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Le Pape s’est adressé dans un message vidéo à l’archiéparchie d’Ernakulam-Angamali des syro-malabars

Sans communion
il n’y a pas d’Eglise

 Sans communion il n’y a pas d’Eglise  FRA-050
14 décembre 2023

Mettre fin aux luttes, aux oppositions et même à la violence, qui a éclaté plus d'une fois, éviter de devenir une «secte» et ne pas forcer le Pape à en arriver à des «sanc-tions». Par un message vidéo au ton ferme adressé à l'archiéparchie d'Ernakulam-Angamaly, dans lequel beau-coup rejettent la forme liturgique établie par le synode syro-malabar, le Pape François intervient sur la division qui sévit au sein de cette Eglise de rite oriental, la plus grande de l'Inde, «source de joie et de fierté pour l'Eglise universelle», mais déchirée intérieurement par une dispute qui semble porter sur la direction dans laquelle les prêtres célèbrent la Messe, c'est-à-dire face à la communauté ou face à l'autel. François indique clairement que les vraies raisons sont autres.

«Je sais qu'il y a des raisons d'opposition qui n'ont rien à voir avec la célébration de l'Eucharistie ou même avec la liturgie. Ce sont des raisons mondaines. Elles ne viennent pas de l'Esprit Saint. Si elles ne viennent pas de l'Esprit Saint, elles viennent d'ailleurs» déclare le Saint-Père.

La discussion continue depuis des décennies dans cette ancienne Eglise orientale — la deuxième plus grande Eglise unie à Rome après l'Eglise ukrainienne —, depuis qu'avec la latinisation progressive, la liturgie s'est rapprochée de la liturgie occidentale et que le rite syriaque oriental d'origine (face à l'autel) a été en partie remplacé par un rite tourné vers la communauté. En 1934, le Pape Pie xi a appelé à un retour à l'ancien rite, abandonné depuis des siècles; dans les années 1980, de nouveaux textes pour le «saint Qurbana», la Messe de rite syro-malabare, ont été publiés. Et depuis, des problèmes sont apparus.

Le synode de l'Eglise majeure archidiocésaine syro-malabare, célébré en 2021, a recherché une solution de compromis selon laquelle la première partie de l'office, c'est-à-dire la liturgie de la parole, et la partie finale sont célébrées par le prêtre face au peuple, tandis que la partie centrale, la liturgie eucharistique, est célébrée par le prêtre face à l'est, en regardant vers l'autel. La décision du synode a été approuvée par le Saint-Siège, mais n'a pas été acceptée par tous. Le 28 novembre 2021, date choisie pour la mise en œuvre du «Saint Qurbana», 34 éparchies ont décidé d'appliquer la décision du synode, tandis que dans l'archiéparchie d'Ernakulam-Angamaly, de nombreux prêtres et fidèles ont continué d’affirmer leur propre «particularité liturgique», le célébrant faisant toujours face à l'assemblée, contrairement au reste de l'Eglise syro-malabare.

La diatribe a atteint un tel degré d'exaspération que l'archevêque Cyril Vasil', envoyé par le Pape en août dernier pour «résoudre la situation» dans l'archiéparchie, «en veillant à l'application de la réforme liturgique» approuvée par le synode, a été victime d'actes d'agression. A la demande du Saint-Père il est reparti en Inde le 12 décembre.

Dans son message vidéo, le Pape François lance un appel sincère à ceux qui se rebellent contre les décisions du synode: «S’il vous plaît, ne continuez pas à blesser le Corps du Christ! Ne vous en séparez plus! Et même s'il y a eu des torts contre vous, pardonnez-les généreusement», demande François.

François lui-même reconnaît que la manière de communiquer avec les fidèles syro-malabares, par le biais d'un message vidéo, est «un peu inhabituelle», mais l'objectif — dit-il — est que «personne n'ait de doutes sur ce que pense le Pape». Dans le passé, le Souverain Pontife s'était déjà adressé à l'Eglise syro-malabare par le biais de deux lettres: l'une, en juillet 2021, adressée aux évêques, aux prêtres, aux religieux et aux laïcs, dans laquelle François les exhortait à «marcher ensemble avec le peuple de Dieu parce que l'unité surmonte tous les conflits»; l'autre, en avril 2022, envoyée à l'archiéparchie d'Ernakulam-Angamaly, dans laquelle il réitérait l'invitation à adhérer aux décisions du synode de l'Eglise syro-malabare sur la forme de la célébration du «Qurbana».

