«Lorsque nous sommes arrivés à L'Aquila, nous ne pouvions pas atterrir: brouillard épais, tout était sombre, c'était impossible. Le pilote de l'hélicoptère tournait, tournait, tournait.... A la fin, il a vu un petit trou et y est entré et il a réussi». Nombreux sont ceux qui se souviennent de ces mots prononcés par le Pape François dans son homélie à L'Aquila le 28 août 2022, à l'occasion de la fête du Pardon Célestinien. Une expérience que le Souverain Pontife a liée au thème de notre misère, qui est précisément comme un brouillard épais, et de la miséricorde du Seigneur qui ouvre une brèche là où il semble n'y avoir que des ténèbres.
D'une certaine manière, cette attitude obs-tinée et confiante du pilote décrite par le Pape est aussi le trait distinctif des artisans de paix et de leur manière d'agir. Eux aussi savent trouver une brèche, aussi étroite soit-elle, dans les sombres nuages de la guerre. Il faut du courage pour être artisans de paix. Thomas Merton a fait remarquer que «la paix exige l'engagement le plus héroïque et le sacrifice le plus difficile. Elle exige un plus grand héroïsme que la guerre». Bien sûr, cela ne signifie pas que les artisans de paix sont immunisés contre ce qui se passe autour d'eux, contre la souffrance qu'ils touchent du doigt chaque jour. La tempête qui s'abat sur eux les effraie, mais elle ne les paralyse pas.
Il faut du courage et de la créativité, comme nous le rappelle toujours le Pape François. Etre artisans de paix et bâtisseurs d'un monde meilleur, nécessite une vision, une capacité créative à ouvrir de nouvelles voies. «Certains voient les choses telles qu'elles sont et se demandent pourquoi elles sont ainsi», — a dit Robert F. Kennedy dans un célèbre discours si souvent cité, mais peut-être pas aussi bien reçu —Moi, je vois les choses comme elles pourraient être et je me dis: pourquoi pas?».
En ces années terribles, marquées par une escalade qui prend de plus en plus le triste visage de la «troisième guerre mondiale par morceaux», le Pape ne s'est jamais lassé d'indiquer cette brèche au milieu de l'épais brouillard. Il l'indique avec courage et confiance, appelant chacun d'entre nous à la chercher. Il nous encourage à ne pas rester immobiles, à ne pas regarder les nuages du désespoir, mais — comme le pilote dans le ciel de L'Aquila — à «tourner, tourner, tourner», donc à nous déplacer à la recherche d'une faille où la lumière peut filtrer. La lumière de la paix.
Certes, le Pape s'adresse aux dirigeants du monde, à ceux qui peuvent déterminer le cours des événements. Son exhortation s'adresse toutefois à chacun d'entre nous, où que nous nous trouvions, à parcourir le chemin de la vie. Nous sommes tous appelés à être des artisans de paix et de réconciliation. Comme le soulignait déjà mère Teresa de Calcutta, lorsque, à qui lui demandait ce qu’il fallait faire pour promouvoir la paix dans le monde, elle répondait d'une manière désarmante: «Rentre chez toi et aime ta famille».
Dans leur recherche de cette brèche d'espérance au milieu des ténèbres, les artisans de paix savent également que parfois, ils ne seront pas compris. Toutefois, ce n'est pas pour autant qu'ils cessent de se prodiguer pour le bien de l’autre. Ils ne relâchent pas leurs efforts pour sauver des vies, même s’il s’agit d'une seule personne. Car ils savent que celui qui sauve une vie sauve le monde entier. Et sauve aussi le monde à venir. (alessandro gisotti)
Alessandro Gisotti