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Le drame de la Syrie déchirée par 13 ans de conflit interne

Dans l’attente d’une paix qui ne vient pas

 Dans l’attente d’une paix qui ne vient pas  FRA-006
08 février 2024

Deraa n’est pas un nom souvent évoqué dans l’actualité internationale. Pourtant, cette petite ville de Syrie, située au sud du pays, à 20 km environ de la frontière jordanienne, est l’épicentre d’un dramatique conflit interne qui, le 15 mars prochain, entamera sa 14e année, mais dont les prodromes remontent à 2011.

Cette année-là, le vent du «printemps arabe» soufflait sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord: d’abord en Egypte, puis en Tunisie, en Algérie, au Yémen... la population est descendue dans la rue pour demander des réformes politiques et économiques. Les citoyens syriens ont également fait entendre leur voix. A Deraa, le 15 mars 2011, des étudiants ont écrit des slogans de contestation contre le président Bachar al-Assad sur un mur. Leur arrestation a déclenché de nombreuses manifestations que le gouvernement a réprimées en faisant intervenir l’armée et en imposant un couvre-feu dans toute la ville. Mais dans les rangs des militaires, beaucoup ont choisi de s’unir à la société civile, formant ainsi ce qui deviendra, en juillet, l'Armée syrienne libre (asl), la force armée opposée au régime d’Assad.

Devenu président en 2000, après le décès de son père Hafez qui avait gouverné le pays pendant presque 30 ans, Bachar al-Assad a d’abord suscité l’espoir de nombreuses personnes qui attendaient des changements positifs au sein de l’Etat. Ces transformations, cependant, n’ont pas eu lieu. Bien au contraire, la pauvreté a augmenté année après année en Syrie, notamment en raison d’une sécheresse ayant duré de 2006 à 2011.

Les manifestations qui ont éclaté à Deraa se sont multipliées au fil des mois, tout comme la répression exercée par les forces gouvernementales. Début 2012, les combats ont atteint des villes cruciales comme Damas, la capitale, et Alep. Des groupes islamistes ont également pris part aux affrontements. Puis, en août 2013, une violente attaque s’est produite à la Ghouta, dans la ban-lieue est de Damas. Un rapport de l’Onu a révélé l’utilisation d’armes chimiques, plus précisément du gaz sarin, profilant un crime contre l’humanité. Des sanctions internationales contre la Syrie ont donc été prises.

Entre-temps, le conflit s’est transformé en une véritable guerre civile entre les forces gouvernementales et de nombreuses milices. Le 5 mars 2020, un cessez-le-feu a été conclu, les forces proches du président al-Assad ayant repris le contrôle d’une grande partie du territoire et la pandémie de la Covid-19 ayant contraint de tout arrêter, même les combats.

Toutefois, hostilité et tensions ont persisté à Idleb, un gouvernorat situé au nord-est du pays. Les victimes sont innombrables: selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, 570.000 morts et près de 3 millions de blessés et de mutilés ont été enregistrés uniquement en 2019. Parmi eux, on compte environ 13.000 enfants.

Des années après, la Syrie est encore en quête de paix. Même si, début 2023, le gouvernement de Damas a rétabli les relations diplomatiques avec de nombreux pays arabes après 12 ans d’isolement, et bien que la Syrie ait été réintégrée dans la Ligue arabe en mai dernier, la paix semble encore loin. Le récent conflit qui a éclaté entre Hamas et Israël le 7 octobre a eu et a encore des retombées inévitables pour Damas. Sans oublier les divers bombardements de la Turquie contre les forces kurdes présentes dans le pays.

Actuellement, des possibilités semblent se dessiner avec le cycle de négociations qui se sont déroulées les 24 et 25 janvier au Kazakhstan, inscrites dans le cadre du «processus d’Astana», parcours de paix démarré en décembre 2016 par la Russie, la Turquie et l’Iran, avec l’Onu comme observateur.

Mais entre temps, c'est la population qui pâtit le plus: selon l'Unicef, en raison de ce conflit, 15,3 millions de Syriens ont besoin d'une aide humanitaire, tandis que les personnes déplacées et les réfugiés sont au total 14 millions, soit la moitié de la population syrienne d'avant 2011. Ces chiffres sont déjà dramatiques, mais il faut y ajouter ceux du terrible tremblement de terre qui a frappé la Syrie et la Turquie voisine le 6 février 2023. 8,8 millions de Syriens ont été touchés par le séisme, dont 3,3 millions d’enfants de moins de 18 ans. En Syrie, plus de 40% des centres sanitaires sont inopérationnels et 13,6 millions de personnes ont besoin d’eau. Par ailleurs, en décembre 2023, le Programme alimentaire mondial a dû cesser de fournir une aide humanitaire en raison d’un grave manque de fonds.

Il nous revient en mémoire la question posée par le Pape François le 3 septembre 2022, lors de l’audience avec les participants au projet «Hôpitaux ouverts», destiné à soutenir divers hôpitaux catholiques opérant dans le pays. «Au vu du nombre indéterminé de morts et de blessés, de la destruction de quartiers et de villages entiers, et des principales infrastructures, dont les hôpitaux — a déclaré le Souverain Pontife — la question se pose: “Qui va pouvoir te guérir aujourd’hui, -Syrie?”». Une question encore sans réponse.

Isabella Piro