Les lettres ne semblent pas avoir eu l'effet escompté, comme le constate le Pape lui-même: «Je vous ai déjà écrit plusieurs fois dans le passé, mais je sais que tout le monde n'a pas lu mes lettres», dit-il dans la vidéo où il demande, entre autres, d'obéir aux décisions du synode, de ne pas suivre ceux — y compris les prêtres — qui encouragent la dissidence et de faire quelques «sacrifices» pour préserver la communion, sans laquelle — dit-il — «il n'y a pas d'Eglise» et il y a le risque de se transformer en «secte».

«Soyez prudents!, insiste François, soyez prudents, de peur que le diable ne vous incite à devenir une secte. Vous êtes l'Eglise, ne devenez pas une secte. Ne forcez pas l'autorité ecclésiastique compétente à prendre acte que vous avez quitté l'Eglise, parce que vous n'êtes plus en communion avec vos pasteurs et avec le Successeur de l'apôtre Pierre, appelé à confirmer tous les frères et sœurs dans la foi et à les préserver dans l'unité de l'Eglise». «C'est donc avec une grande tristesse qu'il faudra prendre les sanctions qui s'imposent. Je ne veux pas en arriver là», avertit le Pape.

Le Saint-Père s'attarde ensuite sur la décision du synode qui, «après un travail long et laborieux, a trouvé un accord sur la manière de célébrer le Saint Qurbana. La charité et l'amour de la communion ont poussé ses membres à faire ce pas, même si certains d'entre eux ne considèrent pas cette forme de célébration comme idéale». «Je sais», explique François, «que depuis des années, certains, qui devraient être des exemples et de vrais maîtres de communion, en particulier les prêtres, vous poussent à désobéir et à vous opposer aux décisions du synode. Frères et sœurs, ne les suivez pas!». Le Pape rappelle avec tristesse que des violences ont eu lieu «surtout contre ceux qui veulent rester en communion» et célébrer comme le synode l'a décidé.

«Comment peut-elle être l'Eucharistie si la communion est rompue, si le Saint-Sacrement n'est pas respecté, si l'on se bat?», s’interroge François, s’adressant ensuite directement au peuple fidèle de Dieu, au clergé, aux religieux et religieuses, et surtout aux «chers fidèles laïcs» qui, dit-il, ont tant de foi dans le Seigneur et aiment l'Eglise. «Au nom du Seigneur, pour le bien spirituel de votre Eglise, de notre Eglise, je vous demande de recomposer cette rupture. C'est votre Eglise, c'est notre Eglise. Rétablissez la communion, restez dans l'Eglise catholique!», dit le Pape.

L'Evêque de Rome demande aux prêtres de ne pas se séparer du chemin de leur Eglise, mais de marcher ensemble avec leurs évêques: «Acceptez de mettre en pratique ce que votre synode a établi? Ne voyez-vous pas qu'ainsi l'Eglise se bloque et que tant de bonnes initiatives ne peuvent plus s'exercer au service du saint peuple de Dieu, au service de la sanctification du peuple de Dieu?», fait-il remarquer.

Dans la perspective de Noël, François souhaite que l'archidiocèse «accepte humblement et fidèlement de rattraper» le reste de l'Eglise, en respectant toutes les orientations du synode. L'indication est claire: «Pour le prochain Noël, donc, dans l'archi-éparchie d'Ernakulam-Angamaly, comme dans toute l'Eglise syro-malabare, le Qurbana sera célébré en communion, en suivant les indications du synode». Alors, dit le Pape, «ce sera Noël pour tout votre peuple, pour tout le monde».

D'où une dernière recommandation, citant saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens: «Que l'Eucharistie soit le modèle de votre unité. Ne brisez pas le Corps du Christ qu'est l'Eglise, pour ne pas manger et boire votre condamnation».

Salvatore Cernuzio