«La mission éducative des parents n'est certainement pas favorisée aujourd'hui par le contexte culturel, du moins en Europe. Celui-ci est en effet marqué par le subjectivisme éthique et par un matérialisme pratique... Face à ces difficultés, qui peuvent être décourageantes, il faut se soutenir mutuellement pour allumer chez les parents une “passion” pour l'éducation. Eduquer, c'est humaniser, c'est rendre l'homme pleinement homme». C'est ce qu'a déclaré le Pape François aux participants à la «General Assembly & Conference» de la «European Parents’ Association», qui s'est tenue à Rome les 10 et 11 novembre. L’audience s’est tenue dans la salle du Consistoire, dans la matinée du samedi 11 novembre. Nous publions ci-dessous l’allocution prononcée par le Souverain Pontife:
Chers amis, bonjour!
Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de votre assemblée, à laquelle je souhaite les meilleurs fruits, et cela m'offre l'opportunité de partager avec vous quelques réflexions sur la vocation et la mission des parents.
Devenir parents est l'une des plus grandes joies de la vie. Cela suscite de nouvelles énergies, de l'élan et de l'enthousiasme chez les couples. Mais on se retrouve immédiatement face à des tâches éducatives pour lesquelles on se sent souvent mal préparé. Par exemple: prendre soin avec amour des enfants et en même temps les stimuler à mûrir et à devenir autonomes; les aider à acquérir de saines habitudes et de bons styles de vie, dans le respect de leur personnalité et de leurs dons, sans imposer nos attentes; les aider à aborder sereinement le parcours scolaire. Ou encore: leur transmettre une formation positive sur l'affectivité et la -sexualité; les défendre contre des menaces telles que le harcèlement, l'alcool, le tabac, la pornographie, les jeux vidéos violents, les jeux d'argent, la drogue, etc.
C'est pourquoi les réseaux de soutien aux parents, comme vos associations, sont très importants. Grâce au partage d'expériences et de parcours de formation, ils aident les parents à être mieux préparés et surtout à ne pas se sentir seuls et ne pas se décourager.
La mission éducative des parents n'est certainement pas favorisée aujourd'hui par le contexte culturel, du moins en Europe. Celui-ci est en effet marqué par le subjectivisme éthique et par un matérialisme pratique. La dignité de la personne humaine est toujours affirmée mais parfois en effet pas respectée. Les parents se rendent très vite compte que leurs enfants sont immergés dans cette atmosphère culturelle. Ce qu'ils «respirent», ce qu'ils absorbent des médias est souvent en contradiction avec ce qui, il y a encore quelques décennies, était considéré comme «normal» mais qui maintenant ne semble plus l'être. C'est pourquoi les parents se trouvent chaque jour devoir montrer à leurs enfants la bonté et le bon sens de choix et de valeurs qui ne peuvent plus être tenus pour acquis, comme par exemple la valeur même du mariage et de la famille, ou le choix d'accueillir les enfants comme un don de Dieu. Et ce n'est pas facile, car il s'agit de réalités qui ne se transmettent que par le témoignage de la vie!
Face à ces difficultés, qui peuvent être décourageantes, il faut se soutenir mutuellement pour allumer chez les parents une «passion» pour l'éducation. Eduquer, c'est humaniser, c'est rendre l'homme pleinement homme. Il est vrai que la culture a changé, mais les exigences du cœur humain conservent un noyau immuable qui finit tôt ou tard par ressortir même chez les enfants. C'est de là qu'il faut toujours repartir. Dieu lui-même a inscrit dans notre nature les exigences irrépressibles d'amour, de vérité, de beauté, de relation et de don, d'ouverture au toi de l'autre et d'ouverture au Toi transcendant. Ces exigences du cœur sont de puissants alliés de tout éducateur. En les faisant émerger, en apprenant à les écouter, même nos enfants n'auront pas de mal à voir le bien, la valeur des propositions éducatives de leurs parents.
