«J'ai l'honneur de vous transmettre le message envoyé pour l'occasion par Sa Sainteté le Pape François»: c'est ainsi que le cardinal-secrétaire d'Etat, Pietro Parolin, a introduit le texte pontifical adressé aux participants au deuxième «Forum mondial sur les réfugiés», qui s’est tenu à Genève du 13 au 15 décembre.
Distingué Haut-Commissaire, Mesdames et Messieurs
les co-organisateurs et
co-responsables, chers participants,
Je vous adresse mes cordiales salutations à tous, et vous souhaite un plein succès dans cette importante réunion, qui nous permet de faire une pause et de réfléchir au chemin parcouru quatre ans après le premier Forum mondial sur les réfugiés.
Tout d’abord, le simple fait que nous soyons réunis ici aujourd’hui montre notre engagement clair à résoudre la détresse des réfugiés en tant que responsabilité commune. C’est un signe d’espoir qui s’ajoute aux nombreux signes positifs que je rencontre chaque jour: des pays et des communautés d’accueil qui ont gardé leurs frontières et leurs cœurs ouverts pour accueillir les réfugiés; les mains tendues de ceux qui sauvent des vies en mer, dont beaucoup offrent la solidarité dans les centres d’accueil; les yeux pleins de vie et d’espoir des migrants qui veulent changer leur vie et contribuer aux sociétés vers lesquelles ils émigrent; et chacun de nous qui considère encore la coopération comme la solution clé aux problèmes mondiaux.
Avant de discuter des défis des réfugiés, nous ne devrions jamais oublier que chacun devrait être libre de choisir s’il veut migrer ou non. Tous devraient avoir l’opportunité de vivre une vie digne dans son propre pays (cf. Pape François, Message pour la 109e Journée mondiale des migrants et des réfugiés, 24 septembre 2023).
Malheureusement, «l’histoire est en train de donner des signes de recul» (Lett. ency. Fratelli tutti, n. 11). Aujourd’hui, près de 114 millions de personnes sont déplacées de force, beaucoup à l’intérieur de leur propre pays, en raison de conflits, de violences et de persécutions, y compris sur la base de croyances religieuses, ainsi que des effets du changement climatique. Ces facteurs sont devenus de plus en plus complexes, et pourtant, nos réponses n’ont pas traité de façon adéquate ces défis émergents et pressants. En conséquence, nous continuons à pleurer les innombrables vies perdues sur la terre et en mer alors que ces personnes cherchaient une protection ou fuyaient un avenir sans espoir.
Protéger et sauver des vies humaines doivent rester notre priorité absolue. Aujourd’hui, nous sommes submergés par une abondance de nouvelles et de statistiques, et nous oublions souvent que derrière ces chiffres se trouvent des visages humains, chacun avec sa propre histoire et sa propre souffrance. Chaque chiffre représente l’un de nos frères et sœurs qui a besoin d’aide.
Par conséquent, le principe du retour volontaire et sûr de ceux qui sont forcés de fuir doit être strictement respecté. Personne ne devrait être rapatrié dans un pays où il pourrait être confronté à de graves violations des droits de l’homme ou même à la mort. A l’inverse, «nous sommes tous appelés à créer des communautés prêtes et ouvertes pour accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes» (Angelus, 24 septembre 2023).
A cette fin, nous devons accepter qu’être un réfugié ne devrait pas être une simple attribution d'un statut, mais une reconnaissance de la pleine dignité humaine donnée par Dieu. En tant que membres de la même famille humaine, chaque individu mérite un lieu qu’il peut appeler sa maison. Cela signifie disposer de nourriture, avoir un accès aux soins de santé et à l'éducation, et un travail décent. Mais cela signifie également avoir une place où vous êtes compris et inclus, aimé et soigné, où l’on peut participer et contribuer. Les réfugiés sont des personnes avec des droits et des devoirs, et pas seulement des objets d'assistance. Peut-être ne peuvent-ils pas toujours choisir quand migrer, mais lorsque les circonstances l'imposent, il ne faut pas leur refuser un nouveau départ, où leurs talents et leurs compétences deviennent une ressource pour les communautés d'accueil. Ce n’est qu’en incluant les réfugiés dans une partie de la solution que ceux-ci peuvent s’épanouir en tant qu’êtres humains et semer leurs graines dans le lieu où ils vivent.
Reconnaissant les progrès accomplis et le travail qui reste à faire, nous nous trouvons à un moment crucial, celui de choisir «soit la culture de l'humanité et de la fraternité, soit la culture de l'indifférence» («Rencontres méditerranéennes», 22 septembre 2023). La décision est vitale, car «l’histoire nous met au défi de faire un saut de conscience pour empêcher le naufrage de la civilisation». (cf. ibid). Puisse ce Forum mondial établir un exemple d’un multilatéralisme qui soit important pour notre époque.
J’espère donc sincèrement que ce Forum s’efforcera de raviver à la fois «l’esprit» et «la vision» de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, tout en saisissant l’occasion de réaffirmer les principes de fraternité, de solidarité et de non-refoulement à travers une plus grande co-opération internationale et un partage des responsabilités, allégeant ainsi la pression sur les pays d’accueil de réfugiés.
Ayant présent à l’esprit et dans le cœur que nous sommes tous respon-sables les uns des autres, j’invoque la bénédiction de Dieu sur tous les participants au deuxième Forum mondial sur les réfugiés, sur les Etats et les organisations présents aujourd’hui, et sur tous les réfugiés et leurs familles.
François