Lundi 11 septembre, le Pape François a reçu en audience Sa Sainteté Baselios Marthoma Mathews iii , catholicos de l'Eglise orthodoxe syro-malankare. Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le Souverain Pontife:
Votre Sainteté,
Je vous remercie pour vos paroles, je vous remercie pour cette visite dans la ville des apôtres Pierre et Paul, où vous avez déjà vécu et étudié, et où vous venez maintenant en tant que catholicos de la vénérable Eglise orthodoxe syro-malankare. Je tiens dire à Votre Sainteté, qu’elle est ici chez elle, comme frère attendu et aimé.
Avec vous, je tiens avant tout à rendre grâce au Seigneur pour les liens tissés au cours des dernières décennies. Le rapprochement de nos Eglises, après des siècles de séparation, a commencé avec le Concile Vatican ii , auquel l'Eglise orthodoxe syro-malankare a envoyé des observateurs. A la même époque, saint
Paul vi a rencontré le catholicos Baselios Augen i à Bombay en 1964. Aujourd'hui, votre venue ici coïncide avec le quarantième anniversaire de la première visite à Rome d'un catholicos de votre chère Eglise, effectuée en 1983 par Sa Sainteté Baselios Marthoma Mathews i , que saint Jean-Paul ii a visité trois ans plus tard à la cathédrale Mar Elia à Kottayam. Cette année marque également le dixième anniversaire de l'échange fraternel avec votre prédécesseur immédiat, Sa Sainteté Baselios Marthoma Pau-
lose ii , de bienheureuse mémoire, que j'ai eu la joie de recevoir au début de mon pontificat en septembre 2013.
Aujourd'hui, en accueillant Votre Sainteté et les membres de votre illustre délégation, je tiens à saluer fraternellement les évêques, le clergé et les fidèles de l'Eglise orthodoxe syro-malankare, dont les origines remontent à la prédication de l'apôtre Thomas. Face au Ressuscité, il a s’exclama: «Mon Seigneur et mon Dieu!» (Jn 20, 28): cette profession, qui proclame la seigneurie salvifique et la divinité du Christ, fonde, dans la prière et dans l'émerveillement, notre foi commune. C'est cette même foi que nous célébrerons, je l'espère ensemble, à l'occasion du 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique, le Concile de Nicée; je veux que nous le célébrions tous ensemble. La foi de saint Thomas est toutefois indissociable de son expérience des plaies du Corps du Christ (cf. Jn 20, 27). Les divisions qui ont surgi au cours de l'histoire entre nous, chrétiens, sont des blessures douloureuses infligées au Corps du Christ qu'est l'Eglise. Nous en touchons encore du doigt les conséquences. Mais si nous mettons la main ensemble sur ces blessures, si ensemble, comme l'apôtre, nous proclamons que Jésus est notre Seigneur et notre Dieu, si avec un cœur humble, nous nous confions émerveillés à sa grâce, nous pouvons hâter le jour tant attendu où, avec son aide, nous célébrerons sur le même autel le mystère pascal: qu'il arrive vite!
En attendant, cher frère, marchons ensemble dans la prière qui nous purifie, dans la charité qui nous unit, dans le dialogue qui nous rapproche. Je pense en particulier à la création de la Commission mixte internationale pour le dialogue entre nos Eglises, qui a abouti à un accord historique christologique, publié à la Pentecôte de 1990. Il s'agit d'une Déclaration conjointe qui affirme que le contenu de notre foi dans le mystère du Verbe incarné est le même, même si dans la formulation, des différences de terminologies et d'accentuation sont apparues au cours de l'histoire. De manière admirable, le document déclare que «ces différences sont telles qu'elles peuvent coexister dans la même communion et ne doivent pas et ne devraient pas nous diviser, surtout lorsque nous annonçons le Christ à nos frères et sœurs dans le monde entier en des termes qui peuvent être facilement compris». Annoncer le Christ unit, ne divise pas; l'annonce commune de notre Seigneur évangélise le chemin œcuménique lui-même.
Depuis la Déclaration conjointe, la Commission s'est réunie au Kerala presque chaque année et a porté des fruits, favorisant la collaboration pastorale pour le bien spirituel du Peuple de Dieu. En particulier, je voudrais rappeler avec gratitude les accords de 2010 sur l'usage commun des lieux de culte et des cimetières, ainsi que la possibilité pour les fi-dèles de recevoir l'onction des malades, dans certaines circonstances, dans l'une ou l'autre Eglise. Ce sont de beaux accords. Je bénis Dieu pour le travail de cette Commission, axée principalement sur la vie pastorale, car l'œcuménisme pastoral est la voie naturelle vers la pleine unité. Comme je l'ai dit à la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et les Eglises orientales orthodoxes, à laquelle votre Eglise appartient depuis le début, en 2003, «l'œcuménisme a toujours un caractère pastoral». En effet, c'est en avançant fraternellement dans l'annonce de l'Evangile et dans le soin concret des fidèles que nous nous reconnaissons comme un seul troupeau du Christ en chemin. A cet égard, j'espère que les accords pastoraux entre nos Eglises, partageant le même héritage apostolique, pourront être étendus et renforcés, en particulier dans des contextes où les fidèles se trouvent en situation de minorité ou de diaspora. Je me réjouis également de votre participation active aux visites d'étude pour les jeunes prêtres et moines organisées chaque année par le dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens, qui contribuent à une meilleure com-préhension entre les pasteurs, ce qui est très important.
Sur notre chemin vers la pleine unité, une autre voie importante est celle de la synodalité, à laquelle vous avez fait référence dans votre discours. Votre prédécesseur, il y a dix ans à Rome, a déclaré: «La participation des représentants de l'Eglise orthodoxe syro-malankare au processus conciliaire de l'Eglise catholique, depuis le Concile Vatican ii , a été d'une importance fondamentale pour la croissance de la compréhension mutuelle». Je suis heureux qu'un délégué fraternel de votre Eglise participe à la prochaine session de l'assemblée du synode des évêques. Je suis convaincu que nous pouvons beaucoup apprendre de l'expérience séculaire de synodalité de votre Eglise. D’une certaine manière, le mouvement œcuménique contribue au processus synodal en cours dans l'Eglise catholique, et j'espère que le processus synodal contribuera à son tour au mouvement œcuménique. Synodalité et œcuménisme sont en effet deux chemins qui avancent ensemble, partageant la même destination, celle de la communion, ce qui signifie un meilleur témoignage des chrétiens «pour que le monde croie» (Jn 17, 21). N'oublions pas — et je le dis aux catholiques — que le protagoniste du synode est le Saint-Esprit, ce n'est pas nous.
C'est pourquoi le Seigneur a prié avant Pâques, et il est beau que la rencontre d'aujourd'hui se poursuive par la prière. Que l'apôtre saint Thomas, dont les reliques sont conservées dans l'archidiocèse de Lanciano-Ortona, représenté ici par l'archevêque Emidio Cipollone, que je remercie, intercède sur notre chemin d'unité et de témoignage. Le Seigneur a montré ses plaies à l'apôtre, dont les yeux incrédules sont devenus croyants: la contemplation commune du Seigneur crucifié et ressuscité favorise la guérison complète de nos blessures passées, afin que devant nos yeux, au-delà de toute distance et de toute incompréhension, il soit évident que c'est Lui, «Notre Seigneur et Notre Dieu» (cf. Jn 20, 28), le Seigneur et le Dieu qui nous appelle à le reconnaître et à l'adorer autour d'une unique table eucharistique. Et que cela arrive vite. Prions. Merci!