La sororité à l'époque
Maria Rosaria Selo, «Vincenzina ora lo sa»
[A présent, Vincenzina le sait], Rizzoli 2023
Cet été, j'ai préféré lire des livres sur Naples. Je suis tombée par hasard sur ce titre d'une autrice candidate l'année dernière au prix Strega, un roman qui passe à travers le regard de Vincenzina, la fille d'un des ouvriers historiques de la grande usine sidérurgique Italsider de Bagnoli, devenue orpheline de son père en 1975, mort des suites de lésions pulmonaires causées par les poussières toxiques de l'usine. La jeune fille, embauchée en reconnaissance du travail de son père, a dû quitter l'université et, à travers son expérience d'ouvrière, elle nous donne un aperçu de la naissance et du développement de la plus grande usine sidérurgique d'Europe. Elle décrit la terrifiante capacité de l'usine à englober, mais aussi à engloutir la vie de milliers de familles, enveloppées par le bruit des hauts-fourneaux et la poussière mortelle qui s'en échappe, moissonnant des victimes dans l'indifférence des syndicats et des responsables.
J'ai aimé l'idée que son parcours de formation se déroule parmi d'autres femmes de l'usine qui ont un lourd passé derrière elles, mais qui conservent la force d'affronter la vie et de regarder l'avenir avec espoir. Au cours d'un demi-siècle d'évolution et de déclin de l'usine (qui reste encore aujourd'hui une plaie ouverte pour Naples, même si elle a été fermée), Vincenzina aura l'occasion de participer aux luttes ouvrières et féministes des années 1970 et 1980, en renouant les fils brisés de sa vie.