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Du Burkina Faso, les textes pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2024

De l’eau à boire et des fleurs colorées malgré d’atroces souffrances

 De l’eau à boire et des fleurs colorées malgré d’atroces souffrances  FRA-027
06 juillet 2023

Les textes pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui se tiendra en 2024 sur le thème: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu,... et ton prochain comme toi-même» (Lc 10, 27) ont été publiés il y a quelques jours. Les documents ont été préparés par un groupe interconfessionnel du Burkina Faso, coordonné par la communauté locale de Chemin Neuf, qui a une forte connotation œcuménique. Les représentants de l’archidiocèse de Ouagadougou, des Eglises protestantes et des organismes œcuméniques locaux ont participé ensemble à la rédaction des prières et des réflexions. Du 25 au 29 septembre 2022, lors d’une rencontre à Rome à la Maison Saint-Joseph de Cluny, l’équipe internationale désignée par le Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens et par la Commission «Foi et Constitution» du Conseil œcuménique des Eglises a travaillé sur la version finale des textes, en collaboration avec l’équipe de rédaction locale. Les travaux à Rome ont été présidés conjointement par le Révérend Mikie Roberts, du Conseil œcuménique des Eglises, et le Père Anthony T. Currer, du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens.

Les documents soulignent que «la préparation des textes pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, dans cette période très précaire de l’histoire de leur pays, a aidé le groupe œcuménique de rédaction à reconnaître que l’amour du Christ unit tous les chrétiens et est plus fort que leurs divisions. Au terme de ce travail, ils ont reconnu que le fait de travailler ensemble pour l’unité a été pour eux une véritable expérience de conversion œcuménique». Les textes, entièrement centrés sur la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 25-37), invitent fortement chaque chrétien à partager ce chemin de conversion œcuménique, à grandir dans l’amour de Dieu et du prochain, à regarder la réalité avec des yeux miséricordieux, à être attentif aux besoins des autres, prêt à accueillir, généreux dans l’aide et la collaboration, capable de répondre à la haine par la force du pardon. Un message d’autant plus inten-se si l’on considère le contexte dans lequel il s’inscrit. Au cours des sept dernières années, le Burkina Faso a été tragiquement marqué par les attaques et la violence des groupes djihadistes qui ont causé la mort de milliers de civils et contraint environ deux millions de personnes, sur une population de 21 millions d’habitants, à abandonner leur foyer dans une tentative désespérée de se mettre à l’abri. Ces flots de personnes déplacées, avec des enfants aux yeux dilatés par la terreur, et des adultes, hommes et femmes, épuisés et décharnés, aggravent la situation humanitaire déjà précaire du pays, marquée par une misère atavique.

Depuis 2016, de telles atrocités mettent à mal non seulement la sécurité, mais aussi la cohésion sociale. La peur, toujours mauvaise con-seillère, sème la méfiance, l’hostilité et la haine à l’égard de certains groupes ethniques, tandis que l’illégalité et la traite des êtres humains prolifèrent. Plus de 22% du territoire n’est plus sous le contrôle de l’Etat. Dans les zones touchées par les violences, des milliers d’écoles, de centres de santé et de mairies ont été fermés. Les infrastructures socio-économiques sont détruites, les transports endommagés. La situation est difficile pour les communautés chrétiennes qui pleurent l’assassinat de prêtres, de pasteurs, de fidèles. On n’a plus aucune nouvelle des personnes kidnappées. Pour des raisons de sécurité, dans le nord du Burkina Faso, mais aussi à l’est et au nord-ouest, la plupart des églises ont été fermées. Dans certaines localités, les célébrations liturgiques ont été suspendues, dans d’autres, elles se déroulent sous la protection de la police. Toutefois, les rédacteurs des textes soulignent que, précisément dans ce contexte difficile, «une certaine solidarité émerge entre chrétiens, musulmans et membres des religions traditionnelles. Leurs responsables s’efforcent de trouver des solutions durables pour la paix, la cohésion sociale et la réconciliation». A cet effet, par exemple, «la Commission pour le dialogue islamo-chrétien de la Conférence épiscopale catholique du Burkina-Faso et de la République du Niger fait un effort important pour soutenir le dialogue et la coopération au niveau interreligieux et interethnique».

Le pays compte une soixantaine de groupes ethniques différents. Sur le plan religieux, environ 64% de la population est musulmane, 9% -adhère aux religions traditionnelles africaines et 26% est chrétienne (20% de catholiques et 6% de protestants). Ces trois groupes religieux sont présents dans toutes les régions. Les possibilités de dialogue et de rencontre sont donc constantes. En particulier, les initiatives continuent de naître au niveau interconfessionnel, malgré quelques méfiances et, surtout, malgré cette grave crise sécuritaire qui touche toutes les communautés chrétiennes. Après la traduction œcuménique de la Bible en français, le projet de traduction œcuménique du texte sacré dans les langues locales a été lancé. D’autres activités œcuméniques des communautés chrétiennes du Burkina Faso sont l’échange de visites de courtoisie dans leurs églises, la participation commune à des moments de prière et le partage de l’engagement en faveur des personnes opprimées par la pauvreté et la souffrance.

Ces actions concrètes sont aussi précieuses que le geste traditionnel d’hospitalité des familles burkinabées qui accueillent habituellement les visiteurs en leur offrant de l’eau fraîche dans un récipient typique obtenu d’une calebasse vidée et séchée. De manière significative, les rédacteurs des textes invitent les chrétiens du monde entier à partager le même geste d’hospitalité en offrant aux représentants des différentes confessions chrétiennes de l’eau claire à boire, lors de l’ouverture de la liturgie œcuménique en 2024. Ils demandent également aux participants d’apporter des bouquets de fleurs de différentes couleurs, en signe de la richesse de l’amour de Dieu et de la diversité de son peuple. Contre toutes les formes de division, contre l’atrocité de la guerre, outrage à la race humaine, iniuria humani generis, comme l’écrivait Pline l’Ancien, l’humble appel des fleurs sauvages, de la beauté qui sauve le monde. Et le pouvoir de la prière, de l’amour et de l’abandon en Dieu.

Donatella Coalova