Le secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats et les organisations internationales est revenu sur la position du Pape François et du Saint-Siège par rapport à la guerre en Ukraine lors de la présentation du volume du mois de mai de la revue italienne Limes consacré au conflit. Mgr Paul Richard Gallagher a rejeté les interprétations des paroles et des gestes du Saint-Père qui ne rendent pas justice à ses efforts en faveur de la paix.
Pas question pour le chef de la diplomatie du Saint-Siège d’ignorer la désillusion des Ukrainiens par rapport aux déclarations du Pape François sur la guerre qu’ils -mènent. Profitant de la tribune qui lui était offerte ce jeudi 13 juillet lors de la présentation à Rome du volume du mois de mai de la revue de géopolitique italienne Limes, intitulé «Leçons ukrainiennes», Mgr Paul Richard Gallagher a tenu à préciser la position du Saint-Père et du Saint-Siège sur un conflit qui, selon lui, dépasse les frontières ukrainiennes.
Or, le reproche de «pacifisme vide» (p. 87 du volume) adressé à ce que le Pape a dit ou fait, «ne rend pas justice à la vision et aux intentions du Saint-Père, qui ne veut pas se résigner à la guerre et s’obstine à croire dans la paix, invitant tout le monde à en être des tisseurs et des artisans créatifs et courageux», assure Mgr Gallagher. Le diplomate affirme ainsi que «ce qui pousse le Saint-Père n’est rien d’autre que la volonté de rendre possible le dialogue et la paix, inspirée par le principe que “l’Eglise ne doit pas utiliser la langue de la politique, mais le langage de Jésus”».
Dans sa défense, Mgr Gallagher insiste: «Le Pape a clairement dit avoir distingué entre l’agresseur et l’agressé, avec la certitude incontestable que tout le monde sait bien qui est l’un et qui est l’autre», «qui est l’agresseur et qui est la victime». Force est donc de reconnaitre selon lui, que «les paroles du Saint-Père ne sont pas l’expression d’une simple “rhétorique de paix” mais d’une forte et courageuse “prophétie de paix” qui défie la réalité de la guerre et son inéluctabilité présumée».
Mgr Gallagher met alors le doigt sur un problème qui dépasse la simple divergence d’interprétation: la partialité des commentateurs et des analystes. «Cette prophétie (…) est réfutée et condamnée avec un esprit qui, de cette manière, se montre non moins partial de celui attribué au Saint-Siège», estime-il. Cette partialité des critiques du Pape et de sa position conduit à refuser de voir la réalité des faits ou l’occulte, regrette le secrétaire pour les relations avec les Etats qui cite alors les initiatives concrètes du Saint-Siège: contrairement à de nombreuses ambassades occidentales qui se sont déplacées à Lviv dès le début de la guerre, la nonciature est demeurée à Kiev, «soutenue par l’appréciation et la gratitude publique du Pape François», précise-t-il. Cela a pour but de manifester concrètement «la proxi-mité chrétienne à un peuple martyrisé et d’œuvrer en faveur de la paix, sans se préoccuper du risque de perdre la face et de déchanter face aux prophètes de malheur de notre temps».
L’engagement de l’Eglise catholique en Ukraine en faveur de la population, de ses organismes caritatifs dans le domaine humanitaire, les missions accomplies par le cardinal Krajewski, sont autant d’actions qui peuvent être assimilées, affirme Mgr Gallagher, à «une étreinte de charité» du Pape au peuple ukrainien pour ne pas le laisser «dans la souffrance et dans la tragédie qu’il traverse».
Poursuivant son analyse de la guerre en Ukraine, l’archevêque britannique précise bien que ce conflit est «surtout une tragédie qu’il faut dépasser». Reconnaissant le consen-sus existant sur le fait que «l’Ukraine combat pour défendre sa propre existence, ce pourquoi il est juste qu’elle soit soutenue dans ses souffrances et qu’il soit justifié qu’elle soit aidée dans son courageux engagement», Mgr Gallagher pense que pour trouver la paix, il faut abandonner «la logique de guerre» qui prévaut actuellement. Il faut, selon lui, que la future paix «ne se limite pas à la logique d’une paix basée sur la défaite de l’ennemi et sur de nouveaux rapports de force, mais bien sur un respect réciproque».
Pour le diplomate du Saint-
Siège, «l’invasion de l’Ukraine n’est pas seulement la conséquence d’estimations de nature militaire et politique, mais aussi d’un manque de juste considération du profond sens national du peuple ukrainien. Avoir nié à l’autre la reconnaissance de son identité a rendu impossible un dialogue respectueux, en mesure de prévenir les développements dont maintenant tout le monde est témoin». Et d’insister: «Affirmer sa propre identité sur la négation de celle de l’autre ne fait rien d’autre que propager l’inimitié et rendre précaire n’importe quelle paix désirée».
D’où la nécessité d’un engagement supérieur en faveur de la construction d’une confiance réciproque explique Mgr Gallagher. C’est pourquoi renforcer les initiatives humanitaires déjà existantes peuvent aider, comme l’échange de prisonniers, l’exportation des céréales ou le rapatriement des enfants que «le cardinal Matteo Zuppi cherche à mettre en place après sa double mission à Kiev et Moscou». Reste cette certitude absolue: «Cette guerre doit être arrêtée le plus tôt possible» (xavier sartre).