· Cité du Vatican ·

Synthèse de la note «Gestis verbisque» du dicastère pour la doctrine de la foi

«Pour la validité des sacrements les formules et la matière ne peuvent être modifiées»

08 février 2024

La note du dicastère pour la doctrine de la foi publiée samedi 3 février intitulée Gestis verbisque est un texte discuté par la récente assemblée plénière du dicastère et approuvé par le Pape, qui rappelle que les formules et les éléments matériels établis dans le rite essentiel de chaque sacrement ne peuvent être modifiés à volonté au nom de la créativité. Une telle action en ce sens invaliderait le sacrement lui-même.

Dans la présentation du document, le cardinal Victor Fernández, préfet du dicastère, en explique la genèse, à savoir «la multiplication des situations où l'invalidité des sacrements célébrés avait été constatée», avec des modifications qui «avaient alors conduit à devoir retrouver les personnes concernées pour répéter le rite du baptême ou de la confirmation, et un nombre important de fidèles avaient à juste titre exprimé leur contrariété». Des modifications de la formule de baptême ont été citées en exemple: «Je te baptise au nom du Créateur...» et «Au nom de ton père et de ta mère... nous te baptisons». Des circonstances qui ont également concerné des prêtres qui, «ayant été baptisés avec des formules de ce type, ont douloureusement découvert l'invalidité de leur ordination et des sacrements célébrés jusqu'alors». Le cardinal explique que «si dans d'autres domaines de l'action pastorale de l'Eglise il y a une large place pour la créativité», dans le domaine de la célébration des sacrements, cela «se transforme plutôt en une “volonté manipulatrice”». Le cardinal Victor Fernández conclut en rappelant que «nous, ministres, devons surmonter la tentation de nous sentir propriétaires de l'Eglise» et que «les fidèles ont le droit, à leur tour, de les recevoir comme l’Eglise en dispose».

«A travers des événements et des paroles intimement liés, lit-on dans la note doctrinale, Dieu révèle et met en œuvre son dessein de salut pour chaque homme et chaque femme». Malheureusement, «on doit constater que les célébrations liturgiques, en particulier celles des sacrements, ne se déroulent pas toujours dans la pleine fidélité aux rites prescrits par l'Eglise». Le document rappelle que «l'Eglise, depuis ses origines, a pris un soin particulier des sources auxquelles elle puise la force vitale de son existence et de son témoignage: la Parole de Dieu, attestée par les Saintes Ecritures et la Tradition, et les sacrements, célébrés dans la liturgie, par lesquels elle est continuellement ramenée au mystère de la Pâque du Christ». C'est pourquoi les interventions du Magistère en matière sacramentelle «ont toujours été motivées par la préoccupation fondamentale de la fidélité au mystère célébré. L'Eglise est également «con-sciente qu'administrer la grâce de Dieu ne signifie pas se l'approprier, mais devenir un instrument de l'Esprit pour transmettre le don du Christ pascal. Elle sait, en particulier, que sa potestas à l'égard des sacrements s'arrête face à leur substance» et que «dans les gestes sacramentels, elle doit garder les gestes salvifiques que Jésus lui a confiés».

La note explique ensuite que «la matière du sacrement consiste dans l'action humaine par laquelle le Christ agit. Elle comporte tantôt un élément matériel (eau, pain, vin, huile), tantôt un geste particulièrement éloquent (signe de croix, imposition des mains, immersion, consentement, onction)»; une corporéité «indis-pensable parce qu'elle enracine le sacrement non seulement dans l'histoire humaine, mais aussi, plus fondamentalement, dans l'ordre symbolique de la Création et le ramène au mystère de l'Incarnation du Verbe et de la Rédemption opérée par Lui». Quant à la forme du sacrement, elle «est constituée par la parole, qui confère à la matière un sens transcendant, transfigurant le sens ordinaire de l'élément matériel et le sens purement humain de l'action accomplie. Cette parole s'inspire toujours, à des degrés divers, à la Sainte Ecriture, s'enracine dans la Tradition vivante de l'Eglise et a été définie avec autorité par le magistère de l'Eglise». Par conséquent, la matière et la forme «n'ont jamais dépendu ni ne peuvent dépendre de la volonté de l'individu ou d’une communauté».

Le document réaffirme que «pour tous les sacrements, dans tous les cas, l'observance de la matière et de la forme a toujours été requise pour la validité de la célébration, sachant que les changements arbitraires de l'une et/ou de l'autre — dont la gravité et la force invalidante doivent être vérifiées de temps en temps — compromettent l'efficience de l'octroi de la grâce sacramentelle, au détriment évident des fidèles». Ce que l’on lit dans les livres liturgiques promulgués doit être fidèlement observé sans «ajouter, retirer ou modifier». Car si les mots ou la matière sont modifiés, il n’y a plus de sacrement. A cet égard, dans la note numéro 34 du document, une distinction importante est faite entre licéité et validité, expliquant que «toute modification de la formule d'un sacrement est toujours un acte gravement illicite». La modification des éléments essentiels à la célébration du sacrement introduit également «un doute sur l'intention réelle du ministre, compromettant définitivement la validité du sacrement célébré».

La liturgie permet la variété qui préserve l'Eglise d'une «uniformité rigide» (cf. Const conciliaire Sacrosanctum Concilium). Mais cette variété et cette créativité, qui favorisent une plus grande intelligibilité du rite et la participation active des fidèles, ne peuvent concerner ce qui est essentiel dans la célébration des sacrements. «Il apparaît donc toujours plus urgent, affirme la note, de mûrir un art de célébrer qui, entre un rubricisme rigide et une imagination débridée, conduise à une discipline à respecter, précisément pour être d'authentiques -disciples». Le texte reprend cette citation du Pape: «Il ne s’agit pas de suivre un livre de bonnes manières liturgiques. Il s’agit plutôt d’une “discipline” — au sens où l’entend Romano Guardini — qui, si elle est observée, nous forme authentiquement. Ce sont des gestes et des paroles qui mettent de l’ordre dans notre monde intérieur en nous faisant vivre certains sentiments, attitudes, comportements. Ils ne sont pas l’explication d’un idéal dont nous cherchons à nous inspirer, mais ils sont au contraire une action qui engage le corps dans sa totalité, c’est-à-dire dans son être unité de corps et d’âme» (Lettre apostolique Desiderio desideravi).

«Ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous» (2 Co 4, 7). Dans ses conclusions, le document cite les paroles de saint Paul, une antithèse utilisée «pour souligner comment la sublimité de la puissance de Dieu se révèle à travers la faiblesse de son ministère d'annonciateur, ce qui décrit bien aussi ce qui se passe dans les sacrements. Toute l'Eglise est appelée à conserver la -richesse qu'ils contiennent, afin que la primauté de l'action salvifique de Dieu dans l'histoire ne soit jamais obscurcie, même dans la fragile médiation des signes et des gestes propres à la nature humaine».