· Cité du Vatican ·

Quand une guerre ne finit pas

TOPSHOT - Palestinians walk amid the rubble of destroyed buildings in Gaza City on the northern Gaza ...
30 novembre 2023

On a coutume d’affirmer que la seule certitude lorsqu’une guerre commence, est que celle-ci, tôt ou tard, finira. Amère consolation qui ne reflète d’ailleurs pas tant que cela la réalité. Si, en effet, dans un passé lointain, les conflits n’impliquaient «que» les armées dans des régions éloignées des centres habités, depuis déjà trop de temps — et toujours plus, comme le rapporte l’actualité de ces dernières années — ce sont les civils, et parmi eux, surtout les enfants, qui en paient le prix. Ainsi, en réalité, une fois commencée, une guerre ne finit jamais. Elle dure au moins tout une génération, celle qui l’a subie. Voilà pourquoi elle vole l’espérance: parce comme un trou noir, elle engloutit l’avenir bien après le tir du dernier obus.

C’est ce que savent bien ceux qui — une fois les hostilités terminées — retournent chez eux après avoir été au front ou, pire encore, avoir été prisonniers de guerre. Ce sont des personnes éprouvées dans leur physique mais encore plus frappées dans leur esprit, parce que si certaines cicatrices sur la peau s’atténuent avec le temps, celles dans l’âme ont du mal à se refermer. Après la guerre au Vietnam, on a défini au niveau médical la condition pathologique dans laquelle vivaient — ou mieux, survivaient — les anciens combattants américains: Post Traumatic Stress Disorder. Combien se trouvent aujourd’hui, au cours de la «Troisième guerre mondiale par morceaux» précisément dans cette même situation, sinon pire? Et combien de personnes — épouses, enfants, parents — verront leur vie bouleversée à jamais parce que le mari, le père ou le fils qui a vécu les horreurs de la guerre ne sera plus le même qu’avant, une fois revenu auprès d’eux?

Il y a également ceux qui ne retourneront plus chez eux. «A l’entrée — a dit François le 2 novembre dernier au War Cemetery de Rome — je regardais l’âge de ces morts. La majorité a entre 20 et 30 ans. Des vies fauchées, des vies sans avenir. Et j’ai pen-sé aux parents, aux mères qui recevaient cette lettre: “Madame, j’ai l’honneur de vous dire que vous avez un fils qui est un héros”. “Oui, un héros, mais on me l’a enlevé!”».

Telle est la guerre qui, une fois commencée, ne finit jamais vraiment définitivement. Le Pape le sait, il en ressent tout le poids et pour cela, il ne cesse de répéter que nous ne pouvons pas nous résigner à sa logique, la logique de Caïn. Il le fait à travers ses inlassables appels. A travers la prière et le jeûne, les armes puissantes des disciples du Christ. Et il le fait, avec courage, en rencontrant ceux qui sont victimes des guerres, de toutes les guerres. Des rencontres où il touche du doigt les blessures du monde et, avec les paroles, communique à travers le regard, l’écoute et le silence, «instruments» privilégiés de tendresse et de réconfort. Les instruments de ceux qui rêvent d’une «Eglise hôpital de campagne».

Alessandro Gisotti