Le secrétaire d'Etat du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, a ouvert les travaux de la délégation vaticane à la cop 28 à -Dubaï au nom du Pape François, travaux qui se tiendront jusqu’au 12 décembre prochain. A la veille de son départ il avait partagé avec les médias du Vatican les préoccupations et les espérances du Pape face à la crise climatique, aux guerres et aux divisions qui déchirent la planète. Concernant les crises au Proche-Orient et la guerre entre la Russie et l'Ukraine, il a réitéré l'engagement constant du Saint-Siège en faveur de la paix.
Quelles sont les attentes et les espérances de François pour la cop 28?
La transition énergétique peut être déclinée de différentes manières, en commençant par la réduction progressive et rapide des combustibles fossiles par une plus grande utilisation des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, ainsi que par un plus grand engagement en faveur de l'éducation à l'écologie intégrale.
Il est bon de rappeler ce que le Saint-Père et le Saint-Siège ont souvent répété: les moyens économiques et techniques pour lutter contre la crise climatique sont nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants; il est indispensable qu'ils soient accompagnés d'un processus éducatif qui influence les changements dans les styles de vie, les moyens de production et de consommation visant à promouvoir un modèle renouvelé de développement humain intégral et de durabilité basé sur l'attention, la fraternité, la coopération entre les êtres humains et le renforcement de l'alliance entre les êtres humains et l'environnement.
Le Pape a rappelé qu'après la conférence de Paris en 2015, il y a eu un déclin, un désintérêt. Vous avez suivi ces événements de près. Le monde se rend-il compte des dangers?
La crise climatique est complexe, mais il s'agit d'un «problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine» (Laudate Deum, n. 4). Depuis 2015, il y a eu une série de crises, il suffit de penser à la Covid ou aux problèmes humanitaires persistants qui imprègnent notre société. Les conflits en Ukraine et dans la zone israélo-palestinienne ne sont que deux exemples frappants de la manière dont des conflits localisés ont non seulement un impact inacceptable et dévastateur sur les populations civiles locales, mais aussi de profondes répercussions économiques et sociales à l'échelle mondiale. Ces crises risquent de détourner l'attention de la communauté internationale de la question du climat.
Lors de la cop26 à Glasgow, le Saint-Père a envoyé un message dans lequel il indiquait que «les blessures infligées à l'humanité [...] par le phénomène du changement climatique sont comparables à celles qui résultent d'un conflit mondial». Le véritable ennemi à combattre, ce sont les comportements irresponsables qui ont des répercussions sur toutes les composantes de notre humanité d'aujourd'hui et de demain. La réponse doit être rapide et cohérente.
La cop 28 se déroule aux Emirats arabes unis, alors que le conflit entre Israël et le Hamas se poursuit. Quel est le point de vue du Saint-Siège sur cette situation?
L'attaque terroriste perpétrée le 7 octobre par le Hamas et d'autres organisations palestiniennes contre la population d'Israël a causé une blessure grave et profonde aux Israéliens et à nous tous. La sécurité de cette population a été gravement compromise de manière brutale et incroyablement rapide. Le Saint-Père l'a dit dès le début: «Le terrorisme et l'extrémisme n'aident pas à trouver une solution au conflit entre Israéliens et Palestiniens, mais alimentent la haine, la violence, la vengeance, et ne font que faire souffrir les uns et les autres» (Audience générale, 11 octobre 2023).
Et en effet, le processus de paix israélo-palestinien, qui souffrait déjà de ralentissements et de stagnations, est devenu encore plus complexe. D'autre part, peut-être était-ce le but des terroristes, puisque, comme ils l'ont toujours déclaré, les miliciens du Hamas n'ont pas de paix avec Israël à l'horizon, plus encore — de manière irresponsable — ils voudraient sa disparition. Cela ne correspond pas à la volonté que l'Autorité de l'Etat de Palestine, en particulier le président Mahmoud Abbas, nous a toujours assurée, c'est-à-dire de vouloir un dialogue avec l'Etat d'Israël pour une pleine réalisation de la solution à deux Etats, promue depuis tant d'années par le Saint-Siège avec un statut spécial pour la Ville sainte de Jérusalem.
