· Cité du Vatican ·

Le Pape poursuit le cycle de catéchèses consacrées à la passion pour l’évangélisation

On ne peut annoncer Jésus qu’en habitant aux carrefours de l’aujourd’hui

 On ne peut annoncer Jésus  qu’en habitant aux carrefours de l’aujourd’hui   FRA-048
30 novembre 2023

Chers frères et sœurs,

Les dernières fois, nous avons vu que l’annonce chrétienne est joie et elle est pour tous; observons aujourd’hui, un troisième aspect: elle est pour l’aujourd’hui.

On entend presque toujours dire du mal de l’aujourd’hui. Certes, entre guerres, changements climatiques, injustices planétaires et migrations, crise de la famille et de l’espérance, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. En général, l’époque actuelle semble être habitée par une culture qui place l’individu au-dessus de tout et la technologie au centre de tout, avec sa capacité à résoudre de nombreux problèmes et ses gigantesques progrès dans de nombreux domaines. Mais en même temps, cette culture du progrès technico-individuel conduit à l’affirmation d’une liberté qui ne veut pas se donner de limites et qui est indifférente à ceux qui restent en arrière. Elle livre ainsi les grandes aspirations humaines à la logique souvent vorace de l’économie, avec une vision de la vie qui écarte ceux qui ne produisent pas et peine à dépasser l’immanent. Nous pourrions même dire que nous nous trouvons dans la première civilisation de l’histoire qui tente globalement d’organiser une société humaine sans la présence de Dieu, en se concentrant dans d’immenses villes qui restent horizontales même si elles ont des gratte-ciels vertigineux.

Il vient à l’esprit l’histoire de la ville de Babel et de sa tour (cf. Gn 11, 1-9). On y raconte un projet de société qui prévoit de sacrifier toute individualité à l’efficacité de la collectivité. L’humanité parle une seule langue — nous pourrions dire qu’elle a une «pen-sée unique» —, elle est comme enveloppée dans une sorte de sortilège général qui absorbe l’unicité de chacun dans une bulle d’uniformité. Alors Dieu confond les langues, c’est-à-dire qu’il rétablit les différences, recrée les conditions pour que l’unicité puisse se développer, fait revivre le multiple là où l’idéologie voudrait imposer l’unique. Le Seigneur détourne aussi l’humanité de son délire de toute-puissance: «Faisons-nous un nom», disent les habitants exaltés de Babel (v. 4), qui veulent s’élever jusqu’au ciel, se mettre à la place de Dieu. Mais ce sont là des ambitions dangereuses, aliénantes, destructrices, et le Seigneur, en confondant ces attentes, protège l’humanité, en évitant une catastrophe annoncée. Ce récit semble vraiment d’actualité: aujourd’hui encore, la cohésion, au lieu de la fraternité et de la paix, est souvent basée sur l’ambition, les nationalismes, l’homologation et les structures technico-économiques qui inculquent la persuasion que Dieu est insignifiant et inutile: non pas tant parce que l’on cherche un surplus de savoir, mais surtout un surplus de pouvoir. C’est une tentation qui s’insinue dans les grands défis de la culture d’aujourd’hui.

Dans Evangelii gaudium, j’ai essayé de décrire certaines d’entre elles (cf. n. 52-75), mais j’ai surtout appelé à «une évangélisation qui éclaire les nouvelles manières de se mettre en relation avec Dieu, avec les autres et avec l’environnement, et qui suscite les valeurs fondamentales. Il est indispensable d’arriver là où se forment les nouveaux récits et paradigmes, d’atteindre avec la Parole de Jésus les éléments centraux les plus profonds de l’âme de la ville» (n. 74). En d’autres termes, on ne peut annoncer Jésus qu’en habitant la culture de son temps et en ayant toujours à l’esprit les paroles de l’apôtre Paul sur l’aujourd’hui: «Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut» (2 Co 6, 2). Il n’est donc pas nécessaire d’opposer à l’aujourd’hui des visions alternatives provenant du passé. Il ne suffit pas non plus de réaffirmer des convictions religieuses acquises qui, même si elles sont vraies, deviennent abstraites avec le temps. Une vérité ne devient pas plus crédible parce que l’on élève la voix en la disant, mais parce qu’elle est attestée par la vie.

