· Cité du Vatican ·

A Addis Abeba, un réseau de congrégations assiste les plus vulnérables

L’union fait la force
(et sauve la vie)

 L’union fait la force (et sauve la vie)  FRA-043
26 octobre 2023

A Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, pays africain qui accueille plus d'un million de réfugiés du continent, le projet pilote du Fonds mondial de solidarité a changé en 30 mois la vie de plus de 1.500 migrants «de retour», de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Formés par cinq congrégations religieuses, sous la coordination de l'archevêché, dans le domaine de la couture, de la coiffure, de l'aide domestique ou de la coupe du cuir, plus de 70% d'entre eux ont déjà trouvé du travail.

Abebech, une mère éthiopienne arrivée à Addis Abeba en provenance de Zwai à la recherche d'un emploi, a été accueillie avec son bébé par les missionnaires de la charité. Elle a ensuite étudié la coupe et la couture au Mary Help College des Filles salésiennes de Marie auxiliatrice et travaille aujourd'hui dans une entreprise de confection. Herut, un migrant érythréen, a quitté le camp de réfugiés de Mai-Aini, dans le Tigré, a frappé au centre de réfugiés du Service jésuite des réfugiés ( jrs ) de la capitale éthiopienne, et étudie maintenant la coiffure au centre de formation du jrs . Samuel, qui a grandi dans la rue à Mexico, une banlieue d'Addis-Abeba, a dit oui au père Angelo qui l'a emmené au Centre pour enfants de Don Bosco. Grâce à la formation des salésiens, il gagne aujourd'hui 4.000 birr par mois (67 euros, un salaire moyen en Ethiopie) dans une fabrique de sacs en cuir, et vit dans une maison louée avec des amis.

Ce sont 1.500 déplacés internes, migrants «de retour» et réfugiés d'autres pays africains dont la vie a changé grâce à un projet pilote lancé fin 2020 à Addis-Abeba par le Fonds mondial de solidarité ( fms ), en collaboration avec des congrégations religieuses féminines et masculines, dans le but de collaborer avec des entreprises privées et des organisations internationales pour renforcer leur engagement en faveur de l'amélioration des conditions de vie des personnes vulnérables. Le fms a soutenu la création d'un consortium qui regroupe aujourd'hui cinq congrégations religieuses, coordonnées par la commission socio-pastorale de l'archidiocèse. Il s'agit des salésiens et des sœurs salésiennes (Filles de Marie auxiliatrice), des ursulines, des missionnaires de la charité et des jésuites (par le biais du Service jésuite des réfugiés).

Chaque congrégation, avec ses propres spécificités, a son rôle à jouer dans la création d'un parcours qui a permis à de nombreux bénéficiaires d'acquérir, grâce à la formation professionnelle, les compétences nécessaires pour se lancer dans le marché du travail local, soit en tant qu’employés dans une entreprise, soit en créant leur propre micro-entreprise.

Abebech Tesfaje nous raconte qu'elle avait un petit ami qui, lors-qu'elle est tombée enceinte, lui a dit: «Ce n'est pas mon enfant, tu peux le tuer». Mais elle, explique-t-elle, s'est dit: «C'est un don de Dieu. Je ne peux pas le tuer. Alors, quand j'ai entendu dire que les religieuses de mère Teresa pouvaient m'aider, je suis allée leur demander et elles m'ont accueillie». Les missionnaires de la charité, au sein du réseau intercongrégationnel, fournissent des soins de santé, en particulier aux nombreuses femmes déplacées de l'Ethiopie rurale à cause de la guerre et des heurts dans la région du Tigré, mais aussi à celles expulsées des pays arabes du Golfe où elles avaient émigré, à la suite d'expériences traumatisantes. Beaucoup arrivent à Addis-Abeba avec des grossesses non désirées ou après avoir été abandonnées par leur compagnon; les sœurs les assistent gratuitement lors de l'accouchement et parviennent à convaincre les jeunes femmes qui ne veulent pas garder leurs enfants.

Les mères et les jeunes enfants sont accueillis pendant quelques mois dans des structures telles que le centre Nigat, puis orientés, avec l'aide des travailleurs sociaux, vers des cours de formation dispensés par les sœurs salésiennes (couture, aide-ménagère ou informatique), par les salésiens (maroquinerie, menuiserie, graphisme, soudure, électricité et imprimerie), par les sœurs ursulines (confection de vêtements) ou par le Service jésuite des réfugiés (informatique, restauration, coiffure et manucure). Certaines de ces congrégations, comme les salésiens et les jésuites, sont impliquées dans le placement des diplômés, le jrs ayant une grande expérience dans le soutien à la création de micro-entreprises.

Les migrants et les réfugiés d'autres pays africains, qui viennent s'ajouter aux plus de 4 millions d'habitants de la capitale éthiopienne en pleine expansion, trouvent également un premier accueil au centre de réfugiés du jrs à Addis-Abeba. C’est le cas de Herut Mobai, qui a quitté l'Erythrée parce qu'elle voulait «changer la vie» de sa famille, et que c'est pour cette raison qu'elle voulait se rendre en Europe. Mais si, à la fin du cours de coiffure au centre de formation jrs Beauty, elle parvient à ouvrir sa propre petite entreprise dans ce secteur avec l'aide du projet soutenu par le fms et qu'elle réussit, elle veut faire venir sa famille en Ethiopie, renonçant ainsi au rêve européen risqué.

