· Cité du Vatican ·

Le Pape poursuit les réflexions sur les vices et les verus en parlant de l’affliction qui empêche d’éprouver de la joie

La tristesse égoïste, ver du cœur

 La tristesse égoïste, ver du cœur  FRA-006
08 février 2024

Chers frères et sœurs, bonjour!

Sur notre itinéraire de catéchèse sur les vices et les vertus, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un vice assez mauvais, la tristesse, entendue comme un abaissement de l’âme, une affliction constante qui empêche l’homme d’éprouver de la joie pour sa propre existence.

Il convient tout d’abord de noter que les Pères avaient établi une distinction importante en à propos de la tristesse. Il existe en effet une tristesse propre à la vie chrétienne et qui, avec la grâce de Dieu, se transforme en joie: celle-ci n’est évidemment pas à rejeter et fait partie du chemin de conversion. Mais il y a aussi une deuxième sorte de tristesse qui s’insinue dans l’âme et la plonge dans l’abattement: c’est cette deuxième sorte de tristesse qu’il faut combattre résolument et de toutes ses forces, parce qu’elle vient du Malin. Nous retrouvons également cette distinction chez saint Paul, qui écrit aux Corinthiens: «Car une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort» (2 Co 7, 10).

Il y a donc une tristesse amicale, qui nous conduit au salut. Pensons au fils prodigue de la parabole: lors-qu’il touche le fond de sa déchéance, il ressent une grande amertume, qui le pousse à reprendre ses esprits et à décider de retourner dans la maison de son père (cf. Lc 15, 11-20). C’est une grâce de gémir sur ses péchés, de se rappeler l’état de grâce duquel on est tombé, de pleurer parce qu’on a perdu la pureté dans laquelle Dieu nous a rêvés.

Mais il existe une deuxième tristesse, qui au contraire est une maladie de l’âme. Elle naît dans le cœur de l’homme lorsqu’un désir ou une espérance s’évanouit. Nous pouvons ici nous référer au récit des disciples d’Emmaüs. Ces deux disciples quittent Jérusalem le cœur déçu et confient à l’étranger qui les accompagne à un certain moment: «Nous, nous espérions que c’était lui — c’est-à-dire Jésus — qui allait délivrer Israël» (Lc 24, 21). La dynamique de la tristesse est liée à l’expérience de la perte. Dans le cœur de l’homme naissent des espoirs qui sont parfois déçus. Il peut s’agir du désir de posséder quelque chose que l’on ne peut pas obtenir; mais aussi de quelque chose d’important, comme une perte affective. Lors-que cela se produit, c’est comme si le cœur de l’homme tombait dans un précipice, et les sentiments qu’il éprouve sont le découragement, la faiblesse d’esprit, la dépression, l’angoisse. Nous traversons tous des épreuves qui génèrent en nous de la tristesse, parce que la vie nous fait concevoir des rêves qui se brisent ensuite. Dans cette situation, certains, après un temps de trouble, s’en remettent à l’espérance; mais d’autres se complaisent dans la mélancolie, la laissant gangréner dans leur cœur. Est-ce que l’on ressent du plaisir dans cela? Voyez: la tristesse est comme le plaisir du non-plaisir; c’est comme prendre un bonbon amère, sans sucre, mauvais, et sucer ce bonbon. La tristesse est un plaisir du non-plaisir.

Le moine Evagre raconte que tous les vices visent le plaisir, aussi éphémère soit-il, alors que la tristesse jouit du contraire: se bercer d’un chagrin sans fin. Certains deuils prolongés, où l’on continue à élargir le vide de celui qui n’est plus là, ne sont pas propres à la vie dans l’Esprit. Certaines amertumes rancunières, où l’on a toujours en tête une revendication qui nous fait prendre l’apparence de la victime, ne produisent pas en nous une vie saine, et encore moins une vie chrétienne. Il y a quelque chose dans le passé de chacun qui a besoin d’être guéri. La tristesse, qui est une émotion naturelle, peut se transformer en un mauvais état d’esprit.

Le démon de la tristesse est un démon sournois. Les pères du désert le décrivaient comme un ver du cœur, qui ronge et vide ceux qui font l’hospitalité. Cette image est belle, elle fait comprendre. Et alors, que dois-je faire quand je suis triste? S’arrêter et regarder: est-ce une bonne tristesse? Et réagir selon la nature de la tristesse. N’oubliez pas Mais on peut le combattre facilement en conservant la pensée de la résurrection du Christ.

Frères et sœurs, nous devons être attentifs à cette tristesse et penser que Jésus nous apporte la joie de la résurrection. Même si la vie est pleine de contradictions, de désirs vaincus, de rêves non réalisés, d’amitiés perdues, grâce à la résurrection de Jésus, nous pouvons croire que tout sera sauvé. Jésus est ressuscité non seulement pour lui-même, mais aussi pour nous, afin de racheter tous les bonheurs restés inachevés dans notre vie. La foi chasse la peur, et la résurrection du Christ fait enlève la tristesse comme la pierre du tombeau. Chaque journée de chrétien est un exercice de résurrection. Georges Bernanos, dans son célèbre roman Journal d’un curé de campagne, fait dire au curé de Torcy: «L’Eglise dispose de la joie, toute cette joie qui est réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l’avez fait contre la joie». Et un autre écrivain français, Léon Bloy, nous a laissé cette phrase magnifique: «Il n’y a qu’une seule tristesse, [...] celle de n’être pas saint». Que l’Esprit de Jésus ressuscité nous aide à vaincre la tristesse par la sainteté.

A l’issue de l’audience générale, le Saint-Père a lancé l’appel suivant:

Et n’oublions pas les guerres, n’oublions pas l’Ukraine martyrisée, la Palestine, Israël, les Rohingya, tant, tant de guerres partout. Prions pour la paix. La paix est toujours une défaite, toujours. Prions pour la paix. La paix est nécessaire.

Parmi les pèlerins qui participaient à l’audience générale se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Lycée Saint-Thomas de Villeneuve, de Saint-Germain-en-Laye; lycée Blomet, de Paris; collège Stanislas, de Paris; institut La Tour, de Paris; centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmeison; école Notre Dame, de Boulogne-Billancourt.

De Belgique: Groupe du sanctuaire Saint Mutien-Marie, de Malone.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier les collégiens et lycéens venus de France.

Frères et sœurs, que l’Esprit de Jésus aide toutes les personnes plongées dans une solitude profonde et dans la nuit du désespoir à vaincre la tristesse par la joie de la résurrection.

Que Dieu vous bénisse!