Le zèle apostolique n’est jamais la simple répétition d’un style acquis, mais le témoignage que l’Evangile est vivant aujourd’hui pour nous. Conscients de cela, regardons donc notre époque et notre culture comme un don. Elles sont les nôtres et les évangéliser ne signifie pas les juger de loin, ni même se tenir sur un balcon en criant le nom de Jésus, mais descendre dans la rue, aller dans les lieux où les gens vivent, fréquenter les espaces où les gens souffrent, travaillent, étudient et réfléchissent, habiter les carrefours où les êtres humains partagent ce qui a du sens pour leur vie. Cela signifie être, comme Eglise, «ferment de dialogue, de rencontre, d’unité. Du reste, nos formulations de foi elles-mêmes sont le fruit d’un dialogue et d’une rencontre entre cultures, communautés et instances différentes. Nous ne devons pas avoir peur du dialogue: c’est même au contraire la confrontation et la critique qui nous aident à préserver la théologie d’une transformation en idéologie» (Discours à la ve conférence nationale de l’Eglise italienne, Florence, 10 novembre 2015).

Il est nécessaire de se tenir aux carrefours de l’aujourd’hui. Les quitter appauvrirait l’Evangile et réduirait l’Eglise à une secte. Les fréquenter, en revanche, nous aide, nous chrétiens, à comprendre de manière renouvelée les raisons de notre espérance, à extraire et à partager du trésor de la foi «les choses nouvelles et les choses anciennes» (Mt 13, 52). En définitive, plus que de vouloir convertir le monde d’aujourd’hui, il faut convertir la pastorale pour qu’elle incarne mieux l’Evangile dans l’aujourd’hui (cf. Evangelii gaudium, n. 25). Faisons nôtre le désir de Jésus: aider les compagnons de voyage à ne pas perdre le désir de Dieu, à Lui ouvrir le cœur et à trouver le seul qui, aujourd’hui et toujours, donne la paix et la joie à l’humanité.

Au terme de l’audience générale lors des saluts aux pèlerins, le Pape a ajouté:

Et s’il vous plaît, continuons de prier pour la très grave situation en Israël et en Palestine; Paix, s’il vous plaît, Paix. Je forme le vœu que se poursuive la trêve en cours à Gaza, afin que tous les otages soient libérés et que l’accès aux aides humanitaires nécessaires soit encore permis. J’ai parlé avec la paroisse là-bas: l’eau manque, le pain manque, et les gens souffrent. Ce sont les gens simples, les gens du peuple qui souffrent. Ce ne sont pas ceux qui font la guerre qui souffrent. Demandons la paix. Et n’oublions pas, en parlant de paix, le cher peuple ukrainien, qui souffre beaucoup, qui est encore en guerre. Frères et sœurs, la guerre est toujours une défaite. Tout le monde y perd. Pas tous: il y a un groupe qui y gagne beaucoup: les fabricants d’armes; eux gagnent -beaucoup sur la mort des autres.

Et je voudrais remercier, en ce moment de joie, ces jeunes filles et garçons du cirque (le Pape s’adresse aux participants au Festival des talents italiens de cirque présents à l’audience). Le cirque exprime une dimension de l’âme humaine: celle de la joie gratuite, la joie simple, faite de la mystique du jeu. Je remercie beaucoup ces jeunes filles, ces jeunes garçons, qui nous font rire, mais qui nous donnent aussi un exemple d’entraînement très fort, parce que pour arriver à faire ce qu’ils font eux, il faut un grand entraînement, très grand. Remercions-les par un bel applaudissement.

Et je donne à tous ma Bénédiction!

Le Saint-Père a adressé le salut suivant aux pèlerins francophones présents:

Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus de différentes nations.

Frères et sœurs, en cette fin d’année liturgique, je vous souhaite un bon temps de l’Avent.

Que Dieu vous bénisse!