Je crois qu'il faut vraiment saluer les efforts de dialogue déployés par l'Egypte et le Qatar, ainsi que les Etats-Unis d'Amérique, et la volonté du gouvernement israélien de trouver une solution pour tous les otages le plus rapidement possible. Je suis vraiment heureux de voir que ces personnes peuvent retrouver leur famille. Je prie également pour les autres familles qui ne peuvent toujours pas embrasser leurs proches, toujours détenus à Gaza, et je compatis à leur angoisse. Nous espérons qu'ils seront tous libérés rapidement.
Dans le même temps, la situation humanitaire dans la bande de Gaza préoccupe vivement le Saint-Siège. Des milliers de victimes, nous parlons de plus de 15.000 personnes, blessées ou disparues. Il semble qu'il n'y ait aucun endroit sûr, même les écoles, les hôpitaux et les lieux de culte ne sont pas utilisés à bon escient et deviennent des lieux de combat. Plus d'un million de personnes sont sans abri, obligées de se déplacer vers le sud de cette petite bande de terre palestinienne.
Comme l'a déjà dit le Saint-Père, ce conflit, qui touche la Terre Sainte, touche le cœur et les émotions de chacun. On ressent très fortement la colère de tant de personnes pour ce qui s'est passé le 7 octobre en Israël, mais aussi pour ce qui se passe à Gaza, et maintenant pour les terribles conséquences que ce conflit produit dans les sociétés de certains pays. Je pense en particulier au nombre croissant d'actes d'antisémitisme dans de nombreux pays. Comme le Saint-Père l'a dit à maintes reprises et avec une grande détermination: l'antisémitisme est un déni des origines, une contradiction absolue, car un chrétien ne peut pas être antisémite. Nos racines sont communes. Ce serait une contradiction de foi et de vie. Et pas seulement pour les chrétiens: pour tous, défendre la liberté des autres de professer leur foi est un acte humain, alors que l'outrager est inhumain, comme cela s'est produit dans la période honteuse de la Shoah.
Le Saint-Siège continue également de suivre de près la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Comment le travail de la diplomatie vaticane se poursuit-il dans ce contexte?
L'engagement du Saint-Siège reste inchangé et continue de se concentrer sur les questions humanitaires, en particulier le rapatriement des mineurs ukrainiens. Les différents échanges d'informations entre les parties ukrainienne et russe, par l'intermédiaire des nonciatures apostoliques présentes dans les deux pays, ont permis de retrouver des dizaines d'enfants. Le mécanisme mis en place à la suite de la mission du cardinal Zuppi est en train d'être affiné, ce qui promet de meilleurs résultats. Nous espérons que cet effort ouvrira la voie au dialogue sur d'autres questions également.
Eminence, vaut-il encore la peine d'espérer en ces temps complexes, déchirés par les guerres, les violences et les privations?
Face aux tragédies qui continuent d'affliger l'humanité, nous nous sentons tous perdants et sommes tentés de céder au désespoir et au fatalisme. Avec le Pape, je veux aussi répéter: «Ne nous laissons pas voler l'espérance», surtout lorsque le chemin de la vie se heurte à des problèmes et à des obstacles qui semblent insurmontables. Bien sûr, l'espérance exige du réalisme. Il exige que nous appelions les problèmes par leur nom, en sachant que les nombreuses crises morales, sociales, environnementales, politiques et économiques que nous traversons sont interconnectées, et que ce que nous considérons comme des problèmes individuels est en fait une cause ou une conséquence d’autres pro-blèmes.
Mais l'espérance exige ensuite le courage d'agir, l'audace de jeter son cœur par-dessus l'obstacle, de renoncer au mal et de sortir de l'espace étroit des intérêts personnels ou nationaux; de faire chaque jour ces petits pas possibles vers le bien pour essayer d'améliorer des situations compliquées et de semer la paix avec patience et confiance.
Massimiliano Menichetti