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Entretien avec le cardinal-secrétaire d’Etat, Pietro Parolin, à la veille du voyage apostolique du Souverain Pontife en Mongolie

Pèlerin d’espérance pour le monde

 Pèlerin d’espérance pour le monde   FRA-035
31 août 2023

La Mongolie est prête à embrasser pour la première fois dans son histoire un Pape, et «l’attente est grande»: le cardinal-secrétaire d’Etat du Vatican Pietro Parolin parle dans un entretien aux médias vaticans de l’enthousiasme avec lequel la petite communauté catholique de ce pays asiatique se prépare à accueillir le Saint-Père.

A l’occasion de son quarante-troisième voyage apostolique, François se rendra du 31 août au 4 septembre à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, un pays cinq fois plus grand que l’Italie et avec une population d’environ trois millions trois cent mille habitants, un pays situé à la frontière de la Russie et de la Chine. La devise «Espérer ensemble» est centrale pour comprendre le voyage parce que — explique Pietro Parolin — nous avons tant besoin d’espérance, «une espérance qui n’est pas une attente vide, mais qui se fonde, au moins pour nous chrétiens, sur les fois, c’est-à-dire sur la présence de Dieu dans notre histoire, et qui se transforme dans le même temps en un engagement personnel et collectif».

Eminence, quelles sont les attentes du Saint-Père?

Ce voyage au cœur de l’Asie répond à l’invitation des autorités du pays et de la communauté catholique. L’attente est certainement grande, tant du côté du Saint-Père que du côté de la Mongolie qui pour la première fois, voit un Successeur de Pierre sur sa terre. L’intérêt du Pape est de rencontrer cette communauté, une communauté numériquement réduite, mais jeune, vivante, fascinante en raison de son histoire et de sa composition particulière. En outre, la dimension interreligieuse sera très significative dans un pays qui compte une grande tradition bouddhiste.

Le Pape confirmera dans la foi environ 1.500 catholiques présents en Mongolie. Quelle importance la présence de François a-t-elle pour cette petite communauté missionnaire?

Et bien, l’enthousiasme avec lequel les catholiques se préparent à accueillir le Saint-Père est palpable. Sa présence est attendue aussi bien comme une confirmation et un encouragement su le chemin de vie chrétienne, sur le chemin de foi, d’espérance et de charité; mais aussi comme une confirmation de cet accomplissement d’une période fascinante d’inculturation missionnaire. En effet, si nous pen-sons à l’histoire de cette Eglise, nous ne pouvons qu’être admiratifs et je dirais même émus, après des siècles d’absence, au début des années 90, à la suite de la transition démocratique pacifique du pays, il repart pratiquement à zéro. Les premiers missionnaires arrivent comme des pionniers, ils apprennent la langue, commencent à célébrer dans les maisons, perçoivent que la voie d’approche doit être celle de la charité et embrassent la population locale comme s’il s’agissait de leur peuple. Ainsi, après quelques décennies seulement, il existe une communauté catholique au sens littéral du terme, c’est-à-dire une communauté «universelle», composée tant de membres locaux, que de membres provenant de divers pays qui, avec humilité, douceur et sens d’appartenance, désirent être une petite semence de fraternité.

L’attention sera également portée sur la rencontre œcuménique et interreligieuse qui se tiendra le dimanche 3 septembre.

Oui. Comme le Saint-Père l’a rappelé à plusieurs reprises, le chemin interreligieux, le chemin du dialogue œcuménique ne sont pas des choix d’opportunité ou d’intérêt, mais sont des voies que, depuis le Concile, l’Eglise parcourt sans syncrétisme. Et de ce point de vue, la rencontre avec les représentants d’autres religions vise toujours à l’édification de la paix et de la fraternité et nous savons combien il y a besoin aujourd’hui précisément de cet effort pour construire la paix et la fraternité! Et puis, bien sûr, la visite marque également un moment important de rencontre avec le bouddhisme, qui possède en Mongolie une présence et une histoire très significatives, caractérisées par une recherche sage de la vérité, mais également marquées par de grandes souffrances endurées par le passé.

Au cours de ces dernières années, à côté du style de vie traditionnel, on assiste à une urbanisation croissante. Dans le contexte de ce changement social, quel rôle peut avoir la visite du Saint-Père?

Le Pape François souligne souvent l’importance de rechercher l’harmonie. A travers cette expression, à travers cette parole, il entend suggérer une croissance globale, totale, c’est-à-dire une croissance humaine, sociale et spirituelle qui soit éloignée des risques de l’homologation, et qui sache au contraire intégrer les différences et les changements comme facteurs de croissance, pour que la rencontre des opposés et des différences prévale sur le conflit et l’opposition. La société mongole traverse sans aucun doute une période historique stimulante, où la sagesse bien enracinée dans le peuple est appelée à conjuguer tradition et modernité sans égarer ses racines et en promouvant le développement de tous. Le Pape, qui en signe d’amitié et avec un grand respect est heureux de rencontrer le peuple mongol, se révélera certainement attentif également à ces aspects.

