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Mgr Paul Hinder rappelle les missionnaires de la charité tuées à Aden en 2016

Au Yémen le sacrifice des sœurs pour la paix

 Au Yémen le sacrifice des sœurs   pour la paix  FRA-034
24 août 2023

Quatre sœurs missionnaires de la Charité — la congrégation fondée par sainte Teresa de Calcutta — œuvrant depuis longtemps au Yémen, ont été victimes d’un attentat terroriste à Aden, l’une des principales villes du pays, où elles ont perdu la vie avec 12 autres personnes. C’était le 4 mars 2016. A 8h00 du matin, les djihadistes faisaient irruption dans la maison de soin où les religieuses assistaient les personnes âgées abandonnées, tirant des coups d’armes à feu. Elles s’appelaient Annselna, Judith, Margarita et Reginette et provenaient respectivement d’Inde, du Kenya et du Rwanda.

C’est de ces religieuses, et de tous ceux qui ont sacrifié leur vie par amour pour leur prochain au cours des 25 dernières années, demeurant fidèles à l’appel de Dieu dans des contextes de précarité et de violence, que veut faire mémoire le travail de la Commission des Nouveaux Martyrs - Témoins de la foi, instituée par volonté du Pape François. L’évêque capucin Paul Hinder, ancien vicaire apostolique d’Arabie du sud, rappelle les religieuses qu’il a eu l’occasion de connaître personnellement, et rappelle l’importance de maintenir vivante la mémoire de leur sacrifice. Les martyrs, affirme-t-il, ne sont pas seulement ceux des premiers siècles de l’Eglise, il y en a beaucoup aujourd’hui aussi.

Mgr Hinder, quel est l’héritage laissé par le martyre de ces quatre sœurs missionnaires de la Charité au Yémen?

L’héritage des sœurs demeure comme témoignage dans une région depuis long-temps en conflit. Ce qui frappe est la simplicité avec laquelle elles ont vécu au cours de près de cinquante ans dans le pays. Leur assassinat en 2016 fut un événement véritablement inattendu, même si le risque existait. Leur témoignage, avec celui des autres personnes qui ont été tuées au même moments, des collaborateurs musulmans mais également un chrétien, demeure une sorte de sacrifice pour une Eglise souffrante, et non seulement pour l’Eglise, mais pour un peuple qui souffre. Je pense que cette violence a été un choc non seulement pour les chrétiens, mais pour le pays qui a apprécié et continue d’apprécier beaucoup la présence de ces missionnaires de la charité et du cœur. Je leur rendais visite chaque année. La première fois en 2004, encore avec mon prédécesseur. Puis, je suis revenu seul comme vicaire apostolique et les rencontres, les Messes, et aussi une conférence pour les sœurs faisaient toujours partie du programme. J’ai vu leur témoignage et leur travail parmi les personnes âgées et porteuses de handicap. J’ai toujours été très frappé de voir leur dévouement envers les personnes les plus pauvres, dont personne ne s’occupait, à part les sœurs. Ces visites restent gravées dans ma mémoire. Je n’étais pas présent quand elles ont été tuées, cela a été un choc quand j’ai reçu la nouvelle et dans le même temps, nous nous sommes sentis désemparés, car nous n’avions pas la possibilité d’apporter de l’aide immédiatement, parce qu’il était quasiment impossible de prendre contact avec eux, mais je me souviens de tout.

Quelle est, selon vous, la valeur de la reconnaissance par l’Eglise de ces «nouveaux martyrs», parmi lesquels ces sœurs, et de tous ceux qui ont donné leur vie pour la foi et pour aider les autres?

Je dirais également pour la paix dans un monde de guerre, et même de guerre civile. Cela demeure, selon moi, même s’il est clair que dans la situation du Yémen, cela n’a pas fait beaucoup de bruit, et cela continue à ne pas en faire. Très souvent, il en est ainsi avec le témoignage des chrétiens ou des chrétiennes authentiques, ils ne font pas beaucoup de bruit, mais leur témoignage est un témoignage efficace pour ceux qui savent lire les signes. Pour moi, qui ai pu connaître ces sœurs, ce qui m’a frappé et continue encore à me frapper, est cette fidélité et cette confiance dans le Seigneur, même avec le risque de perdre la vie, d’être tués, mais cela est difficile à communiquer aux autres: il faut voir et il faut croire que cela a un sens, que la foi est une semence pour une vie plus grande qui naîtra sans doute plus tard.

L’initiative du Pape d’instituer cette Commission pour rappeler les «nouveaux martyrs» est-elle selon vous une chose importante?

Oui, bien sûr, parce que quand nous entendons parler de martyrs, nous pensons aux premiers siècles de la chrétienté, mais le phénomène du martyre continue au cours de l’histoire, et aujourd’hui aussi, nous devons les rappeler. Et c’est pour cela que nous avons instauré ici un mémorial au niveau du vicariat chaque 30 juin — le lendemain de la solennité des saints Pierre et Paul — pour rappeler les martyrs modernes de la région qui ne sont pas canonisés, mais qui nous rappellent que nous vivons la foi dans un contexte où d’autres hommes ou femmes ont donné leur vie.

Deborah Castellano Lubov et Adriana Masotti