· Cité du Vatican ·

Salut du doyen

Pour une diplomatie du dialogue

 Pour une diplomatie du dialogue  FRA-002
11 janvier 2024

Nous publions ci-dessous le salut adressé au Pape au début de l’audience par S.E. M. Georgios F. Poulides, ambassadeur de Chypre et doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège.

Très Saint-Père,

j’ai le très grand honneur de vous présenter, en tant que doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, nos meilleurs vœux de bonne santé et de poursuite fructueuse de votre mission apostolique.

Permettez-moi de commencer notre rencontre en adressant une pensée à toutes les personnes, femmes, enfants, personnes âgées qui, dans le monde entier, souffrent des guerres et des conflits. Certains diplomates ici présents représentent des pays se trouvant dans de graves situations. La troisième guerre mondiale par morceaux, que vous avez évoquée à plusieurs reprises ces dernières années, est une réalité de plus en plus évidente sous nos yeux consternés et pour nos mains impuissantes. A plusieurs reprises, vous nous avez appelés à être des artisans de paix au service des peuples et du bien commun, en dépassant nos particularismes et en travaillant à une diplomatie du dialogue capable de rechercher ce qui unit et de repousser ce qui divise. Je voudrais vous remercier, Saint-Père, de ne cesser de suggérer des voies et des actions pour résoudre les nombreux problèmes du monde contemporain, et de nous avertir avec clairvoyance des défis de demain auxquels nous devrions commencer à nous préparer.

Sainteté, avant d’autres, vous avez senti les vents des tempêtes actuelles et leur portée mondiale. Certains défis potentiels ont, au fil du temps, pris la forme de véritables crises humanitaires, climatiques, économiques et militaires, qui nécessitent des réponses communes et multilatérales, comme vous l’avez suggéré à maintes reprises. Je voudrais rappeler dans cette assemblée les mots que vous avez prononcés à l’occasion de votre voyage en Hongrie en avril dernier: «La paix ne viendra jamais de la poursuite d’intérêts stratégiques particuliers, mais de politiques capables de regarder l’ensemble, le développement de tous, attentives aux personnes, aux pauvres et à demain».

Sainteté, le monde dans sa globalité où nous vivons nous oblige aujourd’hui à réfléchir ensemble et nous invite à croire de nouveau aux valeurs de la diplomatie multilatérale. Les questions actuelles, telles que la crise climatique et certaines questions concernant l’avenir immédiat comme l’utilisation de l’intelligence artificielle, nécessitent des approches communes et de l’unité, car les conséquences sont globales.

A l’occasion de la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 2024, vous avez suggéré que «la recherche scientifique et technique doit être orientée vers la recherche de la paix et du bien commun, au service du développement intégral de l’homme et de la communauté». Très Saint-Père, vous êtes conscient des grandes possibilités, mais aussi des grands risques, du développement technologique. C’est pourquoi vous avez souligné qu’il appartient à la politique et aux organisations internationales de réglementer l’utilisation des nouveaux outils que l’intelligence humaine fait naître, en se concentrant sur les valeurs éthiques et sociales fondamentales.

Sainteté, depuis le début de votre pontificat, vous avez porté une attention particulière à la crise climatique qui se dessine. Huit ans après la publication de l’encyclique Laudato sì, face aux progrès trop lents de la Communauté internationale et à l’inten-sification des événements climatiques extrêmes, vous avez ressenti le besoin de réagir en publiant l’exhortation apostolique Laudate Deum, le 23 octobre 2023. La destruction de l’environnement, le changement climatique, les inondations et les incendies de plus en plus fréquents aux allures apocalyptiques, frappent l’ensemble de l’humanité. Mais ce sont les personnes les plus vulnérables qui en subissent le plus les conséquences. Pour reprendre vos paroles: «Il s’agit d’un problème social global, intimement lié à la dignité de la vie humaine». Il est donc nécessaire de «générer un modèle de diplomatie multilatérale [...] capable d’établir des règles universelles et efficaces pour garantir cette protection mondiale».

