· Cité du Vatican ·

François poursuit ses réflexions sur le zèle apostolique en parlant de saint Charles de Foucauld

L’apostolat de la douceur prophétie pour notre temps

 L’apostolat de la douceur prophétie pour notre temps  FRA-042
19 octobre 2023

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons notre rencontre avec certains chrétiens témoins, riches de zèle dans l'annonce de l'Evangile. Le zèle apostolique, le -zèle pour l’annonce: nous passons en revue certains chrétiens qui ont été des exemples de ce zèle apostolique. Aujourd'hui, je voudrais vous parler d'un homme qui a fait de Jésus et de ses frères les plus pauvres, la passion de sa vie. Je me réfère à saint Charles de Foucauld qui, «grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous» (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 286).

Et quel a été le «secret» de Charles de Foucauld, de sa vie? Après avoir vécu une jeunesse loin de Dieu, sans croire à rien sinon à la recherche désordonnée du plaisir, il le confie à un ami non-croyant, auquel, après s'être converti en accueillant la grâce du pardon de Dieu dans la Confession, il révèle la raison de sa vie. Il écrit: «J'ai perdu mon cœur pour Jésus de Nazareth»1. Frère Charles nous rappelle ainsi que le premier pas dans l'évangélisation est d'avoir Jésus à l’intérieur de son cœur, c'est de «perdre la tête» pour Lui. Si ce n'est pas le cas, difficilement nous réussissons à le montrer par notre vie. Nous risquons en revanche de parler de nous-mêmes, de notre groupe d’appartenance, d'une morale ou, pire encore, d'un ensemble de règles, mais pas de Jésus, de son amour, de sa miséricorde. C’est ce que je vois dans certains nouveaux mouvements qui naissent: ils parlent de leur vision de l’humanité, ils parlent de leur spiritualité, et ils se con-sidèrent comme un chemin nouveau... Mais pourquoi ne parlez-vous pas de Jésus? Ils parlent de beau-coup de choses, d’organisation, de chemins spirituels, mais ils ne savent pas parler de Jésus. Je crois qu’aujourd’hui, il serait beau que chacun de nous se demande: Et moi, ai-je Jésus au centre de mon cœur? Ai-je un peu perdu la tête pour Jésus?

Charles lui, oui, au point de passer de l’attraction pour Jésus à l’imitation de Jésus. Conseillé par son confesseur, il se rend en Terre Sainte pour visiter les lieux où le Seigneur a vécu et pour marcher où le Maître a marché. En particulier, c'est à Nazareth qu'il comprend devoir se former à l'école du Christ. Il vit une relation intense avec le Seigneur, passe de longues heures à lire les Evangiles et se sent comme son petit frère. Et connaissant Jésus, naît en lui le désir de le faire connaître. Il en est toujours ain-si: quand chacun de nous connaît davantage Jésus, naît le désir de partager ce trésor. En commentant le récit de la visite de la Vierge à sainte Elisabeth, il Lui fait dire: «Je me suis donné au monde... portez-moi au monde». Oui mais comment faire? Comme Marie dans le mystère de la Visitation: «En silence, par l'exemple, par la vie»2. Par la vie, parce que «toute notre existence écrit frère Charles — doit crier l'Evangile»3. Et souvent, notre existence crie la mondanité, crie tant de choses stupides, des choses étranges et il dit: «Non, toute notre existence doit crier l’Evangile».

Il décide alors de s'installer dans des régions lointaines pour crier l'Evangile dans le silence, en vivant dans l'esprit de Nazareth, dans la pauvreté et de manière cachée. Il se rend dans le désert du Sahara, parmi les non-chrétiens, et y arrive en ami et en frère, en apportant la douceur de Jésus Eucharistie. Charles laisse Jésus agir silencieusement, convaincu que la «vie eucharistique» évangélise. En effet, il croit que le Christ est le premier évangélisateur. Il reste ain-si en prière aux pieds de Jésus, devant le tabernacle, environ dix heures par jour, certain que la force évangélisatrice se trouve là et sentant que c'est Jésus qui le rapproche de tant de frères éloignés. Et nous, je me demande, croyons-nous au pouvoir de l'Eucharistie? Notre sortie vers les autres, notre service, trouve-t-il là, dans l'adoration, son commencement et son accomplissement? Je suis convaincu que nous avons perdu le sens de l’adoration; nous devons le retrouver, en commençant par nous, consacrés, les évêques, les prêtres, les religieuses, et tous les consacrés. «Perdre» du temps devant le tabernacle, pour retrouver le sens de l’adoration.

