«Que le travail redevienne un chantier d'espérance, un chantier de rêves! Vous êtes ensemble pour consolider un projet, dont le nom me plaît beaucoup: “Le chantier: Générons du travail”». C'est ce qu'a écrit le Pape dans un message envoyé aux jeunes participants à la deuxième édition du «LaborDì», promue le 13 décembre, par les Associations chrétiennes des travailleurs italiens (Acli) de Rome.
Chers amis!
Je suis heureux de partager quelques mots avec vous sur le thème du travail. J'ai essayé d'imaginer comment vous, les jeunes de notre ville, vous placez face au monde du travail, quelles espérances et quelles craintes vous nourrissez. Une image m'est venue à l'esprit, celle d'un grand chantier: il y en a beaucoup en ce moment à Rome! C'est une image qui révèle deux aspects opposés: d'une part, un chantier, lorsqu'il n'y a personne pour y travailler, donne à celui qui le regarde un sentiment de vide; d'autre part, lorsqu'il est actif, il montre la course effrénée de nombreuses personnes impliquées. Voilà, c’est ainsi que je vois le travail aujourd'hui: comme un beau chantier ouvert pour construire l'avenir, à l'intérieur duquel, cependant, on respire, d'une part, un sentiment de vide et d'autre part, une surcharge de stress donnée par des courses frénétiques.
Un sentiment de vide: le mot «travail» évoque souvent, malheureusement, son absence aujourd'hui, et cela représente une grave blessure à la dignité de nombreuses personnes. Mais la dignité est également blessée lorsque le travail n'est pas suffisamment stable et compromet les projets et les choix de vie, comme la création d'une famille et le désir d'enfants. Ce «vide de travail» est comme un terrain qui s'effondre sous les pieds, forçant à marcher en équilibre précaire: n'est-ce pas le cas, entre les stages, les emplois occasionnels et intérimaires? Et encore: comment entrer dignement dans le «chantier» du travail, si avant même cela, pendant les années d'études et de spécialisation, on est contraint de se battre pour avoir droit à un toit sous lequel dormir? Face à ce sentiment de vide, beaucoup, découragés et démotivés, abandonnent et vont ailleurs, mais cela, en plus de provoquer de l'amertume, constitue une défaite, car les ressources ne manquent pas et doivent être employées pour réaliser des rêves concrets, comme celui d'un emploi stable et durable, d'une famille à fonder, de temps à consacrer gratuitement aux autres dans le bénévolat. Il faut surtout lutter contre la perception de vide qui s'insinue dans le cœur de nombreux jeunes qui, au fil du temps, voient grandir l'impression de n’arriver nulle part et héritent de nous, adultes, d’un message nocif: qu’il n’y a rien de stable dans la vie. Des contrats à durée déterminée, des emplois tellement courts qu’ils empêchent de projeter sa vie, de bas revenus et de faibles protections semblent être les murs d’un labyrinthe dont on n’arrive pas à trouver la sortie. Chers jeunes, il faut comme le pain quelqu'un qui vous prenne par la main et vous aide à vaincre cette précarité et ce sentiment de vide, en vous faisant sortir des sables mouvants de l'insécurité: c'est pourquoi je voudrais vous dire que votre initiative me tient à cœur!
Elle peut vous aider à réfléchir également à l'extrême opposé au sentiment de vide: cette course effrénée présente aujourd'hui sur le «chantier» du travail, où le temps semble toujours manquer et où les impératifs de productivité deviennent de plus en plus exigeants et envahissants. Si je vous parlais auparavant de «travail qui manque», il s'agit ici de «travail qui écrase»: pression constante, ryth-mes forcés, stress provoquant anxiété, espace relationnel de plus en plus sacrifié au nom du profit à tout prix. C'est le travail «marchandisé», qui augmente dans notre contexte, dominé par un marché qui devient toujours plus accéléré et complexe pour être compétitif. Avec certaines pers-pectives sombres en embuscade: celle de l'illégalité, voie de fuite face à la responsabilité vers le travail au noir, qui finit par rendre la conscience de la même couleur; celle d'un travail déshumanisé, où les technologies modernes, comme l'intelligence artificielle et la robotique, menacent de remplacer la présence de l'homme; celle, enfin, de plus en plus scandaleuse et préoccupante, du manque de sécurité au travail, effet de la course effrénée à produire plus à tout prix. Combien y a-t-il encore de victimes sur le lieu de travail!
Chers amis, même si le «chantier» du travail présente aujourd'hui ces situations, je voudrais vous inviter à ne pas perdre espoir, car le travail conserve toujours en lui une vocation unique et irremplaçable, celle de l'espérance. L'espérance, en effet, n'est pas optimisme dépendant des circonstances, mais confiance qui s’engendre à travers la construction engagée et participative au bien commun. Le travail est donc protagoniste d’espérance, il est la voie maîtresse pour se sentir actif dans le bien en tant que serviteur de la communauté, car s'occuper des autres est le meilleur moyen de ne pas se préoccuper de choses inutiles. Que le travail redevienne un chantier d'espérance, un chantier de rêves! Vous êtes ensemble pour consolider un projet, dont le nom me plaît beaucoup: «Le chantier: Générons du travail». Générer est le verbe de la vie et il est beau que le travail soit, avant d’être productif, générateur: en effet, il n’est pas un accessoire, mais une composante essentielle de l’existence, car il confère dignité et espérance.
Votre rencontre se propose cette vision générative, en vous motivant et en vous faisant réfléchir, mais aussi en promouvant des accompagnements concrets, pour vous aider à comprendre le cadre de l'emploi sur le territoire et à en saisir les opportunités, pour vous permettre d’acquérir des compétences et des outils afin d’entrer dans le domaine professionnel avec plus de compétences. J’apprécie, en particulier, un aspect: la volonté de créer un tissu stable ou, comme vous dites, d'établir des connexions durables: en effet, «LaborDì» implique l'Eglise, le monde de l'éducation, les institutions, le secteur tertiaire, les syndicats, les associations, les entrepreneurs et les entreprises, qui ont besoin de saisir la richesse des jeunes et de leurs rêves. Comme il est important de penser et de projeter ensemble le travail, sans confrontation idéologique ni isolement stérile: ce n’est pas la logique des groupes de supporters, mais celle de la collaboration qui portera ses fruits. Ce sera le cas si l’on regarde les personnes concrètes, et non les intérêts partisans. Cette approche commune est aujourd'hui la seule capable de traiter pleinement les grandes questions italiennes, comme la crise de la natalité, la question environnementale et, précisément, le travail.
Tous mes vœux, donc, pour cette journée! Qu’elle ouvre des chantiers d'espérance, qui vous permettront à vous et à beaucoup d'autres jeunes d'embrasser la beauté d'un travail digne. Je suis avec vous et je vous bénis de tout cœur.
Rome, de Saint-Jean-de-Latran,
le 1er décembre 2023
François