Avec la paix
«C’est une histoire vieille comme l'humanité: avec la paix on gagne toujours, peut-être peu mais on gagne, avec la guerre on perd tout. On perd tout. Tout! Et les soi-disant gains sont des pertes». Dans les studios de la rai ( Radio, télévision italienne ) , au nord de Rome, participant à l’enregistrement d’un épisode de l'émission dominicale A Sua Immagine, François réitère l'appel de Pie xii dans son radiomessage aux dirigeants du monde en 1939. Le Souverain Pontife italien déclarait alors: «Rien ne se perd avec la paix. Tout peut être perdu avec la guerre». François pense aujourd’hui au conflit en Ukraine qui blesse l'Europe, mais aussi à toutes les guerres et violences à travers le monde. Il y a un «plaisir de la torture», remarque-t-il, «nous le voyons dans la guerre, dans les films de guerre, le plaisir... Et tant de soldats qui travaillent là-bas à torturer les soldats ukrainiens. J'ai vu les vidéos. Et cela arrive parfois à de jeunes hommes».
De l’humanité dans les médias
Cet entretien — le premier d'un Pape dans un studio de télévision — mené par la présentatrice Lorena Bianchetti a vu les interventions de don Marco Pozza, aumônier de la prison Due Palazzi de Padoue, de sœur Agnese Rondi, religieuse du Cottolengo, et d'autres invités.
Alors que d’autres témoignages se sont succédé lors de l’émission du groupe de la télévision publique italienne, François a révélé qu'il n'avait jamais été dans un studio de télévision et qu'il n'a jamais trop regardé le petit écran: «Je vais vous dire un secret, quand j'étais jeune, il n'y avait pas encore de télévision», confie-t-il en plaisantant. Il commente ensuite sur le rôle que doit jouer l'information dans le monde actuel: «Les médias doivent aider les gens à se trouver, à se comprendre, à se faire des amis et à chasser les petits diables qui gâchent la vie des gens. C'est de la positivité, ce n'est pas seulement parler de religion. On peut oui, parler de Dieu... mais prendre soin de l'humanité, l'humanisme».
Le Saint-Père a évoqué aussi de grands événements de l'Eglise, comme le Jubilé de 2025, une occasion «pour rapprocher les gens les uns des autres, de Dieu, pour résoudre les problèmes, pour pardonner». «L'une des plus belles choses chez les personnes, c'est le pardon», ajoute-t-il, avant de rendre hommage à sa grand-mère Rosa, la première à lui avoir enseigné l'amour de la Vierge Marie: «Elle me parlait de saint Joseph et de la Vierge, mais toujours avec Jésus au centre».
L’humilité de Marie
La place centrale du Christ est importante, souligne par ailleurs le Pape, pour discerner la véracité des apparitions mariales (François fait notamment ici référence aux apparitions de la Vierge à une dame dans une petite ville près de Rome, Trévignano, et qui reçoit tous les 3 du mois un message de la Madone), qui ne sont pas toujours authentiques, prévient-il. «Il y a eu de vraies apparitions de la Vierge, mais toujours avec le doigt levé vers Jésus. Jamais la Vierge n'a attiré à elle. Lorsque la dévotion mariale est trop centrée sur elle-même, ce n'est pas bon. Aussi bien dans la dévotion que dans les personnes qui la pratiquent», précise-t-il. Le Saint-Père a critiqué aussi les personnes qui «sont un peu superficielles [et] tombent dans la tentation du paon, elles essaient de paraître, de faire semblant de...». Or, «la vie est faite pour vivre, pas pour s'inventer», souligne le Pape.
Après un salut aux parents de la petite Angelica, décédée à l'hôpital Gemelli le 31 mars dernier, la veille de la fin de l’hospitalisation du Pape dans ce même hôpital romain, François a rappellé l'importance de la «tendresse» et de l'«accompagnement de la douleur»: «Moi aussi, j'ai été accompagné au moment de la douleur. J'ai appris une chose, lorsque j'ai eu cette maladie à l'âge de 21 ans où j’ai failli mourir: face à la douleur, seuls les gestes -comptent, les mots ne servent à rien... Il n'y a pas de mots pour la douleur, seulement des gestes, et le silence».
Eduquer à la douceur
Le Saint-Père a ensuite écouté l'histoire de Diana Ghini, 19 ans, victime de brimades en raison de son physique et de sa sœur gravement handicapée. «La méchanceté est l'une des capacités de la personne», commente le Pape. Ceux qui commettent des brimades «semblent être des vainqueurs», mais «c'est une fausse victoire parce que c'est une victoire sur l'agression, sur la douleur des autres. La vraie victoire est harmonieuse, elle n'est pas agressive, elle est douce. Le vrai mot est douceur. Aujourd'hui, nous n'éduquons pas tellement à la douceur, parce que cela nous fait comprendre qu'être doux, c'est être stupide», a-t-il déploré.
Message aux parents et aux enseignants
«Il n'y a pas d'issue: soit nous choisissons la voie de l'amour, de la tendresse, soit nous choisissons la voie de l'indifférence», poursuit le Pape à propos de l’éducation des enfants. Mais attention, dit-il aux parents: «Il faut éduquer aux limites. Si vous faites grandir un garçon, une fille, un enfant sans limites, vous faites mal. Ils ont besoin de caresses, d'amour, mais aussi des “non” de l'amour. Non aux caprices». Il en va de même pour les enseignants: «Un enseignant ne séduit jamais, il attire, il fait en sorte que l’on se sente bien et il fixe des limites. Un maître qui ne donne que des bonbons n'est pas bon. Un maître, c'est celui qui t'aide à marcher, mais qui te montre la limite et te gronde. Et un père et une mère qui ne grondent pas un enfant, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas», estime enfin François.
Salvatore Cernuzio