Environ 62.000 Erythréens sont arrivés à Addis-Abeba, a indiqué Solomon Brahane, directeur du Service jésuite des réfugiés en Ethiopie, principalement en raison du conflit dans le Tigré, tandis que 11.000 autres sont des Yéménites, des Soudanais, des Congolais et d'autres nationalités. Depuis 2017, le gouvernement saoudien a entamé une politique de rapatriement et d'expulsion des réfugiés d'Ethiopie, a expliqué Solomon Dejene, responsable du projet fms en Ethiopie. «Chaque mois, environ 40.000 Ethiopiens reviennent d'Arabie saoudite. La plupart d'entre eux n'ont plus rien. Le gouvernement leur donne une petite somme d'argent pour rentrer chez eux, mais beau-coup restent en ville. Nous les accueillons pour leur offrir de nouvelles possibilités, nous les formons avec l'aide des différentes congrégations», dit-il.

C'est ce qui est arrivé à Jérusalem, rentrée en Ethiopie après une expérience douloureuse dans un pays arabe du Golfe. Nous l’avons rencontrée au centre Nigat, une structure salésienne donnée aux missionnaires de la charité et ouverte en octobre 2022, qui accueille 38 femmes déplacées avec leurs enfants. «Le père de ma fille et toute ma famille m'ont laissée seule», explique-t-elle. Bénéficiant de cette prise en charge, elle a assuré que «maintenant j'ai une grande famille, le fms , qui me donne de l'amour et de l'affection. J'ai mon propre travail, je vis avec mes amis, je peux subvenir aux besoins de ma famille grâce à mes revenus, je suis donc très heureuse». A ses amis qui travaillent encore en Arabie, Jérusalem conseille de «retourner en Ethiopie et de commencer une nouvelle vie ici».

Au Mary Help College, Jerusalem et les autres jeunes mères du Centre Nigat, ont étudié ou étudient encore la coupe et la couture, l'aide-ménagère et l'informatique. Les sœurs salésiennes accueillent dans leur jardin d'enfants les enfants des élèves et anciens élèves. Elles sont très demandées par les nombreuses entreprises de confection d'Addis-Abeba, comme le confirme Lydija Worku, propriétaire d'Emmanuel Garment, fournisseur de vêtement dans la capitale éthiopienne. «Les personnes formées au Mary Help College ont d'excellentes compétences», a-t-elle expliqué, c’est pourquoi, «nous nous sommes associés aux sœurs salésiennes dans ce projet. Nous avons déjà embauché neuf employées formées dans le cadre du projet, mais il nous en faudrait au moins quarante».

Un autre centre de formation dans le secteur de la confection est l'internat Sitam des sœurs ursulines, où nous rencontrons Bethelhem Samuel, une déplacée de Bole Subcity, mère de quatre enfants, qui, une fois diplômée, a lancé son entreprise avec l'aide des autorités locales. «Ils m'ont donné de l'amour, ils m'ont donné des compétences et des connaissances», témoigne la jeune femme, ajoutant, «si j'avais un soutien financier, pour acheter des machines à coudre et surtout du matériel de couture, je pourrais développer mon activité et donner du travail à d'autres personnes qui sont également diplômées».

C’est au centre des jeunes Don Bosco, qu’a été accueilli Samuel Dejene, un jeune de 19 ans qui vivait dans la rue, «dans un lieu appelé Mexico, ici à Addis-Abeba». Témoignant de son expérience, il dit: don Angelo Regazzo, l'économe du centre, «qui va tous les jours vers les enfants de la rue, me rencontre et me dit: viens avec moi et vois ce que nous sommes en train de faire. Il m'a amené ici et j'ai suivi le programme “Viens et vois” pendant un mois». Après ce premier contact, Samuel a décidé de suivre les cours de coupe de cuir et travaille depuis un peu plus d'un mois dans une entreprise, grâce à l'aide du responsable salésien de l'emploi.

Au centre St Michael qui abrite les bureaux de la commission socio-pastorale de l'archidiocèse d'Addis-Abeba, les responsables des différentes congrégations impliquées dans le projet se réunissent pour réfléchir à la manière de passer d'une phase expérimentale à une phase plus stable. Un accord a également été signé avec une banque et une autre institution financière pour fournir des microcrédits aux migrants qui souhaitent créer leur propre entreprise. Le responsable de la commission, le père Petros Berga rappelle qu'auparavant, «chaque congrégation, avec son propre centre de formation, ne travaillait qu'individuellement». Mais aujourd'hui, «grâce au programme du consortium fms , elles travaillent ensemble et sont plus fortes qu'avant. Nous avons pu former plus de 1.500 jeunes et plus de 70% d'entre eux ont trouvé un emploi au cours de la période couverte par le projet».

Le pôle unitaire de formation a été créé, «le pôle d'insertion professionnelle, puis le pôle de création d'emploi et d'auto-emploi. Mais aussi le pôle santé». Le père Petros Berga est convaincu qu'il est important de poursuivre «ce bon travail au profit des jeunes et des femmes qui ont besoin de notre aide. C'est un projet important, car il permet de sauver des vies. Le gouvernement et d'autres institutions, ainsi que les entreprises que nous contactons, sont très favorables au projet parce que nous donnons une très bonne formation à ces jeunes et à ces femmes. Au cours de la prochaine phase, qui devrait durer trois ans, nous aimerions former 10.000 bénéficiaires avec l'aide du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme», a-t-il conclu.

Alessandro Di Bussolo
d’Addis Abeba


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