Elle aussi sera là pour attendre le Pape à Oulan-Bator. Sœur Maria Esperanza Becerra, missionnaire de la Con-solata d’origine colombienne, réside dans la capitale mongolienne depuis une décennie et elle n’aurait jamais imaginé pouvoir assister à une première visite d’un Pape dans ce pays d’Asie orientale. Un voyage historique. Cette sœur au sourire doux et au regard limpide le sait bien: du 31 août au 4 septembre, François rencontrera un pays qui depuis plus de trente ans, a laissé derrière lui la dureté du communisme et a entrepris un chemin de démocratie difficile, mais résolu. Et il pourra toucher du doigt la croissance vigoureuse de l’Eglise qui, il y a une trentaine d’années précisément, a commencé à germer. Un peu plus de 1500 fidèles catholiques sur près de trois millions et demi d’habitants, un petit un pour cent perdu dans une majorité relative de bouddhistes et une part importante de population qui se déclare encore athée. C’est le sel de la terre, hasarde à travers une comparaison biblique sœur Maria Esperanza. Il n’est pas difficile de la croire quand elle raconte que ce grain de sel est grand à peine comme «huit paroisses, une chapelle, une vingtaine de prêtres, une trentaine de religieuses, environ soixante-dix missionnaires et quelques laïcs engagés».
On comprend quel goût a cette évangélisation réalisée avec ces quelques ingrédients lorsqu’elle précise une donnée: «70 pour cent de notre engagement est de type social: promotion humaine, développement, éducation, santé et diffusion de la culture mongole. L’objectif est celui d’aider à édifier une société meilleure». La religieuse résume tout en une devise, qui est par ailleurs celle qui fut énoncée à l’aube de la naissance de l’Eglise dans le pays: viens et vois. «C’est une invitation simple qui ne présuppose aucune imposition qui doit toujours être accompagnée par une ouverture et une proximité profondes à l’égard du peuple. Surtout à l’égard de ceux qui vivent en marge, des pauvres». Les valeurs évangéliques sont témoignées par la cohérence de la vie chrétienne et cela plaît aux Mongols, cela les fascine. Au point, révèle-t-elle, «que les gens sont frappés de voir comment nous, missionnaires de vingt-quatre nationalités différentes, réussissons à nous soutenir et à marcher ensemble». D’où une question que beaucoup se posent: qui les pousse à être véritablement frères? «La recherche d’une réponse se révèle être le premier pas pour commencer à connaître Jésus, l’Evangile et l’Eglise», assure sœur Maria Esperanza. Il y a beaucoup à faire à Oulan-Bator. La principale ville du pays, siège du gouvernement et centre industriel stratégique, connaît un développement constant et tumultueux. Les nouveaux gratte-ciels et les routes asphaltées attirent des milliers de personnes hors de la steppe, pauvre et désolée: «Ils rêvent de pouvoir changer leur vie, mais ce n’est absolument pas le cas». La missionnaire l’admet, la voix empreinte d’émotion: «Le fait est qu’une grande pauvreté urbaine est apparue. Nous faisons face à de nombreux cas extrêmes qui touchent également des femmes et des enfants». Maria Esperanza, avec ses consœurs et ses confrères, cherche à être proche de la population qui souffre en aidant concrètement les familles, en assistant les jeunes à travers le soutien scolaire, en donnant à manger à ceux qui n’ont pas de quoi préparer un déjeuner ou un dîner. «Même un déplacement en autobus devient pour nous une occasion de cons-truire des relations. Beau-coup de gens, même simplement en croisant notre regard, se sentent compris, réconfortés». La connaissance réciproque passe également par un échange de regards. Cela est fondamental pour ouvrir le cœur et faire tomber les méfiances et les préjugés. «C’est de cette façon — explique la religieuse — que nous connaissons leur monde, leur culture, et ils apprennent à découvrir nos valeurs».
Une autre communauté catholique se trouve dans la steppe, à plus de 400 kilomètres de distance de la capitale. Le centre missionnaire et l’église ont été construits depuis une vingtaine d’années et fournissent une assistance et un soutien à la population, indépendamment de la foi de chacun. Dans ce cas également, la religieuse souligne que «l’objectif est la construction d’une amitié réciproque dans laquelle notre témoignage chrétien est très discret». L’un des grands défis qu’elle voit à l’horizon pour sa communauté religieuse est celle de la conversion personnelle permanente qui ouvre à Dieu et aux autres. Mais il y a un autre défi qui selon elle, est tout aussi fondamental: «C’est celui de la langue mongole, nécessaire pour notre chemin d’inculturation. Pour certains d’entre nous, l’apprendre est plus facile, d’autres doivent s’appliquer davantage. Mais le faire demeure une priorité absolue». En reprenant l’enseignement du cardinal Giorgio Marengo, préfet apostolique d’Oulan-Bator, sœur Maria Esperanza décrit à travers une image poétique, et dans le même temps claire, la façon dont on a choisi de parler de Jésus: «L’Evangile doit être chuchoté avec amitié dans une oreille. Et pour ce faire, il faut que chacun de nous se prépare au mieux». La devise du -voyage du Pape est Espérer ensemble, une invitation que la religieuse sent adressée à tout le pays parce que «dans un milieu non chrétien comme celui de la Mongolie, la collaboration de toute la population est fondamentale». Puis elle ajoute: «Les autorités sont heureuses que François vienne ici: ce sera le signe visible de l’amour de l’Eglise à l’égard des plus petits, des plus faibles». Au-delà de leur foi religieuse.
Federico Piana