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Pour une société plus humaine et fraternelle

 Pour une société plus humaine et fraternelle  FRA-007
15 février 2024

Un cessez-le-feu a été prolongé de 6 mois après son entrée en vigueur le 3 août dernier. C’est le premier résultat concret de la nouvelle table de négociations entre le gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (eln), guérilla encore active dans le pays sud-américain après l’accord de paix passé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (farc) en 2016. Le sixième cycle de négociations, qui s’est ouvert le 22 janvier à La Havane, fait suite aux rencontres qui ont repris en novembre  2022 après l’investiture du président Gustavo Petro. Les négociations se sont tenues à Cuba, mais également au Vénézuela et au Mexique.

Les six premiers mois, la trêve — initialement prévue jusqu’au 29  janvier — a considérablement réduit la violence, ont constaté les négociateurs. Mais au centre des pourparlers à La Havane, prévus jusqu’à début février, demeurent d’autres problématiques importantes, comme le développement des zones dites critiques, le renforcement des processus participatifs et l’attention portée aux questions humanitaires. Les travaux visent à «réfléchir en particulier à la participation des communautés dans les régions les plus touchées par le conflit armé» explique Mgr Héctor Fabio Henao Gaviria, délégué aux relations entre l’Eglise et l’Etat de la Conférence épiscopale de Colombie, qui a suivi l’intégralité du processus de paix avec l’eln. Joint par téléphone à Cuba — où il se trouve pour la table de négociations, même si, tient-il à préciser, en tant qu’Eglise colombienne «nous accompagnons les pourparlers, nous ne négocions pas: nous sommes présents pour aider à faire entendre la voix des victimes, en vue d’une société différente, plus humaine et fraternelle» — Mgr Henao rappelle que «30 secteurs différents de la société civile colombienne ont déjà des délégués au sein d’un comité national et qu’ils se réunissent et essaient de donner des idées claires sur la méthodologie et la participation au processus de paix». Il est prévu que la population des régions les plus touchées par le conflit soit invitée à participer, en parlant des transformations dont le territoire a besoin, de la question du travail à celle de la terre, à la protection de la maison commune. Un autre point est celui concernant la réponse de l’Etat aux communautés qui ont demandé des changements dans les zones où la population s’est déplacée, où se trouvent des situations de menaces très fortes et où il est nécessaire d’effectuer des transformations structurelles». L’Eglise a toujours été «très impliquée dans le travail auprès des personnes déplacées»: dans le parcours de négociations, rappelle le délégué des évêques colombiens, «huit zones humanitaires» sur lesquelles intervenir ont été définies. Il s’agit de Bajo Calima y San Juan, Baudó, Chocó, Bajo Cauca antioqueño, Buenaventura, Dagua y Cali, Nordeste antioqueño, Sur de Bolívar, Departamento de Nariño, Naya et Valle del Cauca.

Dans un pays où des formations armées de nature différente sont également actives, comme le clan du Golfe, organisation dirigée par des éléments paramilitaires et des trafiquants de drogue, la continuité et l’intensité des actions de ce que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (ocha) a identifié comme des «groupes armés non étatiques» ont provoqué en novembre dernier encore de nouvelles situations d’urgence, en particulier dans les régions du Pacifique et dans le nord-ouest de la Colombie: environ 20.000 personnes ont été affectées par des déplacements massifs et des confinements.

La question de la pratique illicite des enlèvements reste au premier plan dans les rencontres avec l’eln. Ce thème a entraîné ces mois-ci des moments de crise au sein des pourparlers, comme au moment de l’enlèvement du père de Luiz Diaz, footballeur de Liverpool, pendant 13  jours aux mains la guérilla en automne dernier, puis libéré. L’eln, au cours des rencontres précédentes, s’était dit disponible à interrompre les enlèvements à des fins d’extorsion» rappelle Mgr Henao. Puis en décembre les guérilléros ont annoncé ne pas vouloir cesser les enlèvements, prenant ainsi leurs distances avec la décision d’arrêter de telles pratiques de la part de l’Estado -Mayor Central (emc), groupe dissident des farc dissoutes qui s’était abstenu de signer l’accord de paix il y a 8 ans. Le gouvernement de la Colombie et l’emc ont conclu la semaine précédente le troisième cycle de négociations dans le cadre de la politique «paix totale» mise en place par Gustavo Petro.

Le président de la Colombie, le 19 janvier, a été reçu par le Pape François au Vatican et a eu des entretiens à la secrétairerie d’Etat, dont a émergé — peut-on lire sur une note de la salle de presse du Saint-Siège — la «collaboration positive» entre l’Eglise et l’Etat en vue de la promotion du dialogue, de la justice sociale et de la réconciliation. «Toute l’Eglise, pas seulement l’Eglise de Colombie, travaille pour la construction de la paix», témoigne Mgr Henao, rappelant la visite du Souverain Pontife dans le pays d’Amérique latine en 2017. «Espérons que la rencontre avec le Pape et le président donne une impulsion pour aller de l’avant et encourage les personnes cherchant une solution politique à travers le dialogue», aux problèmes encore irrésolus du pays, de la «guerre» aux «nombreuses activités économiques illégales», au trafic de drogue et à l’exploitation minière illégale dans un premier temps.

Giada Aquilino