Audience générale du 31 janvier
La colère détruit mais la «sainte indignation»
Chers frères et sœurs, bonjour!
Au cours de ces semaines, nous traitons le thème des vices et des vertus, et aujourd’hui, nous nous arrêtons pour réfléchir sur le vice de la colère. Il s’agit d’un vice particulièrement sombre, et peut-être le plus facile à détecter d’un point de vue physique. La personne dominée par la colère peut difficilement dissimuler cette pulsion: on le reconnaît aux mouvements de son corps, à son agressivité, à sa respiration laborieuse, à son regard obscur et renfrogné.
Dans sa manifestation la plus aiguë, la colère est un vice qui ne laisse aucun répit. Si elle naît d’une injustice subie (ou ressentie comme telle), souvent, elle ne se déchaîne pas contre le coupable, mais contre le premier malchanceux. Il y a des hommes qui retiennent leur colère au travail, se montrant calmes et compatissants, mais qui, une fois à la maison, deviennent insupportables pour leur femme et leurs enfants. La colère est un vice omniprésent: elle est capable de nous priver de sommeil et de nous faire constamment comploter dans notre esprit, incapables de trouver une barrière pour raisonner et penser.
La colère est un vice qui détruit les relations humaines. Il exprime l’incapacité à accepter la diversité de l’autre, surtout lorsque ses choix de vie divergent des nôtres. Elle ne s’arrête pas au mauvais comportement d’une personne, mais jette tout dans la marmite: c’est l’autre, l’autre tel qu’il est, l’autre en tant que tel qui provoque la colère et le ressentiment. On se met à détester le ton de sa voix, les gestes banals de la vie quotidienne, ses façons de raisonner et de sentir.
Lorsque la relation atteint ce niveau de dégénérescence, la lucidité est désormais perdue. La colère fait perdre la lucidité. Car l’une des caractéristiques de la colère, parfois, est qu’elle ne s’apaise pas avec le temps. Dans ce cas, même la distance et le silence, au lieu d’apaiser le poids de l’incompréhension, l’amplifient. C’est pour cette raison que l’apôtre Paul — comme nous l’avons entendu — recommande à ses chrétiens d’aborder immédiatement le problème et de tenter une réconciliation: «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère» (Ep 4, 26). Il est important que tout soit résolu immédiatement, avant que le soleil ne se couche. Si un malentendu survient pendant la journée et que deux personnes ne se comprennent plus, se sentant soudain éloignées l’une de l’autre, la nuit ne doit pas être livrée au diable. Le vice nous maintiendrait éveillés dans l’obscurité, ruminant nos raisons et nos erreurs inexplicables qui ne sont jamais les nôtres et toujours celles de l’autre. C’est ainsi: quand une personne est dominée par la colère, elle dit toujours que c’est la faute de l’autre; elle n’est jamais capable de reconnaître ses propres défauts, ses erreurs.
Dans le «Notre Père», Jésus nous fait prier pour nos relations humaines qui sont un terrain miné: un plan qui ne s’équilibre jamais parfaitement. Dans la vie, nous avons affaire à des débiteurs qui nous sont redevables, tout comme nous n’avons certainement pas toujours aimé tout le monde à sa juste mesure. A certains, nous n’avons pas rendu l’amour qui leur était dû. Nous sommes tous des pécheurs, tous, et nous sommes tous dans le rouge: n’oublions pas cela! Nous devons donc tous apprendre à pardonner pour être pardonnés. Les hommes ne peuvent pas être ensemble s’ils ne pratiquent pas aussi l’art du pardon, pour autant que cela soit humainement possible. Ce qui peut contrer la colère, c’est la bienveillance, l’ouverture du cœur, la douceur, la patience.
Mais à propos de la colère, il faut dire une dernière chose. C’est un vice terrible, a-t-on dit, il est à l’origine des guerres et des violences. Le préambule de l’Iliade décrit «la co-lère d’Achille», qui sera la cause d’un «deuil infini». Mais tout ce qui naît de la colère n’est pas mauvais. Les anciens savaient bien qu’il y a en nous une part d’irascibilité qui ne peut et ne doit pas être niée. Les passions sont, dans une certaine mesure, inconscientes: elles se produisent, ce sont des expériences de la vie. Nous ne sommes pas responsables de l’apparition de la colère, mais toujours de son développement. Et parfois, il est bon que la colère soit évacuée de la bonne manière. Si une personne ne se mettait jamais en colère, si elle ne s’indignait pas face une injustice, si elle ne ressentait pas un tourbillon en elle face à l’oppression d’une personne faible, cela signifierait que cette personne n’est pas humaine, et encore moins chrétienne.
Il existe une sainte indignation, qui n’est pas la colère mais un mouvement intérieur, une sainte indignation. Jésus l’a connue plusieurs fois dans sa vie (cf. Mc 3, 5): il n’a jamais répondu au mal par le mal, mais dans son âme il a ressenti ce sentiment et, dans le cas des marchands du Temple, il a accompli une action forte et prophétique, dictée non par la colère, mais par le zèle pour la maison du Seigneur (cf. Mt 21, 12-13). Il faut bien faire cette dis-tinction: une chose est le zèle, la sainte indignation, une autre chose est la colère, qui est mauvaise.
C’est à nous, avec l’aide de l’Esprit Saint, de trouver la juste mesure des passions; de bien les éduquer pour qu’elles s’orientent vers le bien, et non vers le mal. Merci.
A l’issue de l’audience générale, le Saint-Père a lancé l’appel suivant:
Demain sera célébrée en Italie la Journée nationale des victimes civiles de la guerre. Au souvenir dans la prière de tous ceux qui sont morts au cours des deux conflits mondiaux, associons également les nombreux — trop nombreux — civils, victimes innocentes des guerres qui ensanglantent malheureusement encore notre planète, comme cela a lieu au Moyen-Orient et en Ukraine. Que leur cri de douleur puisse toucher les cœurs des responsables des nations et susciter des projets de paix. Quand on lit les récits, ces jours-ci, de la guerre, il y a tant de cruauté, tant! Demandons au Seigneur la paix, qui est toujours douce, et jamais cruelle.
Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audience générale, se trouvaient les groupes francophones suivants:
De France: Collège La Rochefoucauld, de Paris; Centre Madeleine Daniélou, de Rueil-Malmaison; groupe scolaire Sévigné, de Com-piègne.
Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les jeunes provenant des établissements scolaires de France.
Frères et sœurs, apprenons à nous exercer à l’art de la réconciliation et du pardon afin de vaincre le vice de la colère et d’ouvrir des voies de paix dans nos relations quotidiennes.
Que Dieu vous bénisse!