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François rencontre un groupe de victimes d’abus du diocèse de Nantes

Une nouvelle étape dans le parcours de reconstruction

 Une nouvelle étape dans le parcours de reconstruction  FRA-048
30 novembre 2023

C’est une rencontre que les victimes avaient désirée, et qui a été pour elles une forme d’aboutissement. Malgré son inflammation pulmonaire qui avait provoqué l’annulation de plusieurs rendez-vous, François a accueilli à la résidence Sainte-Marthe mardi 28 novembre, une délégation de 26 personnes, hommes et femmes, venues de plusieurs diocèses de l’ouest de la France (Bretagne et Loire-Atlantique), victimes d’abus de la part des frères de Saint-Gabriel, quand elles étaient mineures. Elles avaient entre 7 et 8 ans au moment des faits, elles en ont entre 65 et 70 aujourd’hui. Un représentant de la congrégation des frères accompagnait le groupe.

Plus tôt dans la matinée, le Pape leur avait transmis un message, à travers la Commission pontificale pour la protection des mineurs, adressé aux victimes, à la Congrégation des frères de Saint-Gabriel et à la Commission reconnaissance et réparation. Cette première rencontre a été «un moment d’accueil, d’apprentissage et de dialogue focalisé sur le parcours de témoignage, de mémoire et de prévention que ces personnes ont mené avec l’Eglise locale et la Commission», rapporte le communiqué de la salle de presse du Saint-Siège.

Dans son message, le Pape explique avoir demandé à la Commission d'entendre leurs paroles en son nom et de recueillir leurs témoignages afin qu'ils puissent renforcer et inspirer les efforts communs pour éradiquer les abus dans l’Eglise et les communautés. «Nous ne pouvons y parvenir qu'ensemble», précise le Souverain Pontife, «chacun œuvrant de son côté pour briser le silence des abus». «Ce silence, poursuit François citant le parcours exemplaire de réconciliation réalisé avec les frères de Saint-Gabriel, peut être brisé si l'institution elle-même fait preuve d'ouverture pour écouter ce que les victimes et les survivants ont à dire». Le Saint-Père termine en assurant les victimes de l’engagement non négociable de l'Eglise à mettre en œuvre et à vérifier les politiques de protection, les standards professionnels dans la formation humaine du clergé et des religieux, et à assurer un environnement sûr dans les écoles.

Dans les années soixante, plusieurs dizaines d'enfants ont été abusés par des membres des frères de Saint-Gabriel, victimes de viols ou d’attouchements dans les écoles d’Issé, Loctudy et Chavagnes-en-Paillers. Certains d’entre eux ont tu ces faits pendant cinquante ans, avant de rompre le silence pour enfin parler à leur entourage. D’autres victimes, avouent-ils, n’y sont pas encore parvenues.

Jean-Pierre Fourny est l’une de ces victimes. Agé de 67 ans, il a été victime d'abus à l’âge de 7 ans et n’a trouvé la force de raconter les «tortures» subies qu’à l’âge de 32 ans. Jean-Pierre a été victime du frère Gabriel Girard, aujourd'hui décédé, qui est l'auteur supposé d’abus sur plus d’une centaine d’enfants dans les trois écoles où il a enseigné. «La nature de ce qu'on a subi? C'est une agression, des attouchements, des viols», rapporte Jean-Pierre Fourny. Il n’y a plus de colère dans les paroles de Jean-Pierre, qui se définit comme une «ex-victime». Entendu par la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise), indemnisé par la Crr, (Commission reconnaissance et réparation), il a «tourné la page». Pour en arriver là, «un long processus» a été nécessaire. «Maintenant, on est plus proche de l'aboutissement de la reconnaissance et de la réparation», continue-t-il.

Aujourd'hui, les anciennes victimes regroupées au sein de l’association Ampaseo (association pour la mémoire et la prévention des abus sexuels dans l’Eglise de l’Ouest) entretiennent des relations d’amitié avec les frères de Saint-Gabriel. Cela, grâce au travail des uns et des autres, mais également d’un ancien provincial des frères, Claude Marsaud, présent à la rencontre. Après une courte pause, Jean-Pierre ajoute: «Ça fait un peu drôle parce qu'en fait, aujourd'hui, on se rend compte qu'on est avec les représentants de nos anciens prédateurs, c'est quand même très fort». L’évêque de Nantes et d’autres religieux ont contribué à l’accompagnement des victimes, ainsi que les instances mises en place par la conférence des évêques de France, mais les frères de Saint-Gabriel sont allés plus loin, les impliquant dans une démarche de transformation de la communauté fermement engagée dans la lutte contre les abus afin que ces actes indicibles ne se reproduisent plus. C’est Claude Marsaud, au nom des disciples de Louis Grignon de Mont-fort et de Gabriel Deshayes, qui le 12 mai 2022 a lu l’acte de reconnaissance: «Nous, frères de Saint-Gabriel, reconnaissons et dénonçons toutes les violences physiques, psychologiques, morales, -sexuelles commises par certains de nos frères dans l’exercice de leur métier d’éducateur, d’enseignant, d’animateur, de maître spirituel». Cette reconnaissance des fautes commises a été bien accueillie par les victimes. La communauté des frères de Saint-Gabriel «n’a jamais demandé pardon, mais ils ont fait le travail» explique Jean-Pierre qui en son propre nom, poursuit: «C'est un sujet très délicat, le pardon. Mais moi, j'ai pardonné. Avant même de rencontrer les frères de Saint-Gabriel, j'avais déjà pardonné».

Jean-Charles Putzolu