«L'année prochaine, qui précède le Jubilé, sera consacrée à la prière. Toute une année dédiée à la prière»: telle est la proposition du Pape en préparation de l’Année Sainte de 2025. C'est ce qu'a dit François au cours de la célébration des premières vêpres de la solennité de Marie Très Sainte Mère de Dieu et du «Te Deum» d'action de grâce pour l'année 2023, présidée dans la basilique vaticane dans la soirée du dimanche 31 décembre. Voici l'homélie du Souverain Pontife.
La foi nous permet de vivre cette heure d'une manière différente de la mentalité mondaine. La foi en Jésus Christ, Dieu incarné, né de la Vierge Marie, donne une nouvelle façon de ressentir le temps et la vie. Je le résumerais en deux mots: gratitude et espérance.
Quelqu'un pourrait dire: «Mais n'est-ce pas ce que font tous les autres le dernier soir de l'année? Tout le monde remercie, tout le monde espère, croyants ou non croyants». Il peut sembler que c'est le cas, et j'espère que c'est le cas! Mais, en réalité, la gratitude mondaine, l'espérance mondaine sont apparentes; elles manquent de la dimension essentielle qui est celle de la relation avec l'Autre et avec les autres, avec Dieu et avec les frères. Elles sont centrées sur le moi, sur ses intérêts, et donc elles sont essoufflées, elles ne vont pas au-delà de la satisfaction et de l'optimisme.
En revanche, dans cette liturgie, on respire une toute autre atmosphère: celle de la louange, de l'émerveillement, de la reconnaissance. Et cela se produit non pas en raison de la majesté de la Basilique, non pas à cause des lumières et des chants — ce ne sont que des conséquences —, mais à cause du Mystère qu'exprime l'antienne du premier psaume: «Admirable échange! Le Créateur a pris une âme et un corps, il est né d'une vierge; [...] il nous donne sa divinité». Quel admirable échange!
La liturgie nous fait entrer dans les sentiments de l'Eglise; et l'Eglise, pour ainsi dire, les apprend de la Vierge Mère.
Pensons à la gratitude dans le cœur de Marie alors qu'elle regardait Jésus nouveau-né. C'est une expérience que seule une mère peut faire, et qui pourtant en elle, la Mère de Dieu, a une profondeur unique, incomparable. Marie sait, elle seule avec Joseph, d'où vient cet enfant. Et pourtant il est là, il respire, il pleure, il a besoin de manger, d'être couvert, soigné. Le Mystère laisse place à la gratitude, qui affleure dans la contemplation du don, dans la gratuité, tandis qu'elle étouffe dans l'anxiété de l'avoir et du paraître.
L'Eglise apprend de la Vierge Mère la gratitude. Et elle apprend aussi l'espérance. On pense que Dieu l'a choisie, Marie de Nazareth, parce qu'en son cœur il a vu refléter son propre espoir. Celui-là même qu'il avait infusé en elle par son Esprit. Marie est depuis toujours comblée d'amour, comblée de grâce, et c’est pourquoi elle est aussi comblée de confiance et d’espérance.
L’espérance de Marie et de l'Eglise n'est pas de l'optimisme, c'est autre chose: c'est la foi en le Dieu fidèle à ses promesses (cf. Lc 1, 55); et cette foi prend la forme de l'espérance dans la dimension du temps, on pourrait dire «en chemin». Le chrétien, comme Marie, est un pèlerin d'espérance. Et ce sera précisément le thème du Jubilé de 2025: «Pèlerins d’espérance».
Chers frères et sœurs, nous pouvons nous demander: Rome se prépare-t-elle à devenir lors de l'Année Sainte «ville d’espérance»? Nous savons tous qu’une organisation du Jubilé est en cours depuis longtemps. Mais comprenons bien qu'ici il ne s'agit pas principalement de cela; il s'agit plutôt du témoignage de la communauté ecclésiale et civile; d’un témoignage qui, plutôt que dans les événements, consiste dans le style de vie, la qualité éthique et spirituelle de la coexistence. Alors la question peut être formulée ainsi: travaillons-nous, chacun dans notre domaine, pour que cette ville soit un signe d'espérance pour ceux qui y vivent et pour tous ceux qui la visitent?
Un exemple. Entrer sur la place Saint-Pierre et voir que, dans l’étreinte de la colonnade, se promènent librement et sereinement des personnes de toutes nationalités, cultures et religions, est une expérience qui inspire l'espoir; mais il est important que cela soit confirmé par un bon accueil lors de la visite à la basilique, ainsi que par les services d'information. Un autre exemple: le charme du centre historique de Rome est éternel et universel; mais il faut aussi que les personnes âgées ou ayant une certaine déficience motrice puissent en profiter; et il faut que face à la «grande beauté» corresponde la simple décence et la fonctionnalité normale dans les lieux et les situations de la vie ordinaire, de tous les jours. Parce qu'une ville plus vivable pour ses citoyens est aussi plus accueillante pour tous.
Chers frères et sœurs, un pèlerinage, surtout s'il est exigeant, nécessite une bonne préparation. C'est pourquoi l'année prochaine, qui précède le Jubilé, sera consacrée à la prière. Toute une année dédiée à la prière. Et quelle meilleure maîtresse pourrions-nous avoir que notre Sainte Mère? Mettons-nous à son école: apprenons d'elle à vivre chaque jour, chaque moment, chaque occupation le regard intérieur tourné vers Jésus. Joies et peines, satisfactions et problèmes. Tout en la présence et avec la grâce de Jésus, le Seigneur. Tout avec gratitude et espérance.