et archevêque de Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, lors d’une interview en septembre dernier.

Le prolongement du conflit dans les provinces anglophones, selon le portail de l’onu Relief web, participe à une «crise alimentaire sans précédent». Même discours également pour l’autre grave front de violence et de conflit qui tourmente le Cameroun: celui de l’Extrême Nord, étroite bande de terre située entre le Nigéria et le Tchad qui s’étend jusqu’aux berges du lac homonyme. La nouvelle des violents affrontements entre Boko Haram et des membres de la province de l’Afrique de l’Ouest de l’Etat islamique sur les rives du lac Tchad, à la frontière du Nigéria et du Cameroun, est très récente. Le bassin du lac Tchad, plaque tournante de trafics d’armes illicites internationaux et de toute nature, est en train de devenir l’épicentre des affrontements entre ces factions islamiques rivales. La violence des groupes terroristes dans la région, qui remonte à 2009, aurait causé le déplacement d’environ 2 millions de Nigérians et plus de 320.000 Camerounais. (Valerio Palombaro)