Face à la demande de bénédiction de deux personnes, même si leur condition de couple est «irrégulière», il sera possible au ministre ordonné d'y consentir. Mais sans que ce geste de proximité pastorale ne contienne des éléments s'apparentant de près ou de loin à un rite de mariage. C'est ce qu'affirme la déclaration «Fiducia supplicans» sur le sens pastoral des bénédictions, publiée par le dicastère pour la doctrine de la foi et approuvée par le Pape. Un document qui approfondit le thème de la bénédiction, en distinguant les bénédictions rituelles et liturgiques des bénédictions spontanées, qui s'apparentent davantage à des gestes de dévotion populaire: c'est précisément dans cette deuxième catégorie qu’est envisagée dorénavant la possibilité d'accueillir également les couples qui ne vivent pas selon les normes de la doctrine morale chrétienne, mais qui demandent humblement à être bénis. Cela fait 23 ans que l'ancien Saint-Office n'avait plus publié de déclaration (la dernière datant de 2000, «Dominus Jesus»), un document d'une grande valeur doctrinale.
«Fiducia supplicans» débute par une introduction du préfet, le cardinal Victor Fernandez, qui explique que la déclaration approfondit la «signification pastorale des bénédictions», permettant «d'en élargir et d'en enrichir la compréhension classique» à travers une ré-flexion théologique «fondée sur la vision pastorale du Pape François». Une réflexion qui «implique un réel développement par rapport à ce qui a été dit sur les bénédictions» jusqu'à présent, incluant la possibilité «de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l'enseignement pérenne de l'Eglise sur le mariage».
Après les premiers paragraphes, qui rappellent un précédent document de 2021, aujourd'hui approfondi et dépassé, la déclaration présente la bénédiction dans le sacrement du mariage en déclarant «inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage» et «ce qui le contredit», afin d'éviter de reconnaître de quelque manière que ce soit «comme mariage ce qui n’en est pas un». Elle rappelle que, selon la «doctrine catholique pérenne», seules les relations sexuelles dans le cadre du mariage entre un homme et une femme sont considérées comme licites.
Un deuxième chapitre détaillé du document analyse la signification des différentes bénédictions, qui ont pour destination des personnes, des objets de dévotion, des lieux de vie. Il rappelle que «d'un point de vue strictement liturgique», la bénédiction exige que ce qui est béni «soit conforme à la volonté de Dieu exprimée dans les enseignements de l'Eglise». Lorsque, par un rite liturgique spécifique, «une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines», il est nécessaire que «ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création». En conséquence, l'Eglise n'a pas le pouvoir de conférer une bénédiction liturgique aux couples irréguliers ou de même sexe. Mais il faut éviter le risque de réduire le sens des bénédictions à ce seul point de vue, en prétendant pour une simple bénédiction «les mêmes conditions morales que celles qui sont exigées pour la réception des sacrements».
Après avoir analysé les bénédictions dans l'Ecriture, la déclaration propose une compréhension théologico-pastorale. Le demandeur d’une bénédiction «montre qu'il a besoin de la présence salvifique de Dieu dans son histoire», parce qu'il exprime «d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux». Cette demande doit être accueillie et valorisée «en dehors d’un cadre liturgique», quand on se trouve «dans un domaine de plus grande spontanéité et liberté». Dans la perspective de la piété populaire, «les bénédictions doivent être évaluées comme des actes de dévotion». Pour les conférer, il n'est donc pas nécessaire d'exiger une «perfection morale préalable».
Cette distinction approfondie, sur la base de la réponse du Pape François aux dubia des cardinaux publiés en octobre dernier qui invitait au discernement sur la possibilité de «formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage», le document affirme que ce type de bénédictions «sont offertes à tous, sans rien demander», afin de «faire sentir à ces personnes qu'elles restent bénies malgré leurs graves erreurs», et «que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu'elles s'ouvrent finalement au bien».
Il existe «de nombreuses occasions où les personnes viennent spontanément demander une bénédiction, que ce soit lors de pèlerinages, dans des sanc-tuaires, ou même dans la rue lors-qu'elles rencontrent un prêtre», et de telles bénédictions «s'adressent à tous, personne ne doit en être exclu». Par con-séquent, tout en s'interdisant d'activer des «procédures ou des règles» dans ces circonstances, le ministre ordonné peut s'associer à la prière des personnes qui, «bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d'amour et de vérité».
Le troisième chapitre de la Déclaration ouvre donc à la possibilité de ces bénédictions, qui représentent un geste envers ceux qui se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l'Esprit Saint». De telles bénédictions ne doivent pas être standardisées, mais confiées au «discernement pratique face à une situation particulière». Si c’est le couple qui est béni, et non l'union, la déclaration inclut dans ce qui est béni les relations légitimes entre les deux personnes: dans la «courte prière qui peut précéder cette bénédiction spontanée, le ministre ordonné pourrait demander pour eux la paix, la santé, un esprit de patience, de dialogue et d'entraide, mais aussi la lumière et la force de Dieu pour pouvoir accomplir pleinement sa volonté». Il est également précisé que pour éviter «toute forme de confusion et de scandale», lors-qu'un couple irrégulier ou de même -sexe demande une bénédiction, celle-ci «ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d'union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage». Ce type de bénédiction «peut en revanche trouver sa place dans d'autres contextes, comme la visite d'un sanctuaire, la rencontre avec un prêtre, une prière récitée en groupe ou lors d'un pèlerinage».
Enfin, le quatrième chapitre rappelle que «même lorsque la relation avec Dieu est obscurcie par le péché, il est toujours possible de demander une bénédiction, en lui tendant la main» et la désirer «peut être le bien possible dans certaines situations».