Charles de Foucauld écrivait: «Tout chrétien est un apôtre»4; et il rappelle à un ami qu’«à côté des prêtres, nous avons besoin de laïcs qui voient ce que le prêtre ne voit pas, qui évangélisent avec une proximité de charité, avec une bonté pour tous, avec une affection toujours prête à se donner»5. Des saints laïcs, pas des arrivistes. Et ces laïcs, ce laïc, cette laïque qui sont épris de Jésus, font comprendre au prêtre que ce n’est pas un fonctionnaire, que c’est un médiateur, un prêtre. Combien nous avons besoin nous, prêtres, d’avoir auprès de nous ces laïcs qui croient vraiment que leur témoignage nous indique la voie. A travers cette expérience, Charles de Foucauld anticipe l'époque du Concile Vatican ii, il perçoit l'importance des laïcs et comprend que l'annonce de l'Evangile est la responsabilité du peuple de Dieu tout entier. Mais comment pouvons-nous accroître cette participation? Comme Charles de Foucauld l'a fait: en se mettant à genoux et en accueillant l'action de l'Esprit, qui suscite toujours de nouvelles manières de s'engager, de se rencontrer, d'écouter et dialoguer, toujours dans la collaboration et dans la confiance, toujours en communion avec l'Eglise et avec les pasteurs.

Saint Charles de Foucauld, figure qui est une prophétie pour notre temps, a témoigné de la beauté de la communication de l'Evangile à travers l'apostolat de la douceur: lui qui se sentait «frère universel» et accueillait tout le monde, nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. N’oublions pas que le style de Dieu consiste en trois mots: proximité, compassion et tendresse. Dieu est toujours proche, il est toujours plein de compassion, il est toujours tendre. Et le témoignage chrétien doit aller dans cette direction: de proximité; de compassion, de tendresse. Et lui était ainsi, doux et tendre. Il voulait que quiconque le rencontrait voit, à travers sa bonté, la bonté de Jésus. Il disait qu'il était en fait «le serviteur de quelqu’un qui est bien meilleur que moi»6.

Vivre la bonté de Jésus le conduisait à tisser des liens fraternels et d'amitié avec les pauvres, avec les -touaregs, avec ceux qui sont les plus éloignés de sa mentalité. Peu à peu, ces liens engendraient la fraternité, l'inclusion, la valorisation de la culture de l'autre. La bonté est simple et demande d’être des gens simples, qui n'ont pas peur de donner un sourire. Et avec le sourire, avec sa simplicité, frère Charles témoignait de l’Evangile. Jamais de prosélytisme, jamais: témoignage. L’évangélisation ne se fait pas par prosélytisme, mais par témoignage, par attraction. Demandons-nous alors enfin si nous portons en nous et aux autres la joie chrétienne, la douceur chrétienne, la tendresse chrétienne, la compassion chrétienne, la proximité chrétienne. Merci.

1 Lettres à un ami de lycée. Correspondance avec Gabriel Tourdes (1874-1915), Paris 2010, 161.

2 Crier l’Evangile, Montrouge 2004, 49.

3 M/314 in C. de Foucauld, La bonté de Dieu. Méditations sur les Saints Evangiles (1), Montrouge 2002, 285.

4 Lettre à Joseph Hours, in Correspondances lyonnaises (1904-1916), Paris 2005, 92.

5 Ivi, 90.

6 Carnets de Tamanrasset (1905-1916), Paris 1986, 188.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audience générale, se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Paroisse Notre-Dame de l’Alliance, de Val Cenis; paroisse de Ploërmel; lycée Sainte-Ursule, de Tours; lycée Saint-Joseph, de Sète; collège Sainte-Marie, de Fougères; collège Parchamp, de Boulogne-Billancourt; groupe de pèlerins de Forges-lès-Eaux.

De Suisse: Servants de Messe des paroisses de Malleray-Bévilard, Moutier, Saint-Imier, Tavannes, Tramelan; paroisse de Lausanne.

De Côte d’Ivoire: Paroisse Saint-Antoine, de Moossou.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les groupes de paroissiens et d’élèves venus de Suisse, de Côte d’Ivoire, de France et du Maroc, notamment la délégation de l’Institut œcuménique de théologie Al Mowafaqa, accompagnée par le cardinal Cristobal Lopez Romero et Madame Karen Smith.

Puisse saint Charles de Foucauld, nous apprendre la valeur du silence et la force évangélisatrice d’une vie cachée en Dieu.

Que le Seigneur vous bénisse!