«Dix ans se sont écoulés depuis que nous avons perdu toute trace du père Paolo. Avec beaucoup de courage, il avait cherché à entrer en aient lieu contact, au nord de la Syrie, avec les ravisseurs de deux évêques, l’un syro-orthodoxe et l’autre grec-orthodoxe, enlevés quelques semaines plus tôt. Puis l’obscurité totale». C’est ce que rappelle le Pape François dans la préface du livre Il mio testamento [Mon Testament] (Centro Ambrosiano Editrice, 208pp, 19,50 euros), premier volume d’un recueil des conférences inédites du père jésuite Dall’Oglio. En commentant la Règle de la communauté monastique de Deir Mar Moussa qu’il avait fondée, le prêtre né à Rome en 1954 offre un itinéraire de foi personnel, mais également une vision prophétique sur l’Eglise et sur le monde, en ouvrant à de nouveaux horizons d’œcuménisme, de fraternité entre les hommes et les femmes, de dialogue avec l’islam. Autant de thèmes chers au magistère du Pape Bergoglio. En vue de l’imminent et douloureux anniversaire de la disparition du prêtre jésuite italien, survenue le 29 juillet il y a dix ans, le quotidien italien «Il Sole24Ore» a publié le 7 juillet dernier le texte pontifical que nous rapportons ci-
dessous:
C’est avec une certaine émotion que nous feuilletons les pages de ce livre dans lequel le père Paolo Dall’Oglio commente la règle de la communauté monastique de Deir Mar Moussa; c’est-à-dire qu’il raconte les intentions profondes qui l’ont poussé à faire revivre un très ancien monastère syriaque, datant du vie siècle après Jésus Christ, en récupérant la grande tradition spirituelle des pères du désert et en lui donnant en même temps le nouveau sens d’un témoignage de l’amour du Christ dans le contexte arabo-musulman.
Mar Moussa al-Habashi (Saint Moïse l’Abyssin) était sa créature, conçue avec tant d’amour: ces conversations avec ses frères — autour du sens de la règle — nous transmettent une grande passion. Un esprit libre, refusant le formalisme et les phrases de circonstance; parfois extrême, comme il le reconnaît lui-même avec une dose d’autodérision. Ces conversations révèlent également la profondeur de sa vision, la source de son engagement: «Un monastère dans le désert» — explique-t-il à travers une image suggestive — est une lumière que l’on voit de loin, c’est une étape sur la route, une station du pèlerinage; pour nous, c’est comme le chêne de Mamré où Dieu devient notre hôte et où nous devenons ses hôtes».
Dix ans se sont écoulés depuis que nous avons perdu toute trace du père Paolo. Avec beaucoup de courage, il avait cherché à entrer en contact, au nord de la Syrie, avec les ravisseurs de deux évêques, l’un syro-orthodoxe et l’autre grec-orthodoxe, enlevés quelques semaines plus tôt. Puis l’obscurité totale. A sa famille et à ses amis a été nié à ce jour jusqu’au geste de pitié d’un corps restitué, sur lequel pleurer et auquel donner une digne sépulture. Nous n’avons pas de mots pour exprimer cette douleur et nous sommes incapables de donner un nom et une raison à la haine de ses éventuels persécuteurs. Nous savons cependant ce qu’il n’aurait pas voulu: blâmer l’islam en tant que tel pour sa disparition mystérieuse et dramatique; renoncer à ce dialogue passionné auquel il a toujours cru dans le but de «racheter l’islam et les musulmans», comme le dit l’un des préceptes de sa règle. Sur ce point, le père Paolo était très clair. Il n’ignorait pas les problèmes, écoutait les récits de souffrance de ses frères arabes chrétiens, des coptes, des chaldéens, des maronites, des assyriens... Mais il sentait comme vocation spécifique de son action et de sa communauté monastique la voie de la fraternité. «C’est pourquoi —, affirmait-il —, quelle que soit la situation, et en tenant compte du pire qui puisse arriver, demeure, pour ces chrétiens qui sont appelés par Dieu, le rôle de l’amour pour tous les musulmans».
Il ne s’agissait pas de tactiques politiques, mais du regard d’un missionnaire qui expérimente, avant tout sur lui-même, la puissance de la miséricorde du Christ. Un regard qui n’est pas fondamentaliste, mais doux, empli de cette espérance qui ne déçoit pas, parce qu’elle repose en Dieu. Toujours ouvert au sourire. Il est donc émouvant de relire aujourd’hui certains passages prophétiques d’un texte qui ressemble tant à un testament spirituel. En particulier, lorsque le père Paolo parle du jour de son offrande finale pour Jésus: «Je dis: notre vocation dans le contexte musulman devrait être accompagnée d’un rire de joie. Et que soit un jour de joie, si Dieu le veut, le jour où nous goûterons à l’offrande finale pour Jésus et demanderons cette grâce; car c’est une grâce que personne ne peut s’attribuer».