Le dialogue entre le Saint-Siège et la Mongolie remonte à près de 800 ans, à l'époque d'Innocent iv. Quelles sont les relations aujourd'hui?

Dans le sillage des précédents historiques que vous venez de mentionner, la convergence d'intérêts a conduit à l'établissement officiel de relations diplomatiques en 1992. Et la co-opération qui s'est établie alors — même au niveau officiel — continue d’aller de l’avant! Des progrès significatifs ont été réalisés dans des domaines d'intérêt commun, comme l'a souligné la visite officielle de Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les Etats et les organisations internationales, en juin dernier. Et cela se poursuivra sur cette ligne. Le voyage apostolique imminent est donc une occasion favorable pour renforcer davantage ces liens, qui visent à promouvoir le bien commun, la liberté religieuse, la paix, le développement humain intégral, l'éducation, les échanges culturels et aussi à relever les défis communs qui affectent la région et la communauté internationale.

En ce sens, pouvons-nous nous attendre à un nouvel appel à la paix de la part du Saint-Père, en ces temps où le monde entier est déchiré par des conflits?

Le Saint-Père continue d'appeler à la paix, pourquoi? Parce qu'il porte dans son cœur la douleur atroce causée par ce qu'il a appelle lui-même depuis longtemps la «troisième guerre mondiale par morceaux». Au-delà des appels explicites à la paix que le Pape adressera en cette circonstance, il me semble que c'est la présence même du Pape en Mongolie qui -constitue une invitation à la paix. Et ce, en raison de la place significative que ce pays occupe dans le grand contexte asiatique. Cette visite porte en elle l'appel au respect de chaque pays, petit ou grand soit-il, au respect du droit international, à la renonciation au principe de la force pour régler les différends, à la construction de relations de collaboration, de solidarité et de fraternité entre voisins et avec tous les pays du monde.

Un grand pays frontalier de la Mongolie est la Chine, une nation que François regarde avec beaucoup d'intérêt. Un voyage en République populaire de Chine est-il à l’étude, même si ce n'est pas dans un avenir proche?

Tout le monde connaît l'intérêt que le Pape François porte à la Chine. Et en ce qui concerne votre question, je peux dire qu'il y a dans le cœur du Saint-Père ce grand désir, un désir tout à fait compréhensible qu'il a déjà manifesté publiquement à plusieurs reprises, de se rendre dans ce noble pays, tant pour visiter la communauté catholique et l'encourager sur le chemin de la foi et de l'unité, que pour rencontrer les autorités politiques, avec lesquelles le Saint-Siège a établi depuis longtemps un dialogue, dans la confiance que, malgré les difficultés et les obstacles qui jalonnent le chemin, c'est précisément à travers cette voie du dialogue et de la rencontre, plutôt que celle de l'affrontement idéologique, que l'on peut obtenir des fruits de bien pour tous.

Le Saint-Père est revenu récemment des jmj de Lisbonne où, comme il l'a souligné, l'espérance s'est manifestée chez les jeunes. Où nous conduit ce voyage en Mongolie?

La devise du voyage — nous le savons — est «Espérer ensemble» et donc, une fois de plus, l'accent est mis sur l'espérance, qui sera également le thème du Jubilé de 2025. Pourquoi tant d'insistance sur l'espérance? Evidemment, parce que notre monde en a tellement besoin! Notre monde manque d'espérance, face aux nombreux drames personnels et collectifs qu'il vit. Non pas une espérance qui est une attente vide, qui attend que les choses s'améliorent, presque sous une forme magique, mais qui se fonde, au moins pour nous chrétiens, sur la foi, c'est-à-dire sur la présence de Dieu dans notre histoire, et qui se transforme en même temps en un engagement personnel et collectif, un engagement de fait, en vue de l'amélioration du monde: cela nous pouvons le faire ensemble, croyants et laïcs, tous ceux qui sont convaincus de cette possibilité. Voilà, il me semble que le fait que le Pape parte pour des pays géographiquement éloignés et affronte aussi les inconvénients qui en découlent, est précisément pour signifier son désir de témoigner activement et de promouvoir concrètement l'espérance dans le monde d'aujourd'hui.

Monsieur le cardinal, quelle est votre espérance, quelles sont vos attentes?

Je partage les attentes du --Pape, celles que je viens d'essayer de décrire. Il me semble en outre que les -voyages apostoliques du Saint-Père, du Successeur de Pierre, sont d'une grande importance et efficacité pour attirer l'attention de toute l'Eglise sur certaines communautés qui la composent et qui, comme dans le cas de la Mongolie, sont numériquement petites et risquent donc un peu, peut-être, de ne pas être toujours et avant tout, suffisamment connues, mais aussi appréciées et prises en con-sidération; et d'autre part, cela permet à ces communautés d'offrir leur contribution à l'Eglise dans son ensemble, en attirant l'attention sur ce qui est fondamental pour sa vie et pour sa mission. Je dirais qu'elles sont un peu comme les premières communautés chrétiennes dont nous devrions nous inspirer. Je suis persuadé qu'il en sera ainsi, et qu'il en sera de même en cette occasion. Et je prie également à cette fin.

Massimiliano Menichetti