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Dieu propose et l’homme dispose

15 juin 2023

«L’homme propose et Dieu dispose». Ce vieux dicton populaire me convainc de moins en moins quand j'y réfléchis. Le contraire me semble plus logique: «Dieu propose et l'homme dispose». Il y a de bonnes raisons en faveur de la version originale: la réaffirmation que Dieu est plus grand et plus puissant que l'homme, la capacité d'accepter avec patience et peut-être même d'accueillir avec joie ce qui arrive en l'inscrivant dans la volonté divine... Mais les raisons en faveur de la version inversée semblent plus convaincantes.

Le thème sous-jacent est évidemment celui de la liberté, qui est l'élément distinctif de la religion chrétienne. Alors que l'ancienne version du dicton peut conduire à une approche résignée et finalement fataliste de la vie, la deuxième version souligne la grandeur de la dignité humaine fondée sur les deux piliers que sont la liberté et la responsabilité. En d'autres termes, l'ancien dicton a une consonance païenne indéniable. Selon cette conception, l'homme propose, c'est-à-dire, il se propose, il est positif et proactif, tandis que Dieu est négatif, il entrave. Tout comme les dieux de la Grèce qui, face aux actes et à l'ingéniosité des hommes, se tenaient là, prêts à les mortifier. En ce sens, la lecture de l'essai de Charles Moeller, Sagesse grecque et paradoxe chrétien, écrit dans les années 1940, est éclairante et d'une grande actualité: aujourd'hui encore, en effet, la société occidentale est teintée de paganisme et de fatalisme, selon lesquels l'homme est bon et plein de «propositions» et d'un «optimisme» vide qui se transforment ensuite en ressentiment et résignation si le destin s'avère «cynique et tricheur» et en des illusions fragiles et irrémédiablement perdues.

Dans la nouvelle version, en revanche, c'est Dieu qui propose, c'est-à-dire qui se propose lui-même: et c'est précisément le style du Dieu de la Bible, un Dieu discret qui ne s'impose pas, mais qui fait une proposition qui coïncide avec sa propre personne. Il soumet à la réponse humaine sa pro-position qui, comme le dit le mot lui-même, il «place devant» le libre choix de l'homme: «Devant toi il a mis le feu et l'eau, selon ton désir étends la main. Devant les hommes sont la vie et la mort, à leur gré l'une ou l'autre leur est donnée» (Ecclésiastique 15, 16-17). Contemporain de l'essai de Moeller, le roman de C. S. Lewis Le grand divorce entre le ciel et la terre exprime la notion selon laquelle le Paradis est le lieu où l'homme dit à Dieu «Que Ta volonté soit faite» et l'Enfer est le lieu où Dieu dit à l'homme «Que ta volonté soit faite», soulignant la haute estime dans laquelle Dieu tient la liberté humaine. C'est précisément la dignité de l'homme qui est en jeu, comme l'a exprimé Flannery O'Connor dans son style tranchant: «Sans l'enfer, il n'y a pas de dignité».

Le Dieu chrétien ne mortifie pas, mais exalte la liberté de l'homme au point de se faire petit et de reculer devant elle; c'est un Dieu bon et doux qui permet à l'homme de disposer de soi-même, du monde et finalement de Dieu lui-même, qui va jusqu'à oser se mettre à la disposition de l'homme, se plaçant même entre ses mains. (andrea monda)

Andrea Monda