«On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible aux yeux». Cette célèbre phrase du Petit Prince décrit bien ce qui s'est passé après l'admission du Pape François à l'hôpital Gemelli le 7 juin dernier. Ces jours-là, et avant le retour au Vatican, le 16 juin, les fidèles n'ont pas pu rencontrer publiquement l'Evêque de Rome, mais cela ne signifie pas que le pasteur et le peuple se sont éloignés l'un de l'autre. Au contraire, à certains égards — en citant Antoine de Saint-Exupéry — le Pape François et le peuple qui l'aime ont été plus encore unis grâce à la prière qui jaillit du cœur et qui n'a pas besoin de visibilité pour s'exprimer. Une prière qui est comme «l'oxygène de la vie» pour reprendre les mots d'une de ses catéchèses en novembre 2020, pendant la période sombre de la pandémie.
En regardant rétrospectivement ce qui s'est passé, il est significatif que, peu avant son hospitalisation, tout le monde ait pu observer le Pape — au début de l'audience générale du 7 juin sur la place Saint-Pierre — se recueillir devant les reliques de sainte Thérèse de Lisieux, à laquelle il voue un véritable culte. Les gens ne savaient pas à ce moment-là que le Pape allait subir une intervention chirurgicale peu de temps après, et ils ne pouvaient pas non plus savoir pour qui ou pour quoi François priait à ce moment-là. Une fois de plus, donc, «l'essentiel» était «invisible aux yeux». Une expérience et un enseignement précieux, d'autant plus dans le monde d'aujourd'hui où il semble que tout doit être montré, «dévoilé» pour avoir de la valeur.
La prière — nous rappelle le Pape — a un pouvoir invisible qui fait bouger les lignes de l'histoire. C'est pourquoi il ne se lasse pas de prier (et de nous demander d’en faire autant) pour la paix dans le monde. Il l'a fait même pendant les jours de son séjour à l'hôpital. Ses pensées vont toujours là, où qu'il soit: au peuple ukrainien comme à tous les peuples qui souffrent de la violence et de la guerre. Prier, témoigne François, est au fond l'acte le plus concret qu'un chrétien puisse accomplir car c'est un dialogue avec le Seigneur, une demande d'écoute, une proposition d'aide. C'est parler avec le cœur au Cœur plus grand, celui qui embrasse chacun de nous.
Nous nous souvenons tous du «Bonsoir» avec lequel Jorge Mario Bergoglio s'est présenté à la loggia centrale de la basilique pétrinienne le 13 mars d’il y a dix ans. Mais nous ne nous souvenons pas toujours que, peu après cette salutation — aussi ordinaire que disruptive sur les lèvres d'un Pape nouvellement élu — il demanda de prier le Notre Père, le Je vous salue Marie et le Gloire à Dieu. Une prière de pasteur avec le peuple qui, à partir de ce moment, n'a jamais cessé et s'est intensifiée dans les moments de difficulté et de souffrance. «Priez pour moi»: il y a quelques semaines, lors d'un entretien avec la chaîne de télévision Telemundo, François a expliqué à l’aide d’une image concrète pourquoi il répète si souvent cette exhortation. «Les gens, a-t-il dit, ne se rendent pas compte du pouvoir qu'ils ont en priant pour leurs pasteurs». Et il a ajouté que «tout pasteur, qu'il soit curé ou évêque, est comme défendu, blindé, avec une armure, grâce à la prière des fidèles». Une armure d'amour qui ne pèse pas, mais qui soutient. Une armure invisible pour les yeux, mais visible pour le cœur.
Alessandro Gisotti