La tâche éducative peut être considérée comme réussie lorsque les enfants découvrent le caractère fondamentalement positif de leur existence, de leur être au monde et forts de cette conviction, ils abordent avec confiance et courage l'aventure de la vie, convaincus qu'eux aussi ont une mission à accomplir, une mission dans laquelle ils trouveront leur accomplissement et leur bonheur.
Tout cela, chers amis, présuppose la découverte du grand amour de Dieu pour nous. Celui qui découvre qu'à la racine de son être se trouve l'amour de Dieu le Père reconnaît aussi que la vie est bonne, que naître est un bien et qu'aimer est un bien. Dieu lui-même a fait de moi un bon don et je suis moi-même un don pour mes proches et pour le monde, et chacun peut dire cela. Cette certitude aide à ne pas vivre mû uniquement par une tendance dégradante «à l'économie», dans le souci permanent de me préserver, de ne pas trop m'engager, de ne pas me salir les mains. Il y a ces pièges... La vie s'ouvre en revanche à toute sa richesse et sa beauté lorsqu'elle est dépensée, lors-qu'on la «perd» pour les autres et qu'on la retrouve vraiment ainsi, comme Jésus nous l'a enseigné. La vie s'ouvre à toute sa richesse lorsqu'on la donne, lorsqu'on en fait don. C'est la grande tâche éducative des parents: former des personnes libres et généreuses qui ont connu l'amour de Dieu et qui donnent à pleines mains ce qu'elles savent avoir reçu en don. C'est un peu — disons — la transmission de la gratuité, qui n'est pas facile à transmettre.
Et ici se trouvent aussi les racines d'une société saine. C'est pourquoi il est important que le rôle social des parents soit reconnu à tous les niveaux. Eduquer un enfant est un véritable travail social, car cela signifie le former à l’aspect relationnel, au respect des autres, à la coopération en vue d'un objectif commun, le former à la responsabilité, au sens du devoir, à la valeur du sacrifice pour le bien commun. Quel beau travail que celui-ci! Toutes des valeurs qui font d'un jeune, d'une jeune, une personne fiable et loyale, capable d'apporter sa contribution au travail, à la coexistence civile, à la solidarité. Sinon, les enfants grandissent comme des «îles», détachés des autres, incapables d'une vision commune, habitués à considérer leurs propres désirs comme des valeurs absolues: des enfants capricieux, mais en général cela se produit lorsque les parents sont capricieux! Et ainsi la société se déconstruit, s'appauvrit et devient de plus en plus faible et inhumaine.
C'est pourquoi il est nécessaire de protéger le droit des parents à élever et à éduquer leurs enfants en toute liberté, sans être contraints dans aucun domaine, en particulier scolaire, d'accepter des programmes éducatifs qui seraient en contradiction avec leurs convictions et leurs valeurs. C'est un très grand défi en ce moment.
L'Eglise est mère, l'Eglise marche aux côtés des parents et des familles pour les soutenir dans leur tâche éducative. L'Eglise, c'est nous. Au cours de ces années, nous avons mis en place un «Pacte éducatif mondial» pour con-solider l'engagement commun avec toutes les institutions qui s'occupent des jeunes. Et dans le même temps, également un «Pacte pour la famille», entre acteurs culturels, universitaires, institutionnels et pastoraux, pour mettre la famille et ses relations au centre: homme-femme, parents-enfants, liens fraternels. L'intention est de surmonter certaines «fractures» qui affaiblissent actuellement les processus éducatifs: la fracture entre éducation et transcendance, la fracture dans les relations interpersonnelles, la fracture qui éloigne la société de la famille en créant des inégalités et de nouvelles pauvretés.
Chers amis, je vous encourage à aller de l'avant avec espoir dans votre engagement — également avec courage, il en faut aujourd'hui —, en trouvant toujours inspiration et soutien dans les témoignages évangéliques des saints parents Marie et Joseph. Je vous bénis de tout cœur. Et, comme toujours, vous devez payer l'entrée, et prier pour le Pape! J'en ai besoin! Merci.