Cet appel a également été réitéré lors de la Conférence des parties des Nations unies, plus connue sous le nom de cop28, qui s’est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023: «Soyez les architectes d’une politique qui apporte des réponses concrètes et cohérentes [...] C’est à cela que sert le pouvoir, à servir».

Très Saint-Père, vous avez également lancé, au cours de votre voyage en Mongolie, une invitation à un effort collectif pour protéger notre maison commune. Vous nous avez invités à retrouver l’harmonie avec l’environnement. Les religions peuvent faire beaucoup pour atteindre l’objectif d’unir le progrès technique à la dimension spirituelle.

Sur le chemin que vous avez parcouru en tant que «pèlerin de la réconciliation et de la paix», vos voyages en Afrique, et en particulier en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, ne sauraient passer inaperçus. Sur le continent où est née l’humanité, sur cette terre diverse aux incroyables ressources de la biosphère et du sous-sol, il y a encore trop d’exploitation. C’est pourquoi, comme vous l’avez dit lors de la rencontre avec les Autorités à Kinshasa: «il faut une diplomatie de l’homme pour l’homme, des peuples pour les peuples, où au centre ne se trouve pas le contrôle des zones et des ressources, [...] mais des opportunités pour les peuples de se développer».

Nous vous avons suivi, Saint-Père, à Juba, au Soudan du Sud, où vous avez apporté un message œcuménique de paix et d’espérance. Vous adressant aux cœurs et aux esprits de ses habitants qui souffrent depuis des années des conséquences dévastatrices des retombées persistantes du conflit, vous les avez exhortés à «changer de rythme pour recommencer à naviguer dans des eaux calmes en reprenant le dialogue». Permettez-moi, Sainteté, d’adresser un vœu aux peuples de cette terre extraordinaire en empruntant vos paroles: «Que l'Afrique soit protagoniste de son destin».

En parcourant les traces que vous avez laissées sur les terres de notre planète et dans les champs spirituels de nos âmes, nous sommes obligés de nous rappeler combien de personnes perdent la vie lors les migrations, en fuyant les guerres et les conflits, en s’éloignant des terres arides et des centres urbains sans avenir, et combien d’entre elles, malheureusement, trouvent la mort en Méditerranée. Vous avez sans cesse exhorté par vos paroles la Communauté internationale, l’Europe en particulier, à revenir aux valeurs fondatrices de la pensée communautaire. A Marseille, à l’issue des travaux des Rencontres méditerranéennes, vous avez invité à une pensée ouverte qui s’oppose au «naufrage de civilisation» et qui permette à cette mer de ne pas être un cimetière ni une barrière, mais un «laboratoire de paix» et d’accueil.

Très Saint-Père, permettez-moi de conclure en rappelant la rencontre que vous avez eue avec les nouvelles générations, à Lisbonne, à l’occasion des 37e Journées mondiales de la jeunesse. Vous reconnaissez chez les jeunes une force et une énergie positives qui peuvent changer l’avenir de ce monde malade. Et il y en a un urgent besoin! Qui sont les principaux artisans de ce changement? Les jeunes du monde entier! Il faut instaurer un dialogue intergénérationnel qui ne fasse pas «table rase du passé» mais qui favorise «les liens entre les jeunes et les anciens». Ce n’est que de cette manière que l’on peut espérer susciter une bonne politique «qui corrige les déséquilibres économiques et investisse dans l’avenir avec prévoyance».

Très Saint-Père, je vous prie d’accepter nos vœux les plus fervents de bonne année et de bonne santé. Je voudrais vous remercier au nom de la famille diplomatique près le Saint-Siège, que je représente en tant que doyen, pour la force que vous nous avez donnée au cours de l’année écoulée et pour la confiance que, dans ce monde de souffrance qui est le nôtre, un avenir meilleur est possible.

Merci Très Saint-Père pour votre travail inlassable, espérance pour tant de peuples, tant d’hommes et de femmes.