«Carnet, stylo et regard»: tels sont les «trois “éléments” du travail journalistique, qui sont peut-être de moins en moins utilisés, mais qui ont encore beaucoup à enseigner», a indiqué le Pape François à la délégation du Prix Biagio Agnes, reçue en audience le 24 juin, dans la salle Clémentine. Après avoir prononcé le discours préparé pour l'occasion — que nous publions ci-dessous — le Souverain Pontife a adressé quelques mots de salutation aux personnes présentes à la rencontre.
Mesdames et Messieurs,
Bienvenue! Je salue Madame Simona Agnes, le président Gianni Letta, les membres du jury et vous tous présents, qui, à différents titres, vous êtes engagés dans le domaine de la communication. La Fondation qui promeut le Prix international du journalisme et de l'information porte le nom de Biagio Agnes, journaliste italien bien connu, figure de proue de la rai , défenseur du service public, capable d'intervenir avec sagesse et décision pour garantir une information authentique et correcte.
Le Prix en est à sa quinzième édition: une période de temps qui photographie les grands changements toujours en cours et permet également de poser les bases d’un style qui trouve en Biagio Agnes l'un de ses inspirateurs. Dans ce sens, je voudrais aussi lire la proximité de cette initiative de la part de la rai — ici représentée par ses sommets — et depuis quelques années aussi de Confindustria. C’est seulement ensemble, chacun avec ses spécificités et prérogatives, que l’on peut dessiner un horizon d'espérance.
C'est le travail quotidien du journaliste, appelé à «user les semelles de ses chaussures» ou à parcourir les routes numériques, toujours à l'écoute des personnes qu'il rencontre. «Le journalisme, comme récit de la réalité, exige la capacité d'aller là où personne ne va: un mouvement et un désir de voir. Une curiosité, une ouverture, une passion» (cf. Message pour la 55e Journée mondiale des communications sociales, 23 janvier 2021). C'est ce qui est également souligné par le jury avec le Prix du reporter de guerre: une attention qui, en racontant la tragédie et l'absurdité des conflits, fait sentir à tous qu'ils font partie d'une même souffrance. Je voudrais indiquer, à cet égard, trois «éléments» du travail journalistique, qui sont peut-être de moins en moins utilisés, mais qui ont encore beaucoup à enseigner: le carnet, le stylo et le regard.
Le Carnet: noter un fait implique toujours un grand travail intérieur. On le note parce qu'on en est témoin direct ou parce qu'une source, que l'on considère comme fiable, le rapporte, ouvrant ensuite à la vérification ultérieure. Le carnet rappelle l'importance de l'écoute, mais surtout de se laisser transpercer par ce qui se passe. Le journaliste n'est jamais un comptable de l'histoire, mais une personne qui a décidé de vivre ses rebondissements avec participation, avec compassion.
Le Stylo: On l'utilise de moins en moins, remplacé par des moyens plus avancés, mais le stylo aide à élaborer la pensée, en connectant la tête et les mains, en favorisant les souvenirs et en reliant la mémoire avec le présent. Le stylo évoque le travail artisanal auquel le journaliste est toujours appelé: on prend le stylo en main après avoir vérifié les détails, pesé les hypothèses, reconstruit et vérifié chaque passage. Dans cette trame, l'intelligence et la conscience agissent ensemble, touchant les cordes existentielles de chacun. Le stylo évoque ainsi l' «acte créatif» des journalistes et des médias, un acte qui exige de combiner la recherche de la vérité avec l'intégrité et le respect des personnes, en particulier avec le respect de l'éthique professionnelle, comme l'a fait Biagio Agnes.
Le Regard: Le carnet et le stylo ne sont que de simples accessoires s'il manque un regard sur la réalité. Un regard réel, non virtuel. Aujourd'hui, plus que par le passé, on peut être distrait par des mots, des images et des messages qui polluent la vie. Pen-sez, par exemple, au triste phénomène des fausses nouvelles, à la rhétorique belliqueuse ou à tout ce qui manipule la vérité. Il faut un regard attentif sur ce qui se passe pour désarmer le langage et favoriser le dialogue. Le regard doit être guidé par le cœur: de là «jaillissent les mots justes pour dissiper les ombres d'un monde fermé et divisé et construire une civilisation meilleure que celle que nous avons reçue. C'est un effort demandé à chacun de nous, mais qui rappelle en particulier le sens de la responsabilité des acteurs de la communication, pour qu'ils exercent leur profession comme une mission» (cf. Message pour la 57e Journée mondiale des communications sociales, 24 janvier 2023).
Chères amies et chers amis, je vous encourage à poursuivre votre engagement en faveur de la promotion d'initiatives culturelles pour soutenir la diffusion d'une information correcte, en éduquant et en formant les jeunes générations. Je vous remercie encore et adresse mes félicitations aux lauréats. Et, s'il vous plaît, souvenez-vous de prier pour moi. Merci.